dimanche 22 mai 2022

Fluctuations

 

L'homme du nihil se contredit, il se contredit sans cesse. Un jour il dit que « rien n'est », le lendemain il prétend que « tout pue ». Est-ce une façon de montrer son mépris pour la logique et les logiciens (depuis Aristote jusqu'à Łukasiewicz en passant par George Boole) ? Ou est-il simplement « un esprit pas encore formé, un imbécile » ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Mauvaises fréquentations

 

Il y a des hommes qui ont le goût du malheur. On les reconnaît facilement : ce sont ceux qui fréquentent les « personnes du sexe ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Pappus

 

Quand l'homme du nihil ne peut pas dormir, tourmenté qu'il est par la question de l'haeccéité, la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, il pense au pappus, ce petit faisceau de poils qui surmonte certains akènes, notamment chez les astéracées, afin de permettre une dispersion optimale des graines par le vent.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Berouette et néant intime

 

« Car je ne tends qu'à connaître mon néant », écrit Blaise Pascal dans une lettre à Gragerfis. Le même Blaise Pascal que certains considèrent comme l'inventeur de la « berouette » ! Comment un homme qui ne tend qu'à connaître son néant aurait-il pu inventer un engin aussi agressivement pratique que la « berouette » ? Non, il faut se pincer !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Lourdeur teutonique

 

Persévérer dans l'être, c'est la facilité des lourdauds, des esprits pesants. De fait, les Allemands ne commettent presque jamais l'homicide de soi-même. Une exception : Kleist.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Dignité retrouvée

 

Chesterton l'avait déjà remarqué : « Le taupicide est la seule chose qui peut sauver un homme de la dégradante servitude d'avoir un Moi. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 20 mai 2022

Vision

 

Dans la nuit de l'hiver galope un grand homme blanc. C'est l'homme du nihil poursuivi par le vocable zingibéracé !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Mantra

 

Pour conjurer le chaos et dompter « l'imbécile rébellion des choses », on n'a rien fait de mieux que le vocable reginglette. Mais pour qu'il montre son efficace, vu l'obtuse résistance du « fétide et rébarbatif réel », il faut le répéter un grand nombre de fois — en soi-même si l'on ne veut pas passer pour « bizarre ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Paralogisme

 

Non seulement on n'est pas sincère quand on soutient que manger des « choux-fleurs à la merdre » est préférable à être, mais on n'est pas logique non plus, car pour manger des « choux-fleurs à la merdre », il faut d'abord être.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Lecture consolante

 

En lisant l'Ecclésiaste, on se pénètre de l'idée que tout est périssable, et c'est là une idée infiniment apaisante pour celui que martyrise une mégère difforme au faciès d'hippopotame. Oui, en vérité, telle est la leçon de l'Ecclésiaste : les mégères aussi sont périssables, et leur ressemblance éventuelle avec un hippopotame ne saurait les préserver de l'annihilation.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Conversations phatiques

 

Les gens ouvrent leur « boîte à fromage » — leur bouche, comme cela s'appelle — mais rien d'intéressant n'en sort. Ils se parlent, mais ils ne se disent rien. Et que pourraient-ils se dire ? La seule chose intelligente qu'on puisse dire à quelqu'un, c'est : « Frère, il faut mourir ». Mais personne ne le dit car c'est un coup à se faire mal voir.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Jambon

 

Les théologiens affirment que la tristesse est un péché contre l'espoir. Mais ça n'a jamais dissuadé personne d'être triste, à commencer par l'homme du nihil qui considère que de toute façon l'espoir est un salop qui ne tient jamais ses promesses et vous prend pour un « jambon ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 19 mai 2022

Maudits gêneurs

 

Le non-être est un état parfait. Et l'on comprend que celui qui en jouit n'en sorte que contraint et forcé, en maudissant ses géniteurs, la sage-femme et le philosophe Michel Serres (ce dernier uniquement par acquit de conscience et pour faire bonne mesure).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un « mec balaise »

 

Être est à la portée de tout le monde. Ne pas être est déjà plus difficile. Mais passer sans cesse de l'un à l'autre comme fait l'homme du nihil, voilà le véritable « grand art ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Aux grands maux

 

Si l'on excepte le subterfuge quelque peu ridicule de la « moumoute » ainsi que les fastidieux « implants capillaires », il n'y a contre l'alopécie qu'un moyen de défense connu : l'homicide de soi-même.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Routine

