samedi 25 février 2023

Tortillard de l'existence

 

En sortant de l'école, nous avons rencontré — mais oui ! — un grand chemin de fer qui nous a emmenés, lentement mais sûrement, au pays des « vieux jetons ». Et maintenant, nous attendons de clamecer. C'est gai ! 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 24 février 2023

Assez

 

Les journées qui s'écoulent en défaites, cela finit par taper sur le système. On rêve de s'approprier le substrat d'un rotond caillou (son sage silence, la componction de ses grains élémentaires) ou d'une sémillante marguerite des prés. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Religiosité du Grandiloque

 

Quand il écoutait Les Sept paroles du Christ de Haydn, le « négateur universel » Émile Cioran arrivait immanquablement à la conclusion que son scepticisme était au fond religieux et que ce n'était pas pour rien que les esprits dont il se sentait le plus proche étaient Pascal — le « porte-flingue » de Lino Ventura dans les Tontons flingueurs, selon lequel la psychologie est « l'art de défourailler le premier » — et Dostoïevski. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Infirmité du Minos

 

D'après Fernand Braudel, le Minos de Cnossos était atteint d'une sévère allitération en os qui souvent l'obligeait à marcher avec des béquilles. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Noms déconnants

 

Les Égyptiens possédaient à la perfection l'art d'inventer des « noms déconnants ». On pense bien sûr à la reine Hatchepsout, mais il y en a d'autres, beaucoup d'autres. Ainsi, dans la famille de cette reine Hatchepsout — Hatchepsout ! —, on trouve aussi Thoutmôsis, Moutnofret — Moutnofret ! — et Néférourê. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 23 février 2023

Quand lama fâché

 

Selon certains scientifiques, la femme, quand elle n'est pas « contente après vous », excrète un fielleux fluide mésotrophe. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Utopie

 

Quand on demande au nihilique ce que serait, selon lui, un monde parfait, il répond — plaisante-t-il ? — que ce serait un monde sans « réalité empirique ». 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Les vrais durs ne mangent pas de pilchard

 

Pour cimenter une relation durable avec une personne du sexe, il n'y a rien de tel que de partager avec elle une assiette de pilchards. Mais quand on n'aime pas les pilchards ? 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Cioran, Freud et le carpaccio

 

Très tôt, le « négateur universel » Émile Cioran avait acquis la conviction que la psychanalyse était une discipline fausse et déprimante. Pour guérir ses « névroses autopropulsées », il préférait s'en remettre à l'introspection nihilique et se mirer dans un carpaccio de daurade. Comme son ami Samuel Beckett s'en étonnait, il lui dit que se mirer dans un carpaccio de daurade « consolidait son ossature ontologique ». 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 22 février 2023

Vrombissement rhéographique

 

La vieillesse vous équarrit : on renonce à tout, on perd jusqu'au goût de l'ironie, on n'est plus qu'un « vrombissement rhéographique ». 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Anchois du non-être

 

À chaque instant, l'idée du Rien peut s'emparer de vous. Un exemple entre mille : vous êtes occupé à finir un bocal d'anchois en saumure dans votre gourbi quand soudain... patatras ! vous êtes pris en tenaille par les vagues infinies d'un nihil légendaire ! Le Grand Rien vous enveloppe de sa terrifiante onctuosité ! 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

In illo tempore

 

Quand on observe le monstre bipède, on a l'impression qu'il court après sa vie. La temporalité du temps disloque son esprit et provoque, telle une fièvre tropicale sidérante, un émiettement touffu de sa personne. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. À une époque lointaine, l'ineffable homme des cavernes, avec son petit panier rempli de cerises sauvages, était le maître du temps. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 21 février 2023

Mal fichu

 

Rendu terne par un long séjour dans le Rien, le nihilique prend mal la lumière. Il est « comme un paillasson dans l'ombre d'un escalier ». Et ce n'est pas tout : son âme est malade. Le printemps était trop vert, elle a mangé trop de salade. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Fureur sacrée du Grandiloque

 

À l'exception de Gabriel Marcel qu'il fréquentait et appréciait, le « négateur universel » Émile Cioran ne pouvait pas sentir les philosophes de son temps. « Que le Grand Rien les déchiquette dans des tourbillons mortels de bouse de vache ! » disait-il à son ami, le poëte et traducteur suisse Armel Guerne, quand, après avoir descendu quelques chopines aux Deux Magots, il avait un « petit coup dans le nez ». 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

À la façon de Lichtenberg

 

Produire de l'aphorisme comme d'autres du fumier ; mais... sans la vaine ambition d'accroître la fertilité des sols. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

En forme de voile

 

