dimanche 28 novembre 2021

Banalité et facétiosité du Rien

 

Tant est banal le Rien qu'on le rencontre cent fois par jour sans y prêter attention. On le confond le plus souvent avec son cousin le quelque chose dont il emprunte les traits pour se divertir aux dépens du crédule « monstre bipède ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 27 novembre 2021

Non

 

L'homme du nihil est, selon Gragerfis, « l'homme qui dit non » : non à la réalité empirique, non au vouloir-vivre, non au destin, non au dadaïsme, non à Duvalier et au macoutisme, non à la vie et à l'instinct, non au Moi, non aux hygiénistes qui voudraient le vacciner contre l'inéluctable au risque de le transformer en cheval, en crocodile ou en femme à barbe. Et cependant qu'il dit non, il dit aussi l'alternative cruelle, à chaque instant, de la vie et de la mort, rejoignant curieusement le Baudelaire d'Un mangeur d'opium.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 26 novembre 2021

Dangers de l'aperception leibnizienne

 

« À leur arrivée dans la pachyméninge, les images de la réalité empirique subissent une filtration glomérulaire, après quoi elles entrent dans les tubules du conscient intérieur... et c'est le drame. » (Achille Bourdoulous, Intoxication par la réalité empirique : persistance d'une maladie oubliée, Thèse pour le diplôme d'État de docteur en médecine, Limoges, 1925)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 25 novembre 2021

Penser le non-être

 

Pour mettre en échec l'horripilant Parménide, l'homme du nihil résolut, après avoir pensé le pilchard, de penser le non-pilchard. Mais tout ce qu'il parvint à évoquer fut... une boîte de petits pois dans laquelle se tenait, bien au chaud, le philosophe Jean-Paul Sartre. — Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 24 novembre 2021

L'amour (qu'ils disent)

 

Toute relation sentimentale se ramène à une plus ou moins habile tentative de « placement de produit ». Il y a toujours tromperie sur la marchandise, mais on s'en aperçoit trop tard, hélas, fasciné qu'on est par la « mijole », les « biberons Robert » et le fondement (de l'historialité du Dasein).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 23 novembre 2021

Tout ça pour ça

 

On passe sa vie à tenter de comprendre ce qu'est la vie, et quand on a enfin compris qu'il n'y avait rien à comprendre, on est, comme cela s'appelle, « décédé » (ou quasi). — C'est tout de même un peu fort de café !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 22 novembre 2021

Connaissance dangereuse

 

Celui qui a compris le sens profond du vocable reginglette, celui-là ne peut exercer aucun métier. Tout ce qu'il peut faire, c'est rester allongé, et gémir.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 21 novembre 2021

Avertissement

 

Selon Gragerfis, l'homme du nihil aurait exprimé la volonté que le fourgon mortuaire — le « corbillard » — destiné à transporter sa dépouille à sa dernière demeure soit équipé d'un klaxon à cinq tons jouant la Cucaracha ou à défaut le Pont de la rivière Kwaï, ceci afin de « notifier aux masses assemblées la toute-puissance du pachynihil » !!!

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 20 novembre 2021

Eudémonologie

 

Pour ne pas être tenaillé par le regret, Sénèque — ou est-ce Gragerfis ? — recommande de ne voir en toute chose que le mauvais, et de faire de sa vie un désastre de tous les instants. Mais cela ne marche pas — car à niveau de désastre équivalent, on est toujours moins malheureux jeune que vieux, et le vieux malheureux ne saurait éviter d'avoir la nostalgie du jeune malheureux qu'un jour il fut.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 19 novembre 2021

Et in Arcadia ego

 

Quand le ciel bas et lourd de la postmodernité écoresponsable se fait par trop oppressant, l'homme du nihil se réfugie en pensée dans les années soixante-dix du vingtième siècle. Raymond Poulidor ! Bernard Golay ! Jean-Pierre Fourcade ! La vie avait du sens, alors ! — Ou bien ?...

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 18 novembre 2021

Cambistes

 

Enfant, le futur homme du nihil tremblait, à la fin de chaque journal télévisé, de « rejoindre François Donati à la Bourse de Paris ». Car celui-ci, non content de ressembler à un cadavre vivant, faisait régulièrement allusion à de mystérieux « cambistes » dont la simple mention plongeait le garçonnet dans une angoisse quasi kierkegaardienne. Il préférait le débonnaire René Tendron, dont la rondeur et la moustache en brosse à dents n'étaient pas sans évoquer l'onctueuse suavité du pachynihil.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 17 novembre 2021

Petits commerçants

 

Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis raconte — mais peut-on croire tout ce qu'il dit ? — que l'homme du nihil, touché par la détresse des petits commerçants, adhéra un temps à la CIDUNATI de Gérard Nicoud. Mais très vite, les soi-disant « petits commerçants » se révélèrent de franches canailles et il les expédia « aux doubles-vécés » pour se consacrer exclusivement au Rien.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 16 novembre 2021

Intermède publicitaire

 

Un impact ? Une fissure ? Une fêlure à la Scott Fitzgerald ? Ça peut être très grave. Alors n'attendez pas : rendez-vous sur homicide-de-soi-même.fr. Mais n'oubliez pas le .fr, hein ? Sinon vous risqueriez, comme Edmond Husserl, de faire une « fausse queue ». Allez, au revoir — ou plutôt adieu.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Rien n'est simple

 

