dimanche 8 décembre 2024

Bouée

 

Parmi les choses auxquelles on se raccroche pour ne pas se noyer, la moins efficace est la bonne femme. Elle serait même plutôt un facteur aggravant. Mais comme à Leopardi, il nous est doux de nous abîmer dans cette mer, alors ça va.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Pilon


Pour ses recherches sur le cerveau, Henri Michaux devait fumer de nombreux « tarpés » et il était souvent à court de « pilon ». Chaque fois qu'il rencontrait son ami Émile Cioran, il lui demandait s'il avait du « pilon », mais celui-ci n'en avait jamais. Ce n'est pas qu'il était trop fier pour ça, mais il oubliait tout le temps d'en acheter.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

samedi 7 décembre 2024

Humain, trop humain

 

Emmanuel Kant jouait les durs, il critiquait la raison pure, la raison pratique, la faculté de juger, mais il y a fort à parier que devant une belle paire de « biberons Robert », il se serait senti comme Antonin Artaud à son retour du Mexique : envoûté.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

La disparition

 

On cherche, on cherche, mais rien. Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx. C'est plus fort que de jouer au bouchon ! Où est-il passé ? Ce ptyx ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Perles de pluie

 

Il ne faut pas avoir honte, pour dire à une bonne femme qu'on va lui offrir des perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas. En tout cas, si on le fait, il faut espérer qu'elle ne s'y connaisse pas trop en poésie — par exemple qu'elle ne lise pas du Mallarmé ou du Saint-John Perse —, parce que sinon... la gênance.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Apothéose de la négation

 

Le suicidé philosophique ne se résume pas à son geste fatal. L'homicide de soi-même n'est que l'apothéose lugubre de toute son œuvre (pourrait-on dire).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

vendredi 6 décembre 2024

Américanisation du monstre bipède

 

Le monstre bipède est tellement nourri de films hollywoodiens qu'il réagit en toute circonstance de la même manière que le « Françoué » faisait sa tournée : à l'américaine. Il a perdu tout naturel, the darn rascal, goddammit.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Faux-jetonnerie artistique et littéraire

 

Pour être accepté dans le monde de l'art ou de la littérature, il faut prétendre aimer ce que les autres font, alors même qu'on est convaincu que c'est de la m... Les artistes et les littérateurs sont de grands hypocrites et — après tout pourquoi ne pas le dire — des céoènes.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un pardeusse qui tient chaud

 

Tous les écrivains russes sont sortis du Manteau de Gogol. Il faut dire qu'il y faisait une chaleur à crever (il est garni de fourrure et doublé en molleton).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Du singe


 
La vie n'est pas succulente. On dirait du singe. Sommes-nous des biffins, pour bouffer de cette cochonnerie ? Si vous nous piquez, est-ce que nous ne saignons pas ? Si vous nous chatouillez, est-ce que nous ne rions pas ? Et cætera, et cætera.
 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

jeudi 5 décembre 2024

Tour du haineux

 

Le Moi est haïssable ; l'enfer, c'est les autres ; familles, je vous hais. Ça y est, on a fait le tour.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Alter ego

 

Ne nous mentons pas à nous-même en nous identifiant à Bartleby ou à Oblomov. Ces deux « athlètes du Rien » gardent de la grandeur dans leur déchéance. Notre véritable alter ego est le Makar Dievouchkine des Pauvres gens, qui n'est lui-même qu'« une épreuve plus développée et plus noire d'Akaki Akakievitch, le type grotesque d'employé créé par Gogol » selon les mots d'Eugène-Melchior de Vogüé — en d'autres termes un ver de terre.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Crudités

 

Boulangerie du Léguer, onze heures du matin. Je ramais. Tout à coup, foudroyé par une réminiscence de vocabulaire : le mot crudités. Si j'avais été seul, je me serais jeté instantanément à l'eau. Jamais je n'ai ressenti avec une telle violence le besoin de mettre un terme à tout ça.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Signé Perros

 

Le monstre bipède ne peut pas s'empêcher de faire l'intéressant. Tous les moyens lui sont bons pour se faire remarquer. S'il est du beau sexe, il exhibe ses « biberons Robert » ; sinon, il écrit des poëmes qu'il signe Georges Perros. C'est inconcevable.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mercredi 4 décembre 2024

