Le poëte communiste Éluard écrivait le mot liberté presque partout : sur ses cahiers d'écolier, sur son pupitre, sur les arbres, sur le sable, sur la neige, il l'aurait même écrit sur son fiacre s'il avait pu. Et le plus fort est qu'il ne s'est jamais fait prendre, le scélérat !
Le Primatice un jour dit au Rosso, non pas qu'il avait bien sujet d'accuser la nature, mais qu'il devrait faire le portrait d'un jeune homme tenant une lettre. Le Rosso trouva l'idée « aux pommes » et se mit aussitôt à l'ouvrage.
Quelqu'un qui prétend connaître quelque chose est soit un imbécile, soit un imposteur. Pourtant, il nous semble connaître ce fait que le Riccio était le gendre du Sodoma. Devrions-nous nous en inquiéter ? Allons-nous devoir être très courageux ?
Plusieurs siècles les séparent, mais nul doute que si Germain Pilon et Georges Poulet avaient pu se rencontrer, ils seraient devenus « comme cul et chemise ».
Comme son maître le Corrège, le Parmesan était d'un naturel bonhomme, mais sa complaisance avait des limites : il refusait absolument d'être mélangé à des soupes ou à des risottos. Il disait que cela, à coup sûr, anéantirait ses efforts pour rompre avec les codes classiques de l'harmonie.
« Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà, de ta jeunesse ? — Pas grand chose. J'ai cherché les fermés fréquents. — Et tu les as trouvés ? — J'ai fouillé partout, mais tu me croiras si tu veux, zéro. »
Déchirante, cette confession du mathématicien belge La Vallée Poussin : « Nous avions vingt ans. Le plus bel âge de la vie pour pratiquer la géométrie riemannienne. Armés de diverses généralisations de l'opérateur laplacien, nous dérivions des tenseurs et des sections de fibrés vectoriels. T'en souviens-tu, ma mie ? »
Quand on lui demandait ce qu'est le bonheur suprême ici-bas, Li Po répondait que c'est d'écouter la chanson d'une petite fille qui s'éloigne après vous avoir demandé son chemin. Pour le négateur Émile Cioran, en revanche, le bonheur suprême consistait à gémir et à dire du mal de tout. Autant de têtes, autant d'avis.
Reynaldo Hahn aimait chaque parcelle de Pierre Loti, trouvait qu'il était dans l'ensemble bien orienté, son seul regret était qu'il ne fût pas raccordé au tout-à-l'égout.
La poétesse Anna de Noailles pratiquait le rugby au PUC (Paris Université Club). Quand elle portait le ballon et qu'elle était saisie par un adversaire, Maurice Barrès et Pierre Loti se liaient à elle, et à eux trois, ils « formaient le maul ».
La définition que propose Dostoïevski de l'homme (un être qui s'habitue à tout) ne vaut pas pour le poëte Francis Giauque. Malgré cures de sommeil, électrochocs et consommation de « beuh », ce dernier ne put jamais se faire à l'opprobre d'exister. Pour mettre un terme à cette avanie, il s'immergea dans le lac de Neuchâtel.
Dans son Poëme sans héros, la poétesse Akhmatova pose la question : « La conscience a-t-elle un sens ? Existe-t-elle ? » On voit qu'elle n'a pas lu Husserl, car si elle l'avait fait, elle saurait que la conscience non seulement existe mais est un flux continu et perpétuellement changeant. C'est son caractère continu qui permet à ce flux d'être « conscience de », c'est-à-dire de se représenter des contenus stables qui ne s'épuisent pas dans l'immédiateté d'une impression singulière. Ce n'est pas le tout de faire de l'acméisme, hein, il faudrait peut-être voir à lire Husserl !
Il a poussé la porte étroite qui chancelle... Il s'est promené dans le petit jardin... Il a revu l'humble tonnelle, les chaises de rotin... Et là — arrivé au niveau des chaises de rotin —, soudain un cri : « Tonton Cristobal est revenu ! »
Le Gran Chaco est une région géographique de l'Amérique du Sud qui s'étend en partie sur les territoires de l'Argentine, de la Bolivie, du Brésil et du Paraguay, entre les rivières Paraguay et Paraná à l'est, et l'Altiplano andin à l'ouest. Elle tire son nom de sa faune, composée principalement de chacaux (avec aussi quelques tapirs, des guanacos, des tamanoirs et une couple de perroquets).
Le mot du poëte Achille Chavée, « la solitude est un plat qui se mange seul », est astucieux mais d'une véracité discutable. Car ce plat, on peut aussi le manger — et comment ! — en compagnie d'une « grosse dondon ». Et même d'une dondon en général (pas forcément grosse).
Le mercredi 24 juillet 1878, vers 8 heures du soir, un meurtre a été commis à Mainbressy (Ardennes). Adéon Ducat, cultivateur, a tiré un coup de fusil sur le plasticien Hans Bellmer, le prenant pour la veuve Thiébault-Poncelet, la mère de son épouse avec laquelle il était en bisbille. La mort a été instantanée.
Au banquet de la vie, il n'y a pas à tortiller, on a été un infortuné convive. La boustifaille était infecte — les haricots n'étaient pas salés, le pivois avait un goût de bouchon — et les autres participants étaient de vraies têtes de con.
Nul événement mondain ne nous aura autant irrité que le mariage d'André Salmon. Dans son poëme, Apollinaire répète on ne sait combien de fois qu'aujourd'hui son ami André Salmon se marie, et à la fin on en a plein le dos. La patience n'est pas notre fort, il est vrai — à cause de cette sacrée « mortalité de l'être mortel » qui nous met les nerfs en boule.
Absorber des aliments est une activité ridicule et dégradante. Pourtant, les gens le font. Ils bouffent. Ils s'empiffrent. Eh bien c'est ça : empiffrez-vous !
Dans le roman d'Alain-Fournier, le Grand Meaulnes semble souffrir d'un problème de joint spi. Il perd de l'huile et manque de compression. Ce n'est pas forcément le joint spi, mais une chose est sûre : il présente une anomalie au niveau du « bloc moteur ». Pourquoi, sinon, dirait-il des choses telles que : « Apprends-le, Seurel : j'ai écrit à ma mère jeudi dernier pour lui demander de finir mes études à Paris » ? Ça ne tient pas debout !
Si Bartleby « préfère ne pas », ce n'est pas pour plaire à une petite élite dont il n'a cure, ni à cette entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Il ne croit pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. S'il préfère ne pas, c'est pour la simple raison que tout le fait chier. Et on le comprend parce que justement, nous aussi !!!