lundi 18 septembre 2023

Biographie du Grandiloque

 

Émile Cioran commence sa carrière « au fond du monde ignoble des viscères, des muqueuses et des humeurs, parmi une foisonnante et trouble fermentation ». C'est sa période « fœtus », qui va de fin 1910 à début 1911. Le 11 avril 1911, il se retrouve à l'air libre. Très vite, anxieux de s'exhausser à l'impérissable et de faire oublier son origine immonde, il se lance dans l'écriture d'aphorismes, encouragé en cela par sa « muse » Simone Boué. En 1949, avec la parution de son Précis de décomposition, il s'empare du titre de « négateur universel » jusque-là détenu par le grec Pyrrhon. Mais ce n'est qu'en 1986, avec ses Exercices d'admiration, qu'il devient véritablement célèbre. « J'ai connu toutes les formes de déchéance, y compris le succès », confie-t-il au professeur Basile Munteanu. Son œuvre, ironique et apocalyptique, est marquée du sceau du pessimisme, du scepticisme et de la désillusion.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Golmon

 

Maurice Blanchot passe pour un homme grave et même austère, mais il paraît que dès qu'il était seul, il se lâchait et faisait le « golmon ». D'après Roland Barthes, il est arrivé plus d'une fois que Georges Bataille ou Pierre Klossowski se présentent chez lui alors qu'il faisait le « golmon » et lui disent : « Alors Maurice ? On fait le golmon ? »
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Magie de la poésie

 

Les poëmes, ça va quand on est bien disposé, mais quand on est d'humeur caustique c'est une autre histoire. Tout vous paraît alors d'un niais... Ainsi, Apollinaire avec son pharaon et ses vagues de briques. Carre-les-toi dans le fiak, tes vagues de briques, hé, pot de pisse !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

dimanche 17 septembre 2023

Un gars sensé

 

Le philosophe Wittgenstein n'était pas tellement partisan qu'on cherche à exprimer l'ineffable. Face à l'ineffable, il trouvait qu'il valait mieux « fermer sa boîte à camembert ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Le nihilique, un éternel adolescent ?

 

Si vous saupoudrez vos commentaires désabusés (sur l'être et tout ce qui s'ensuit) de références à Joseph de Maistre et à Tacite, on ne vous taxera pas d'immaturité car « ça fait sérieux », et pourtant... Qui, sinon un éternel adolescent, pourrait soutenir sérieusement que « rien n'est » ou — variante — que « tout pue » ? On peut supposer que, vers l'âge de dix-sept ans, quand il a vu à quoi ressemblait le « monde des adultes », le nihilique a été victime d'un « choc septique », et que sa croissance intellectuelle s'en est trouvée bloquée. Mais attention ! Ce n'est qu'une hypothèse ! Il est possible après tout qu'il dise vrai, que rien ne soit et que tout pue !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Méditation cartésienne

 

Quand on visite un aquarium, on en vient fatalement à se poser la question : « Pourquoi les poissons ont-ils tous des gueules de con ? Serait-ce une preuve de l'existence de Dieu ? »
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Encore une belle journée

 

Le soleil vient de se lever. On attend l'ami Ricoré, avec son pain et ses croissants, mais au lieu de l'ami Ricoré, c'est la pensée que « rien n'est » qui surgit — suivie immédiatement par la pensée que tout est vain, que l'homme vit isolé dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort. Alors on suit le conseil du « négateur universel » Émile Cioran, on se recouche et on gémit. Tout ça ne va donc jamais finir, sacré nom d'une pipe ?
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

samedi 16 septembre 2023

À la chicote !

 

Pour avoir donné des titres prétentieux à ses recueils de poëmes, comme Le Marteau sans maître et Recherche de la base et du sommet, le poëte René Char mériterait de subir le supplice de la chicote (un fouet à lanières tressées, traditionnellement en cuir d'hippopotame ou de rhinocéros). On verrait alors s'il recherche toujours la base et le sommet, le couillon !
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Prélude à la dissolution du Moi

 

Pour se préparer à la mort, il faut désapprendre à dire « je ». On dira plutôt « exposition de bétail », « manufacture de tabac » ou « laine à tricoter ». Compris, les pots de pisse ?
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Une infernale troïka

 

Carpe diem, qu'ils disent... On voudrait bien, mais quand on est suffoqué par l'absurde camusien, horrifié par la malrucienne condition humaine, et pris en sus d'une sartrienne nausée, jouir de l'instant présent est tout simplement impossible. Camus, Malraux, Sartre, ces trois auteurs nous auront décidément fait beaucoup de mal. Ils ont fait de nous des « handicapés de la vie ».
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Das Sein ist ein verdammter Scheißkerl

 

Étang de Soustons, deux heures de l'après-midi. Les Heidegger sont allongés sur un transat.
« Alors, Martin ? Tu n'as toujours pas trouvé ? Ce que c'est que l'être ?
— Non. Et j'en ai ras la casquette. Je ne peux plus le voir en peinture, ce bon diousse d'être. Au cul, l'être ! Au cul, le mariage d'André Salmon !
Mein Gott ! Donnerwetter ! »
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

vendredi 15 septembre 2023

Avouaille

 

« Une boule de campagne, s'il vous plaît.
— Et avec ceci ?
— Avec ceci, j'aimerais vous informer que contrairement à ce que s'imagine le vulgum pecus, le chanoine Docre n'a pas pour prototype l'abbé Boullan mais un chapelain de Bruges appelé Van Hæcke.
— C'est noté. Bon après-midi. Avouaille !
— Avouaille ! »
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Croyance vraie de vraie

 