Seul moyen

 

On peut le regretter, car il s'agit d'un moyen quand même assez brutal, mais il n'y a que l'homicide de soi-même pour permettre à un suicidé philosophique de devenir en réalité ce qu'il n'était jusqu'alors qu'en puissance, à savoir un suicidé philosophique.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Curiosité

 

Edgar Degas est pratiquement le seul peintre dont le nom est une anagramme parfaite du prénom (en étant coulant sur une lettre).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Coup à prendre

 

Être mort est un coup à prendre. Au début on est empoté, mais avec un peu d'habitude ça va tout seul.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Béjaune

 

Rimbaud est le béjaune archétypal. Il parle sans cesse de choses qu'il ne connaît pas (la vie). Il fait « jore », prétend qu'il est insoucieux de tous les équipages, et cætera. Et le pis est que les gens marchent. Bon Dieu de béjaune !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mardi 3 décembre 2024

Avec un peu de chance...

 

La mort viendra et elle aura « une sacrée paire de biberons Robert ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Jeszcze nie

 

Au moment où vous croyez avoir atteint le dernier degré de la solitude, quelqu'un vous parle et vous êtes obligé de répondre que non, vous ne prenez pas les vignettes. Vous avez encore des contacts humains, malgré tout. Vous n'êtes pas encore « seul comme Franz Kafka » — qui avait bien une tête à prendre les vignettes, lui, soit dit en passant.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Dans le potage

 

À l'instar du żurek polonais, la vengeance est une soupe aigre assez épaisse. Le żurek se mange chaud, c'est la seule différence.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un multidélinquant

 

Vous rappelez-vous « l'homme le plus laid », chez Nietzsche ? Avec cet horrible serpent noir qui lui sort de la bouche, dont il finit par couper la tête d'un coup de dents ? Eh bien dans ses mémoires, le commissaire Pellegrini dit qu'il a acquis la quasi certitude que cet homme le plus laid avait non seulement tué Dieu (comme l'en accuse Nietzsche) mais encore volé l'orange du marchand.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

lundi 2 décembre 2024

Descente à Mijoux

 

Il arrive un moment dans la vie où la beauté vous paraît presque aussi repoussante que la laideur. Il est alors temps de quitter la Faucille et de redescendre à Mijoux pour arriver à Saint-Claude par Septmoncel, autrement dit de tirer sa révérence à ce « monde de néant ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Recette du succès de Kérouac

 

Si Jacques Kérouac avait été un petit gros, personne ne lirait plus ses livres aujourd'hui. Mais c'était un grand sec, qui en outre avait le même blue jean que James Dean (il faisait sa frime). À quoi tient le succès, dans le domaine des lettres !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

La belle vie

 

Faire une partie de bouligne avec Raymond Queneau ; puis, s'il nous reste un peu d'oseille, boire un ouiski ou un coquetèle au bar du bouligne... C'est ça qui serait choucard.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Jeune fille russe

 

Pas plus que le vieux Tourgueniev, nous ne pouvons détruire en nous le souvenir de la « jeune fille russe ». C'est emmouscaillant.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

dimanche 1 décembre 2024

Prénoms

 

Paul Rée n'aimait pas son prénom. Il s'en plaignait souvent à Nietzsche et à Lou Andreas-Salomé. Il aurait voulu s'appeler Mifasol, comme Marisol Touraine. Quant à sa femme, il ne l'avait pas encore trouvée mais il voulait absolument qu'elle se prénommât Hilde, pour le calembour et parce qu'il aimait bien les prénoms germaniques traditionnels.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Carbonarisme bipédique

 

Il n'est pas besoin d'être un fin psychologue pour arriver à la conclusion que les gens sont des salops et qu'on ne peut pas leur faire confiance. Ils sont tout le temps à mijoter des coups fourrés. Ils fomentent ; ils trament ; ils ourdissent. On dirait des « carbonari ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Esprit de sacrifice

 

L'être humain peut sacrifier sa vie pour sauver son enfant (en se jetant à l'eau ou en entrant dans une maison en feu) mais remarquez qu'il ne le fera jamais pour sauver sa bonne femme. On peut dire beaucoup de choses de lui mais il n'est pas con à ce point-là.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)