jeudi 24 octobre 2024

Drap du motus

 

Ludwig Wittgenstein souffrait d'une affection qui, sans être aussi débilitante qu'une fibrose rétractile de l'aponévrose palmaire (maladie de Dupuytren), l'était assez pour lui plomber le moral. Cette affection bizarre se traduisait par une compulsion à taire les choses qu'il ne pouvait dire ; ce qui, on l'avouera, est un drôle de handicap pour un philosophe.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Étymologie

 

Étrange phobie que de ne pouvoir exécuter la moindre tâche du quotidien sans connaître d'abord l'origine du mot couleuvre. Heureusement, Isidore de Séville est là pour nous tirer d'affaire. Selon lui, le vocable colubra (couleuvre) vient des deux mots latins colere umbras, habiter les lieux ombragés.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mercredi 23 octobre 2024

Un médiocre pastiche

 

La vie est une imitation d'Euripide. On la croit de Sénèque le Rhéteur.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Si Dieu n'existe pas, tout est permis

 

Selon toute vraisemblance, Albert Camus raisonnait ainsi : puisque tout est absurde dans ce « monde de néant », on peut aussi bien faire du gringue à Maria Casarès.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Ribouldingue à Nicée

 

D'après Gélase de Cyzique, le futur patriarche Alexandre prit part, en qualité de prêtre, au concile de Nicée. Il y représentait son évêque, le bien nommé Métrophane de Byzance. Le concile se termina par une ribouldingue à tout casser et Gélase dit que vers minuit, le futur patriarche était déjà « rond comme une queue de pelle ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Biais cognitif

 

Tout nous plaît, chez Lactance : son style, sa partialité, ses insinuations malveillantes, ses contradictions... Alors qu'à côté de ça, chez Delerm, rien ne nous satisfait. C'est tout de même bizarre. Serions-nous victime d'un « biais cognitif » ? Oh là là là là ! Monsieur Pipo !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mardi 22 octobre 2024

Un saint homme

 

Grouès ! Henri Grouès ! Honte à toi, Henri Grouès ! Nous te prenions pour un saint homme, mais ta cape, ton béret et ta barbe cachaient en fait un odieux satyre. Nous aurions dû le deviner car les indices ne manquaient pas : ta gueule de faux-jeton... ton sossotement... ton obsession des « sans-abris »... Tu as toujours eu l'air franc comme un âne qui recule. Autant l'avouer carrément : nous n'avons jamais pu te sacquer.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Matière « top budget »

 

Dans la doctrine d'Hermogène, la matière est incréée, sans mouvement, sans principe, coéternelle à Dieu, et ce dernier s'en est servi pour former le monde (avant de réaliser l'énorme bourde qu'il avait commise : tout « se barrait en couille » — mais c'était trop tard).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Breakfast of infamy

 

Que des penseurs réputés pour leur lucidité, des Camus, des Cioran, aient pu s'abaisser à écrire des « lettres d'amour », cela nous laisse pantois. Se vautrer à ce point dans le ridicule ! Pour une paire de « biberons Robert » tout ce qu'il y a de banale, en plus !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Promesses de la tête de con

 

Au moment où l'on vous jette dans l'être, personne ne vous demande vos préférences : est-ce que vous voulez être sessile ou pédonculé, etc. Vous êtes comme ci et comme ça et il n'y a pas à discuter. Même si vous êtes affublé d'une tête de con, vous devez faire « jore » d'être content. Mais in petto, vous vous dites que « ça promet ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

lundi 21 octobre 2024

Cervelle de l'univers

 

Macrobe dit (Somnium Scipionis, chap. 14 et 20) que le soleil est la cervelle de l'univers. Mais on sait qu'il avait la réputation d'être un « gros déconneur ». Il ne faut pas prendre tout ce qu'il dit au pied de la lettre.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un stakhanoviste de la sémiologie

 

« C'est un travail de titan que Barthes abat, dans la rue des Martyrs. » (Tzvetan Todorov, Critique de la critique)
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

À bas Barthes


La vie, ç'aurait peut-être été supportable s'il n'y avait pas eu toute cette bêtise. Nous en voulons particulièrement à Gaëtan Picon. En matière de bêtise, les intellectuels sont les pis.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Harangues

 

Les harangues de Salluste sont d'une force, d'une vivacité, d'une éloquence auxquelles on ne saurait rien ajouter. Pour haranguer aussi bien que Salluste, il faut se lever de bonne heure. Ce n'est même pas la peine d'essayer, en fait. Alors puisque c'est comme ça, oublions les harangues et écoutons plutôt le Grandiloque, qui conseillait de rester allongé et de gémir. Il n'y a rien de tel pour entrevoir l'essentiel, d'après lui. C'est bath.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

dimanche 20 octobre 2024

Dialogue avec la mort

 

Quand la mort se présenta devant lui, l'écrivain Pavese lui dit qu'elle était si belle que la regarder était une souffrance. La mort, surprise, lui rappela que pas plus tard que la veille il disait que c'était une joie. Piqué au vif, il rétorqua que c'était à la fois une joie et une souffrance. Elle déclara alors que tout ça était bien gentil mais qu'il allait falloir y aller ; qu'il n'était plus l'heure de faire des phrases.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Écrasement du « conscient intérieur »

 