L'idée du Rien est véliforme : c'est un clinfoc, mieux, une trinquette, qui emporte le sujet pensant, escorté d'une bande de mouettes chapardeuses et d'un petit troupeau de requins-marteaux, vers cette île enchantée appelée Pachynihil, où l'on ne connaît pas le mal aux dents. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 20 février 2023

Pou moral

 

La célébrité est bien la forme la plus méprisable de déchéance, et ceux qui la recherchent mériteraient d'être condamnés, comme l'arien Théonas de Marmarique, à manger des choux-fleurs à la merde. Toute personne qui promeut son Moi, de quelque façon que ce soit, est un pou moral. Cela inclut les faiseurs d'aphorismes. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Début des ennuis

 

L'ineffable homme des cavernes parcourait paisiblement les forêts humides avec son épouse, s'arrêtant ci et là pour savourer une tranche de mammouth ou une salade de nénuphar, jusqu'au jour où il se demanda : « C'est ça, la vie ? Ou bien y a-t-il... autre chose ? » — Et les ennuis commencèrent. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

dimanche 19 février 2023

Pêche miraculeuse

 

Où le monstre bipède a-t-il pu pêcher tant de suffisance, si ce n'est dans la mer phosphorescente d'un Moi proprioceptif ? 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Apologie de la potée

 

Quoi de mieux qu'une potée pour nous soutenir dans notre difficile traversée du désert de Gobi de l'existence ? Un morceau de lard, des saucisses, quelques pommes de terre, du chou, quel quatuor ! Et les carottes, les poireaux, les navets, quelle fondation ! Plus encore que les Pensées de Pascal, une délicieuse potée nous ouvre à l'allégresse ! 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Toulet vs. Celan

 

Pour tenter de rassembler les fragments épars de son Moi, on peut écrire quelques vers de poésie fantaisiste. On peut aussi s'adonner à l'homicide de soi-même. Pourquoi faire l'un plutôt que l'autre ? C'est une question de tempérament. Le résultat est le même. Et puis... tout n'est-il pas louable, en un sens ?  
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 18 février 2023

Jet phrastique

 

Ulysse est prisonnier sur l'île d'Ogygie où règne Calypso. Il passe ses journées sur le rivage à pleurer en regardant la mer et « toute la douceur de sa vie coule avec ses larmes ». — Comment ne pas être ému au suprême par ce jet phrastique d'Homère ? 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Une atroce villégiature

 

Séjourner dans la « réalité empirique » n'est guère plus enthousiasmant que de contempler le derrière grumeleux d'un canidé. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Portrait du négateur en brise-glace mésomorphe

 

Grâce au professeur Munteanu qui fréquentait assidûment le couple, on apprend que Simone Boué trouvait Émile Cioran « aussi attachant et polisson qu'un renard de Magellan ». Mais ce qu'elle appréciait par-dessus tout, c'était sa coriacité, et elle le décrivit un jour à Mircea Eliade comme « un intrépide petit cargo affrontant la mer de glace du Rien » (Eliade, qui n'avait rien compris, se contenta de répondre : « Da, da, sigur »). 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 17 février 2023

Nous, les nihiliques

 

Dans le terrain vague, ténébreux de notre Moi, ne poussent nulles fleurs indigènes. Seuls prospèrent mousses et lichens, qui couvrent les petits cailloux de nos sentiers nocturnes et nous dénoncent comme les assassins scrogneugneu du genre humain. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Extase nihilique

 

On se livre à l'action élémentaire de beurrer une biscotte, et soudain, les amarres du réel sont rompues, brutalement s'ouvrent les portes d'un appentis cérébral gigoteux, le beurrier devient un pot de stupeur ontologique ! 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 16 février 2023

Âcre potentat

 

On a beau jouer les esprits forts, il est pénible de se dire que la mort signifie l'annihilation complète. Il faut pourtant s'y résigner. Le Rien est un âcre potentat ! 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Cacophobie

 

S'il faut en croire le dictionnaire, le mot cacophobie désigne « la peur irrationnelle, excessive et injustifiée de la laideur », une peur qui peut concerner des personnes, des objets ou des concepts (par exemple celui d'Ereignis qui, chez Heidegger, signifie le déploiement originel de l'être, la donation originaire de la présence, qui est à la fois la vérité de l'être et la vérité du temps). On prend connaissance de ce terme, on referme le dictionnaire, on boit une gorgée d'un affreux pichtegorne et l'on soupire : « Dure, oh, bien dure est la vie du cacophobe !  »
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 15 février 2023

Pensée calcifiée

 

À force d'élaguer, de décanter, de quintessencier sa pensée, on obtient quelque chose qui ressemble à un os de seiche. Un os qui resplendit non dans la cage d'un serin mais dans le silence rutilant du vide. 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)