samedi 9 juin 2018

Intentionnalité anticipatrice


« Les faits sont tristement banals. Comme toujours dans un couple, les petits détails domestiques mettent le feu aux poudres. Le 15 novembre 2004 au soir, la dispute éclate pour un four à micro-ondes et une cafetière. Karine Hoffmann, 28 ans, vient de rentrer du travail et d'un rendez-vous chez le gynécologue. Elle a été "engrossée", supposément par Marc Caubisens, et tous les deux ont décidé qu'elle avortera. L'accusé décrit "une ambiance à couper au couteau".

Ensemble depuis dix ans, parents d'une fillette de neuf ans, l'homme et la femme se renvoient griefs et amabilités. Elle lui avoue avoir "rencontré quelqu'un", un garagiste de La Bourboule engoué de l'œuvre d'Edmond Husserl.

"Je me doutais de quelque chose. Il y avait anguille sous roche dans son comportement. Elle prônait soudain le « retour aux choses mêmes » et faisait des allusions à une mystérieuse « intentionnalité anticipatrice ». Tout ça était très louche."

L'énervement progressif, l'alcool, un petit coup de tête "humiliant" de Karine Hoffmann. "Je ne sais pas ce qui m'a pris. J'ai l'impression que ce n'est pas moi qui ai piloté." Marc Caubisens parle d'un trait, avec un calme impressionnant. Il poursuit : "Mes mains se sont serrées autour de son cou. J'ai entendu le craquement. J'ai senti son poids dans mes bras. J'ai cru qu'elle faisait une blague, j'ai eu du mal à réaliser. J'étais en panique totale."

La cour entend ce matin légiste et experts. Quant au garagiste puydômois féru de phénoménologie, il est demeuré introuvable jusqu'à ce jour. N'a-t-il jamais existé que dans l'imagination de la fille Hoffmann ? S'est-il fondu dans la luxuriante "réalité empirique" qu'il se plaisait tant à disséquer ? Nous ne pouvons ici que poser la question. » (Le Dauphiné, 2 décembre 2009)

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

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