mercredi 14 août 2024

Rêve familier

 

Quand Verlaine dit « qui m'aime », on veut bien, mais quand il ajoute « et me comprend », on se demande s'il n'est pas tombé sur la tête.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Couper court

 

La femme n'a tellement pas d'âme qu'elle finit par vous dégoûter. On aimerait l'envoyer au diable, avec ses magazines féminins. On voudrait ne plus éprouver d'attirance pour le moindre « biberon Robert ». On est tenté d'imiter Léonce d'Antioche qui, pour être tranquille, se priva volontairement des organes de la génération.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Poupou

 

Henri Bergson est le Poulidor de la philosophie. Quand il enfourche sa bécane à concepts, on a envie de lui crier : « Vas-y, Poupou ! » Alors que Husserl, lui, c'est Eddy Merckx. Il fend l'air, avec ses phénomènes !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mardi 13 août 2024

Insoutenable légèreté

 

Imagine-t-on Damoclès jouer aux petits chevaux ou conduire un break ? Alors pourquoi le faites-vous, alors que vous êtes exactement dans la même situation ? La mortalité de l'être mortel, ça vous dit quelque chose ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pendaison pour les nuls

 

Quand Estragon dit à Vladimir : « Et si on se pendait ? », il a l'air de penser que c'est à la portée de n'importe quel couillon, mais s'il avait lu l'ouvrage d'Ambroise Tardieu sur la pendaison, la strangulation et la suffocation (J.-B. Baillière et fils, Paris, 1870), il saurait qu'on a vite fait de se luxer les vertèbres ou de se déboîter l'apophyse odontoïde, et il ferait peut-être moins le malin.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Variabilité du sort

 

Dans Les Mohicans de Paris, Gibassier dit à Maillochon que la roue tourne. 
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Stimuli

 

Entendre Samson François jouer du Chopin, c'est comme manger des moules au lard ou contempler une paire de « biberons Robert » : on a des frissons presque partout. C'est un peu comme si on faisait une « crise de palu ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

lundi 12 août 2024

Glück durch Selbstmord ?

 

Certains disent que le meilleur moyen d'être heureux est de se tuer, quand d'autres affirment que le suicide est contraire à la félicité de l'homme et en veulent pour preuve que l'homicide de soi-même est en général « précédé des plus funestes agitations » et s'exécute « avec les symptômes d'un affreux désespoir ». Comment savoir qui a raison ? Comment démêler le vrai du faux ? Dans ce « monde de néant », tout est mou, marécageux et plein de roseaux !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Libre arbitre et homicide de soi-même

 

Dans Les Possédés, l'ingénieur Kirilov se tue pour prouver sa liberté et son insubordination, mais en fait il prouve « peau de zobe », ou plutôt il prouve seulement qu'il n'a pas réfléchi au problème à fond.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une étrange comédie

 

La vie n'est pas seulement une suite d'emmerdes, c'est aussi une suite d'astuces plus ou moins vaseuses telles que comment allez-vous yau de poêle.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un proto-beatnik

 

Diogène, le célèbre philosophe cynique, n'aimait rien tant que jouer les rebelles et épater le bourgeois. C'est ainsi qu'il se « tirlipotait le schmilblick » au vu de tout le monde, comme ça, dans la rue. Son prétexte était qu'il s'efforçait de se libérer des conventions sociales étouffantes de son époque. Il se présentait comme « un précurseur de Jacques Kérouac ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

dimanche 11 août 2024

Prudence avec les ratés

 

« Vous pouvez m'aimer, puisque je suis un raté. C'est sans danger.
— Peut-être, mais si nous t'aimons... tu ne seras plus un raté. Et là...  »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Paresse existentielle

 

Cosse est le nom vulgaire donné aux valves des gousses et des siliques. Tout le monde connaît les cosses du pois et du haricot. Mais il y a aussi la cosse de vivre, plus handicapante que celles du pois et du haricot réunies.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Chance aux cartes de Josèphe

 

Un jour que l'historien Josèphe jouait au poker, il remporta le pot grâce à une quinte curce (son adversaire Polybe n'avait qu'un brelan).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Aimables suicidés

 

Les suicidés sont sympathiques à tout le monde. On les admire et on les plaint. Pourtant, il y en a parmi eux qui, avant de se suicider, étaient d'odieuses canailles. Par exemple le dictateur roumain Nicolae Ceauşescu.
— Il ne s'est pas suicidé.
— Et sa bonne femme ?
— Non plus.
— Merde. 
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

samedi 10 août 2024

De la docte ignorance

 

