Parfois,
Victor Hugo se disait que le fruit tombe au vent qui le secoue, et cela
le rendait malade. Il s'identifiait. Il se croyait broyé par la grande
roue non de Marcel Campion mais de la création.
On
peut, en cherchant bien, trouver des squelettes de glyptodon, mais cela
n'empêche qu'il n'a jamais existé de glyptodons. Ces squelettes, Dieu
les a mis là pour faire beau, et sans doute aussi pour se moquer des
hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes (les
paléontologues). C'est la pure vérité.
Depuis
que l'homme s'est pris une bourrade qui l'a fait choir dans le temps,
tout est allé pour lui de mal en pis. Sa vie jusque là tranquille, où
tout se passait « en même temps », a pris un caractère chronologique :
elle est devenue une succession (d'emmerdes).
Le
cabanon de jardin a cet avantage sur le poëme qu'il permet d'entreposer
des outils, une berouette, et même une tondeuse à gazon (pour les
grands modèles).
Ce
n'est pas pour manquer de respect à Armand Robin, mais il faut être un
couillon certifié pour dire que Tchouang-Tseu ne ressemble à rien tant
qu'à un paysage dénudé du nord de l'Écosse. Il faut vraiment aimer faire « jore ». « Regardez comme comme je suis original ! Les amis ! »
Il
est triste de penser que même dans les confréries les plus nobles il y a
des faussaires. Prenons les misanthropes. S'y mêlent des scélérats qui
publiquement font profession de vomir le genre humain, mais qui, en
cachette, ont des amis !
À
force de parler dans ses poëmes de vagues de briques, Guillaume
Apollinaire a fini par s'en prendre une sur le cassis. Il a fallu lui
bander la tête.
Il
ne faut pas manquer d'air, pour prendre la défense du fallacieux
Basilide. Il est d'un pessimisme exacerbé ! D'après lui, l'homme est
marqué par le péché, souillé, et soumis à une causalité aveugle qui le
maintient dans la souffrance ! Comment le gnostique en est-il arrivé à
soutenir de telles insanités alors que tout prouve au contraire que la
vie est belle et que les gens sont gentils ?!
Pour
Parménide, « l'être est semblable à une sphère bien arrondie, qui du
centre à la circonférence serait partout égale et pareille ». Quand on
lit ça, on se demande : pourquoi une sphère ? Pourquoi pas une tourte ou
un « cigare japonais » ? C'est tout de même étrange, cette obsession pour
les sphères !
Les
stoïciens se trompent : il est bien le cas que les dieux interviennent
en toute fissure du foie et en tout chant d'oiseau. Aucun détail ne leur
paraît trop insignifiant ou indigne d'eux. Ils veulent tout contrôler,
les salops ! En conséquence, le libre arbitre est un leurre (car ça
coule par les côtés).
Précurseur
de Michel Fugain, Parménide dit de l'être que « c'est un beau roman,
c'est une belle histoire, c'est une romance d'aujourd'hui ». Le nihilique
n'en croit rien et est d'avis qu'il faut avoir fumé de la « beuh » ou du « shit » pour dire des choses pareilles.
Le
Satan de Milton dit que quelque endroit où il se trouve, là est
l'enfer. Puis il ajoute : « I myself am hell. » C'est aussi ce que pense
tout « boulet à soi-même ».
Il
n'est pas facile d'être une personne « nihilique ». C'est épuisant
nerveusement. On culpabilise, on se demande si l'on est vraiment normal,
et l'on envie les gens capables de dire oui (au monde, à la mer, aux
forêts ; aux roses que l'hiver prépare en secret). On aimerait approuver
au moins un petit quelque chose de la « réalité empirique », mais
impossible. Tout cette combine pue trop. Tant pis. Ce sera pour la
prochaine fois — peut-être...
Selon
Borges, Joyce est un Irlandais enchevêtré et presque infini ; selon
Férillet Robert, un Irlandais enchevêtré, infiniment ennuyeux et
surestimé ; toujours selon Férillet Robert, un vrai lavement.
Comme
exemple d'oxymoron, il y a mieux qu'un soleil noir, il y a un écrivain
sincère. Ils mentent tous comme des arracheurs de dents. Quand on pense
qu'il y a encore des benêts pour lire leurs livres et croire leur
baratin, c'est à désespérer de tout. Ô Char ! Et toi, Bobin ! Comme vous
mériteriez de recevoir la chicote pour tous vos méfaits ! Margoulins !
Au
début des années 40, Jorge Luis Borges assiste, en compagnie d'Adolfo
Bioy Casares, à un combat de coqs dans le quartier Saavedra de
Buenos-Aires. Il y voit des coqs qui, possédés d'une frénésie
belliqueuse, « ne sont déjà plus des coqs, mais des sortes d'oiseaux
écarlates et déplumés ». C'est un coup de tonnerre dans l'intelligentsia
argentine.
Si
tous les gars du monde voulaient bien arrêter de se faire chier
mutuellement, le bonheur serait sinon pour demain du moins pour la
semaine prochaine. Mais le mieux serait encore que tous les gars du
monde disparaissent. Du balai ! Aux chiottes, les gars du monde ! Aux
doubles-vécés !
Les
ceusses qui acceptent de bonne grâce la maladie, la vieillesse, la
mort, et d'être traités comme des paillassons par les personnes du sexe,
ces ceusses doivent être des lecteurs de Hegel ou de Nietzsche, ce
n'est pas possible autrement (en tout cas, chapeau).
Le
sens de l'existence est aussi introuvable que le dentier de Jeander
Cader (qu'il a perdu dans un accident de scooter au rond-point de
Perros). Son dentier lui a littéralement sauté de la mâchoire. Il a été
impossible de le retrouver, ce qui fait que maintenant, le pauvre
Jeander ne peut manger que de la purée. Eh bien, pour le sens de
l'existence, c'est pareil (nous nous comprenons et nous savons ce que
nous savons).
Les
idéalistes allemands, Kant, Hegel, Fichte, et cætera, ont reconnu le
caractère hallucinatoire de la « réalité empirique ». C'est ce qu'on
appelle un bel exploit intellectuel, ou nous ne nous y connaissons pas.
Les
Beckett, Ionesco, Adamov et consorts ont voulu épater le bourgeois avec
leur absurde, mais c'est un absurde de pacotille, entièrement théâtral.
Le véritable absurde est beaucoup plus sournois. Il se niche au cœur
d'un carré de romsteak, parfois même dans une simple assiette de
pilchards.
On
peut s'habituer à une douleur, à condition qu'elle ne soit pas trop
aiguë. On peut même s'y attacher. Une deuxième douleur se présente, on
se dit : « Après tout, pourquoi pas. » Mais à la troisième (les
côtelettes), on trouve que ça commence à faire.