Quand il entendait du Bach, le « négateur universel » Émile Cioran croyait. Il croyait même en italique !!!
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Coup de tonnerre

 

Le 9 juillet 1891, Joris-Karl Huysmans confie à l'abbé Mugnier qu'il est « obscène de cervelle ». C'est un coup de tonnerre. Il ajoutera plus tard (le 5 janvier 1898) qu'il n'aime que les saints un peu « persillés » !
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Situations de handicap


Le ministre Louis Mexandeau disait souvent qu'il préférait son état à celui d'un mec sans cul, car lui pouvait au moins s'asseoir sur un tabouret.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

jeudi 14 septembre 2023

I buried Paul

 

À la fin des Logische Untersuchungen de Husserl, certains ont cru entendre le phénoménologue murmurer « I buried Paul ». Il est assez tentant de reconnaître en ce Paul le philosophe Franz Brentano, mais Husserl a toujours affirmé qu'il marmonnait en réalité Preiselbeersoße (sauce à la canneberge).
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Remords

 

Souvent, quand il est d'humeur morose, le nihilique pense au mathématicien Abraham Moivre et se dit qu'il aurait dû, comme lui, se livrer entièrement à la théorie des fluxions — plutôt que de réfléchir au sens de l'être et à toutes ces bêtises. D'autres fois, il pense au mathématicien Cardan, le premier à avoir décrit des hypocycloïdes.
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Flânerie sur les Grands Boulevards

 

Le nihilique aime flâner sur les Grands Boulevards (Beaumarchais, des Filles-du-Calvaire, du Temple, Saint-Martin, Saint-Denis, de Bonne-Nouvelle, Poissonnière, Montmartre, des Italiens, des Capucines et de la Madeleine). Il y a tant de choses à voir, sur ces Grands Boulevards ! À voir, et donc à dénigrer !!!
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Embarras du conchiateur

 

Il y a en ce monde tant de fausses valeurs qu'on ne sait par où commencer quand, comme le nihilique, on a pour vocation de conchier. Arthur Rimbaud ? René Char ? Louis Aragon ? Le « plasticien » Christo ?
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

mercredi 13 septembre 2023

Rachat par les tableaux de peinture

 

L'être dit humain est une créature vile et cruelle, en plus de ça stupide mais qui se surestime énormément parce qu'elle fait des « tableaux de peinture ». Tu peux te les garder, tes tableaux de peinture, pot de pisse ! Ils ne te rachètent pas !
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Sur la rectitude des noms

 

Socrate : Accordes-tu aussi que le nom est en quelque manière une image de la chose ?
Cratyle : Seulement si t'admets d'abord que t'es guez.
Socrate : Okay, je suis guez.
Cratyle : Vouâlâ ! T'as un problème ? T'as un souci ? Tu'eux t'batt ? Tu'eux t'batt ? Tête de mort ! [ à Hermogène ] Y m'a mal regardé ! 
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

La bonne voie

 

Si personne ne peut vous blairer, vous et vos « aphorismes », c'est sans doute que vous êtes sur la bonne voie. Mais cette voie, comme d'ailleurs la bouddhique dite « du Grand Véhicule de Pompier », mène à la folie et à l'homicide de soi-même — alors attention, hein.
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Affinités électives

 

Baudelaire ne trouvait pas le général Aupick aux pommes. C'est le peintre Eugène Boudin, qu'il trouvait aux pommes. Le général Aupick, il l'envoyait aux fraises.
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

mardi 12 septembre 2023

Dernier renoncement

 

Pour le nihilique, le dernier renoncement est de renoncer à dire que « rien n'est » (même s'il continue à n'en penser pas moins). Qu'il le dise ou qu'il ne le dise pas, à vrai dire, tout le monde s'en fout. Mais quand même, ça le soulageait de le dire.
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

La gênance de plaire

 

Qu'une ou plusieurs personnes « aiment beaucoup ce que vous faites », cela doit être horriblement malaisant. On doit se dire qu'il y a une révérence parler couille dans le pâté ; que ce que l'on fait est probablement de la révérence parler merde. Pourtant, les gens semblent aimer ça. Qu'on aime beaucoup ce qu'ils font, c'est-à-dire. Tant mieux pour eux, après tout, hein ?
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Sensation

 

Le gars Rimbaud disait qu'il voulait « aller loin, bien loin, comme un bohémien, par la nature, heureux comme avec une femme ». Heureux comme avec une femme ! Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd ! Retourne plutôt dans les jupes de ta mère, morveux ! Et reviens quand tu connaîtras quelque chose à la vie ! Heureux comme avec une femme ! Ce n'est tout de même pas Dieu possible de lire des trucs pareils !
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Êtes-vous l'albinos Griffin ?

 

À force de vous faire percuter par des malotrus qui poursuivent tranquillement leur chemin, à force de rester assis des vingt minutes à la terrasse d'un café sans qu'un serveur se montre et vous demande ce que ce sera, à force de voir des oiseaux déféquer — en votre présence ! — sur votre véhicule, à force de voir des personnes du sexe jeter leur dévolu sur des fabricants de bouchons de bouteilles de vin, vous finissez par vous demander, c'est fatal, si vous n'êtes pas l'homme invisible d'H.G. Wells.
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

lundi 11 septembre 2023

All is of no avail

 

La vie, c'est un peu comme l'étang de Soustons à deux heures de l'après-midi : on rame. Encore heureux si on n'est pas foudroyé par une réminiscence de vocabulaire.
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Exiguïté de la vie

 

Il n'y a pas à dire, la vie, c'est exigu. Il vaut mieux ne pas avoir des gros coudes ou des gros genoux. Ni de « grandes espérances » (comme dirait Dickens).
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)