Quand vous êtes malade au point de devoir rester assis dans un fauteuil, courbé en avant, pâle, l'œil hagard, la parole et la respiration entrecoupées, quand le moindre mouvement vous arrache des cris de douleur, vous ne pouvez réfléchir avec toute la sérénité voulue à la notion de souci chez Heidegger. La masse rouge du viscère bouche votre horizon mental et écrase votre « conscient intérieur » comme ferait une énorme valise en cuir de vache.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Barszcz

 

Beaucoup d'auteurs ont essayé, sans vraiment y parvenir, de fixer notre attention sur un mets polonais nommé barszcz. C'est une soupe composée d'orge ou de gruau, cuits avec des carottes ou des choux acides, et qui, paraît-il, forme un mets aussi sain qu'agréable au goût. Mais nous, la seule chose qui nous intéresse, c'est que nous allons clamecer — alors le « barszcz »...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Conseil au désespéré

 

Dans sa Pharmacopée chirurgicale théorique et pratique (Hérissant le Fils, Paris, 1771), Jean Nicolas explique ce qu'il faut faire quand on a perdu tout espoir : « Prenez un scrupule de résine jaune, cinq grains de rhubarbe, dix grains de conserve de roses rouges, et du sirop simple autant qu'il en faut. Mêlez et formez-en un bol. Ensuite... Ensuite... Ma foi... Euh... » — On voit le genre.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

samedi 19 octobre 2024

Gros lobule

 

Le docteur Frigerio, directeur de l'asile d'aliénés d'Alexandrie, dit avoir observé, à la prison de Pesaro, un criminel fou homicide à type félin qui avait un énorme lobule de l'oreille — ce qui pourrait laisser penser qu'il existe un lien entre l'hypertrophie du lobule et vous-savez-quoi.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Épreuve de vérité

 

Pour pénétrer quelqu'un, pour le connaître vraiment, il suffit de voir comment il réagit à la phrase « Guy Debord est un con ». S'il s'offusque, s'il émet des objections, pis, s'il fait du barouf, inutile de continuer : il est lui-même un con.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Ignorement de Marguerite Urcelar

 

Ce n'est pas Marguerite Urcelar mais le siège de Potidée qui fut, selon Thucydide, l'une des causes majeures du déclenchement de la guerre du Péloponnèse. L'historien ne parle même pas de Marguerite Urcelar. Il préfère l'ignorer, et c'est ce que nous devrions tous faire si nous avions un minimum de jugeote.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Vents à la Saint-John Perse

 

Quand Heidegger souffrait de constipation conceptuelle opiniâtre, il rendait des vents très fétides, d'après Hannah Arendt. Or justement, Hippocrate dit que si le malade rend des vents très fétides, il doit se servir d'un suppositoire ou de lavements jusqu'à ce que les excréments soient descendus dans les intestins inférieurs. Et bien sûr, boire de l'oxymel. Pourquoi Heidegger ne le faisait-il pas ? Mystère.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

vendredi 18 octobre 2024

Sans issue

 

Husserl a raison à propos de la conscience : il est bien le cas que toute conscience est conscience de quelque chose. Il n'y a rien à faire, on ne peut pas en sortir. On peut imiter Henri Michaux et fumer de la « beuh » ou du « shit », ça ne change rien. D'où la question : quel est l'intérêt de fumer de la « beuh » ou du « shit », si c'est comme ça ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Dénombrement

 

Depuis qu'il a été fait cardinal, monseigneur Vingt-Trois peut servir à désigner le nombre d'éléments d'un ensemble (il y en a exactement vingt-trois).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Presbytie

 

Lorsque, même en clignant des yeux, l'homme n'arrive plus à distinguer les herbes des Vosges, il est forcé de constater que le cercle de ses jours s'avance et que son être va bientôt revenir à sa source primitive : le Rien.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un gars bruyant

 

Né en 1883 à Paris, mort en 1965 à New York, Varèse a traversé son siècle comme un marginal et un solitaire, selon le mot de Pierre Boulez. Mais le bruit qu'il a fait, pour un marginal et un solitaire ! Inimaginable. Des sirènes, des bruits de camion, des rugissements... Qu'est-ce que ç'aurait été s'il avait été sociable... On frémit rien que d'y penser.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

jeudi 17 octobre 2024

Conseils à un jeune poëte


« Tu peux écrire des poëmes, ça ne fait de mal à personne et à vrai dire tout le monde s'en tamponne le coquillard ; mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement. Non mais tu écoutes ce que je dis, là ? Bon sang ! Il n'écoute même pas, le con ! »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Solitude du normal

 

Quand on croit déceler dans chaque personne que l'on rencontre les symptômes de la démence, on commence par se sentir soulagé de ne pas être semblable à ces mabouls, et puis très vite on se sent « seul comme Franz Kafka ». Alors pour ne plus y penser, on se lance dans les préparatifs d'une noce à la campagne ou on écrit une « lettre au père ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Des méchants

 

Ce qui rend les écrivains comiques, ce sont les efforts qu'ils font pour trouver quelque chose d'intéressant et de profond à raconter. Regardez-les patauger ! En plus, ils n'ont pas compris que l'intéressant ne nous intéresse pas. Et le profond encore moins. Aux chiottes, l'intéressant et le profond ! Aux doubles-vécés ! Nous, ce qu'on veut, c'est des méchants. Des méchants, compris ? Ce n'est quand même pas compliqué !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)