Le théologien Nicolas de Cues dit que même l'homme le plus savant n'arrivera à la plus parfaite connaissance que s'il est trouvé très docte dans l'ignorance même, et qu'il sera d'autant plus docte qu'il saura que son ignorance est plus grande. Ce n'est donc pas la peine de se « casser la nénette » à apprendre comment résoudre une équation de Laplace par la méthode dite « des éléments de frontière ». Ce serait même contreproductif !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Dayjavou

 

La théorie de la métempsycose doit être vraie car la vie inspire un « sentiment de dayjavou ». On a l'impression qu'on se faisait caguer avant même le jour de sa naissance.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Le réel en neuf mots

 

La meilleure définition que l'on puisse donner d'un tas de fumier en fermentation — et par extension de la réalité empirique — est celle que propose le chimiste Raspail dans sa monographie sur l'acarus marginatus : un foyer pullulant de la contagion et du parasitisme.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Dictyosome

 

Chez les personnes « nihiliques », l'idée du Rien tient à peu près le rôle que joue l'appareil de Golgi chez le vulgum pecus. Elle régule le transport vésiculaire et synthétise les glycoprotéines et les sphingolipides — en plus de déclarer la vie un concentré d'absurde camusien.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

vendredi 9 août 2024

Facile à dire

 

Horace dit que « l'homme juste et ferme en ses desseins » doit demeurer impassible, quand bien même la voûte céleste s'écroulerait sur lui ou que sa bonne femme le tromperait avec un garagiste de La Bourboule. Mais c'est facile à dire ! Quand on est de Longwy ! Ça l'est un peu moins quand on est de Bezons !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pétrification de l'étant existant

 

Si les savants voulaient se rendre utiles, ils découvriraient un fluide gazeux capable de convertir en pierre l'étant existant — le fameux « Dasein » des existentialistes — sans altérer son organisation. Pour l'étant existant, ce serait sinon le bonheur du moins la fin des ennuis. Adieu gravelle et rhumatismes ! Adieu névralgies ! Adieu philosophie marcellienne !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Hippocastanacées, by Henri-Marcel Chissant

 

Hippocastanacées is a groundbreaking achievement, impeccably researched and brilliantly argued. Henri-Marcel Chissant's work is accessible but also comprehensive, really turning the topic on its head and taking an unflinching look at the concept of monstre bipède. This is an ambitious and timely piece that absolutely cannot be ignored.”

(The Paris Review)

Forme de l'être

 

En 1964, Gabriel Marcel rencontre Emmanuel Levinas à l'Université Libre de Bruxelles et l'informe qu'il a résolu le mystère de l'être. Ou peut-être pas le mystère de l'être mais au moins la question de sa forme. « L'être est rond comme la roue d'une berouette », dit-il à Levinas. Ce dernier lui répond qu'il aurait tout envisagé sauf ça et qu'il est estomaqué à un point que c'en est inimaginable.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

jeudi 8 août 2024

Vaincre la mélancolie

 

Le docteur Gachet, celui de Van Gogh, dit que les meilleures choses ont une fin, et que d'une façon ou d'une autre, il faut que la mélancolie se termine. D'après lui, elle peut se terminer par le suicide (cas de Van Gogh) ou simplement par un « coup de mousseux » accompagné d'une portion de tarte aux fruits.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Gongyle

 

Il doit exister une phrase, ce n'est pas possible autrement, il doit exister une formule magique qui nous permettrait de nous éveiller de ce cauchemar. Il faut juste la trouver. Peut-être quelque chose avec le mot gongyle ? Peut-être une phrase du style : « Les gongyles des conceptacles affectent la forme de petites massues allongées » ? — Non, il ne semble pas que ce soit ça. C'eût été trop beau.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Fourbe de Namur

 

Henri Michaux était un drôle de faux jeton : il écrivait des livres et mettait son nom dessus ! S'il avait été d'Anvers, il aurait pu être surnommé le Fourbe d'Anvers, mais il était de Namur.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Des larmes

 

Comme au docteur Richet, il nous répugne de penser que l'appareil lacrymal n'est qu'un hors-d'œuvre inutile, une superfluité. Ne nous servirait-il qu'à pleurer sur les misères et les folies des hommes, ce serait déjà pas mal.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mercredi 7 août 2024

Entrisme du réel

 

Le réel se sent trop faible pour agir « à drapeaux déployés ». Alors il s'infiltre sournoisement, il s'installe « en loucedé » dans chaque compartiment de notre vie. Il noyaute celle-ci qu'il voit comme une organisation rivale. Il est lambertiste.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pas bouger

 

Voyager est un leurre. D'une part, ça coule par les côtés ; d'autre part, où qu'on aille, on transporte avec soi sa solitude et sa morosité. Il n'y a pas à en sortir. Et il y a encore autre chose : les gens d'ailleurs sont encore plus louches que les gens d'ici — et ce n'est pas peu dire.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)