Jusque dans l'homicide de soi-même, il faut subir l'horreur du monde concret. S'il suffisait de prononcer le vocable reginglette pour mettre un terme à « tout ça »... Mais non : il faut une fois de plus se colleter avec les « réalités bétonnées de l'objet » (par exemple un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 15 novembre 2021

Acte libre

 

Au sens strict où le physicien Niels Bohr a pu dire : l'aspect corpusculaire est complémentaire de la réalité — l'acte d'ingérer du taupicide ou de se pendre avec ses bretelles s'inscrit par-delà le déterminisme.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 14 novembre 2021

Engloutissement final du nihilique

 

Maintenant qu'une bourrelle a mis en pièces ses dernières illusions, l'homme du nihil peut s'écrier, après Leopardi : « Je suis mûr pour la mort ». Dédaignant le recours au taupicide, il se laisse peu à peu submerger par le pachynihil « et le naufrage lui est doux dans cette mer ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 13 novembre 2021

Aux chiottes les voyages

 

Fatigué des simagrées de la nature et de celles, encore plus fastidieuses, du « monstre bipède », l'homme du nihil décida d'abord de ne plus quitter sa maison, puis sa chambre, puis son lit, et finalement... son cercueil. Mais oui !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 12 novembre 2021

Trace mnémonique

 

L'homme a beau se goinfrer de « réalité empirique » et se proclamer le champion de l'être, sa lointaine patrie, le Rien, a laissé en lui une impalpable mais impérissable nostalgie, « semblable à la trace mnémonique de ces poèmes dont on a oublié les mots et qui se perpétuent dans notre cœur à l'état de pure résonance ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 10 novembre 2021

Circonstance aggravante

 

Penser que la bourrelle qui vous en fait baver des ronds de chapeau sera dans peu d'années une charogne au sens propre (elle l'est déjà au figuré), enfermée dans une boîte, six pieds sous terre, les chairs rongées par les nécrophores, cela rend le calvaire qu'elle vous inflige encore plus vexant. On préférerait souffrir par quelque cause moins... dérisoire.
— Comme quoi ?
— Je ne sais pas, moi... Un panaris ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 9 novembre 2021

Simulacres

 

Les efforts que fait le monstre bipède pour se procurer un semblant d'immortalité sont, quand on y pense, assez comiques. Il écrit des livres, il peint des tableaux de peinture, il construit des édifices, il compose des sonates... Mais tout ça ne vaut pas un clou et inspirerait plutôt la pitié. Des livres ! — Aux doubles-vécés, les livres ! Aux doubles-vécés, les tableaux de peinture, les édifices et les sonates ! Et surtout : aux doubles-vécés, l'immortalité ! Notre véritable patrie, le Rien, nous appelle. Alors « redressons-nous et rectifions notre tenue avant de pénétrer dans cette froide et solennelle enceinte ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 8 novembre 2021

Mouche molle (du savoir ?)

 

Une mouche aux mains d'un enfant espiègle : voici ce qu'est l'homme du nihil pour certaine « mégère difforme au faciès d'hippopotame » ; elle le tue pour s'amuser.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 7 novembre 2021

Aliénation

 

Ce qui doit être formidable, quand on est un « monstre bipède », c'est d'avoir le sentiment d'être « comme tout le monde », d'appartenir à une « communauté » (celle des « monstres bipèdes »). Tandis que l'homme du nihil, lui, est seul — et c'est dur, oh, c'est bien dur !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 6 novembre 2021

I buried Martin Heidegger

 

À la fin de la chanson Strawberry Fields Forever des Beatles, certains ont cru entendre John Lennon murmurer « Le Dasein est constitué par une réceptivité ontologique, c'est-à-dire une assignation au sens dans toutes les modalités de sa structure ». Mais Lennon a toujours affirmé qu'il marmonnait en réalité « cranberry sauce ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 5 novembre 2021

Pente naturelle

 

Le nihilique est incapable de choix et il agit toujours cédant à la tentation la plus forte, qui est ordinairement celle d'avaler du taupicide — même si parfois il se pend ou se jette dans un puits busé.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 4 novembre 2021

Abomination de la désolation

 

S'il y a quelque chose de plus méprisable que le « monstre bipède », et de plus abject, c'est la « monstresse bipède ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 3 novembre 2021

Fêlure

 

Plus radical que Stirner — qui ne vitupérait que les croyances —, l'homme du nihil pense que toute opération de l'esprit — et au premier chef, toute « création de concept » — est une « fêlure à la Scott Fitzgerald », quand elle n'est pas une hypocrisie.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 2 novembre 2021

Dangereuse nostalgie

 

« Tu as l'air tout chose, mon vieux Mimile.
— Ah, Dédé ! Je pensais à la douceur des soirs à Saint-Clément, quand les souffles légers portent l'odeur des foins et le parfum miellé des clématites...
— Je ne te savais pas sujet à la nostalgie, mon vieux Mimile.
— Tu sais, Dédé, j'ai beau vouer à la réalité empirique une haine féroce, parfois, quand je ne suis pas sur mes gardes, elle joue de ses charmes et m'amadoue.
— Mamadou ?
— Je ne devrais pas discuter avec des abrutis. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 1 novembre 2021

Et avant ?

 

Peu avant de « dévisser son billard », et alors qu'il était encore « gonflé à bloc », l'éminent généticien Axel Kahn se risqua à affirmer qu'« après la mort, il n'y a rien ». Mais quant à ce qu'il y a avant, il ne dit mot. Par peur de choquer ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)