 

On se lasse de tout, même de médire du réel — surtout quand on constate que ça ne lui fait ni chaud ni froid. Mais on continue quand même, « parce qu'il le vaut bien » — et que ça soulage un tant soit peu.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Hindouisme impossible

 

Malgré son bon vouloir et son désir de libérer son âme, par le moksha, du cycle des renaissances, il fut impossible à l'homme du nihil d'adhérer à une doctrine comportant des divinités au nom aussi absurdement grotesque que Prajapati.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Degré zéro de la sociabilité

 

Chaque fois qu'il exprime en public son sentiment de l'existence, l'homme du nihil passe pour un monstre ou un « azimuté » et fait le vide autour de lui. Mais il s'en moque, et même, selon ses propres termes, il s'en « tamponne le coquillard ». Si ces affreux en valaient la peine, il pourrait leur dire, citant Fu Shan : « Plutôt que d'être habile, gracieux, léger et convenu, je préfère être gauche, déplaisant, décousu, mais vrai. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Vanité des vanités

 

Pourquoi chercher un sens à quoi que ce soit, puisque de toute façon... ON VA TOUS MOURIR ! AAAAAAAH !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Aux chiottes les « bien-portants »

 

Les gens qui vous disent qu'ils n'ont jamais été malades de leur vie, on a grande envie de les souffleter. On prend sur soi, on ne les soufflette pas, mais la conversation s'arrête là.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 18 mai 2022

Le pensum d'exister

 

N'avoir pas vocation à être — et devoir cependant supporter tout ça.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Aux chiottes la science

 

Le monstre bipède, qui ne craint rien tant que l'incertitude, s'est peu à peu enivré de postulats, d'axiomes et de preuves. La « science » fait sa fierté en lui donnant l'illusion de pouvoir maîtriser son destin. Mais l'homme du nihil n'est pas dupe. La seule science qui lui agrée et dont il possède à fond les principes est la « térébrante thermodynamique du Rien ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Ô solitaire Puvis

 

Celui qui rêve de l'infini infundibuliforme est un « incinéré vivant ». Le réel est sa sépulture cinéraire, son ineffable cavurne.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Agueusie sélective

 

On peut lire dans les Analectes que Confucius, comme il écoutait l'exécution d'une pièce de musique ancienne (l'Hymne du couronnement de Chouenn), fut pris d'une émotion si intense « qu'il en oublia le goût de la viande pendant trois mois ». Qu'un émoi artistique puisse provoquer une perte momentanée du goût, cela peut encore se concevoir, mais pourquoi spécialement de la viande ? En vérité, ce que montre cette histoire d'agueusie sélective est que les voies du pachynihil sont impénétrables.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'ivresse de fouir

 

L'homme du nihil a mis au point une formule efficace pour supporter sans trop de peine l'écoulement du temps : il creuse des galeries. Pas dans le bois mort du vocable, non, mais dans la terre, comme une taupe ! Il fouit !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Cet emmanché de Godot

 

La patience est une qualité qui fait absolument défaut au nihilique. C'est pourtant celle dont il doit faire preuve jour après jour puisque sa vie se résume à une longue attente (de quoi ?) et qu'on n'y rencontre pas plus d'événements qu'il n'y a — en général — de beurre au prose.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Ô bonheur suprême ! Ô joie ineffable !


Dans ses meilleurs moments, la vie atteint à une sorte de sublimité porcine (un peu comme le masque mortuaire de Martin Luther, si l'on veut aller par là).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 17 mai 2022

Un olibrius

 

Plutôt que de « faire la teuf » et de « fumer de la weed » pour oublier qu'il est mortel, l'homme du nihil a choisi la solution — à vrai dire tout aussi inefficace — de s'enfoncer dans une tristesse de coléoptère.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Salop de temps

 

Rien n'invite tant à la mélancolie que de jeter un coup d'œil dans un miroir. Cette gueule  ! Il n'y a pas à dire, le temps est un beau salop... Pourtant, d'après Nonnos de Panopolis, le dieu Chronos naquit du néant, ce qui aurait dû lui conférer une certaine débonnaireté. Mais va te faire fiche  ! Puisque c'est ainsi : fuir les surfaces réfléchissantes comme la peste.

(Fernand Delaunay, Glomérules)