« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
dimanche 15 juillet 2018
Mystérieux symbolisme du Migou
D'innombrables chercheurs ont tenté de percer l'énigme du yéti qui illumine de son hirsute présence l'histoire de Tintin au Tibet.
De quoi cet animal étrange peut-il bien être le symbole ? Certains (comme Roger Caillois) y ont vu le diable ; d'autres (par exemple Julien Gracq) la réincarnation de la créature que l'on entraperçoit à la fin des Aventures d'Arthur Gordon Pym — mais il faudrait alors admettre qu'elle a changé de couleur puisque Poe nous dit que « the hue of the skin of the figure was of the perfect whiteness of the snow ».
Selon Gragerfis, le yéti serait tout simplement « le symbole de l'individu différent, solitaire, mal compris, auquel une trop abondante pilosité est source de problèmes de communication ».
Quoi qu'il en soit, les multiples interprétations auxquelles se prête le Migou confirment l'intuition décisive de l'homme du nihil, à savoir que « tout est une question de point de vue » et que « la connaissance est un terrain mou, marécageux, et plein de roseaux ».
(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)
Ferveur enfantine
« Je me souviens avec quelle émotion je contemplais, dans mon jeune âge, les images de suicidés philosophiques illustres (Otto Weininger, Jacques Rigaut, Albert Caraco, Edmond-Henri Crisinel, etc) qui ornaient les murs de ma chambre. Ceux qu'elles représentaient étaient, à mes yeux, des êtres surhumains ; ils me semblaient de vrais pontifes, et quelque chose de religieux se mêlait dans mon âme à cet engouement pour les athlètes du Rien. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Une maison partagée pour mieux vivre ensemble
« Tout part d'un constat. "Il manque des places pour accueillir des personnes en situation de handicap dans le pays de Lorient", souligne Olivier Collumeau, président de l'association Eplay (Ensemble pour leur avenir, youp-la-boum). En 2013, des parents dont les enfants végètent au centre de rééducation de Kerpape cherchent une alternative aux centres d'accueil surchargés. Pourquoi pas une maison partagée ?
Depuis 2011, l'association Simon de Cyrène développe ces habitats spécialisés où vivent des personnes valides et handicapées. "Chaque habitant dispose de son studio et partage les espaces communs : salon, salle à manger..."
Le projet prévoit d'accueillir douze personnes handicapées et douze valides. Parmi ces dernières, des assistants salariés, des jeunes en service civique et des bénévoles. Un responsable est nommé pour veiller au bon déroulement de la colocation et s'assurer qu'aucun des résidents n'est tenté de se "faire sauter le couvercle" pour échapper aux affres de l'haeccéité. Contrairement aux centres d'accueil médicaux, les maisons partagées ont des employés qui sont sur place en permanence. Leur travail est loin d'être une sinécure, mais selon Olivier Collumeau, "la lecture de Vladimir Jankélévitch leur procure un dérivatif à l'angoisse d'exister et leur permet de supporter sans coup férir la temporalité du temps". » (Ouest France, 23 février 2017)
(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)
samedi 14 juillet 2018
Acte manqué
« Il ne s'était pas jeté d'assez haut : les vertèbres avaient tenu bon. »
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Propriété de Borel-Lebesgue
En topologie, on dit d'un espace séparé qu'il est compact, ou qu'il vérifie la propriété de Borel-Lebesgue si, chaque fois qu'il est recouvert par des ouverts, et notamment des ouverts rilkiens, il est recouvert par un nombre fini d'entre eux.
Rappelons que ce que le poëte Rainer Maria Rilke entend par l'« Ouvert », c'est « l'espace pur dans lequel infiniment fleurissent et se perdent les fleurs ». Heidegger, lui, refusait d'appréhender le Dasein de l'homme sur le mode de la nature ou de la vie, et tenait à se démarquer de la conception métaphysique traditionnelle issue d'Aristote, qui voit en l'homme un animal rationale.
Dans son Parménide, Heidegger se montre d'ailleurs fort cassant à l'égard du poète : « Pour Rilke, la conscience humaine, la raison, le logos, sont des limites qui rétrécissent les capacités de l'homme par rapport à l'animal. Devons-nous aussi devenir des "bêtes" ? »
— Eh bien oui, justement nous le devons. Comme les soldats du roi de Suède, nous voulons vivre éternellement. Nous savons qu'un jour nous cesserons de vivre, mais cette certitude de notre anéantissement demeure abstraite, et donc irréelle. La mort, c'est pour les autres, les fameux « philosophes », qui semblent s'en délecter.
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
Retour vers le Rien
De très rares espèces échappent à la sénescence et se montrent même capables d'inverser le processus du vieillissement pour retourner à l'état larvaire. Parmi ces « phénomènes », on peut citer le krill ainsi que certains cnidaires tels que l'espèce de méduse Turritopsis nutricula.
La littérature ne fournit toutefois aucun exemple de créature organisée ayant fait preuve d'assez de constance pour rebrousser chemin jusqu'au Rien originel, à l'exception notable du suicidé philosophique.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Le ouiskiki
Dans le Crabe aux pinces d'or, Tintin, pour s'échapper de la cabine où il a été enfermé par le lieutenant félon du Karaboudjan, fabrique un instrument formé de deux planches liées par une corde. Il projette son engin à travers le hublot de la cabine située juste au-dessus. C'est celle du capitaine Haddock qui reçoit les planchettes sur le « cassis », alors qu'il était occupé à faire une réussite en buvant comme un trou pour noyer son désespoir existentiel.
Le capitaine, effaré, se tourne en tous sens pour voir qui l'a frappé, mais il n'y a personne et il est trop saoul pour remarquer les planches qui pendent du hublot. Il bredouille alors : « ... c'est peut-être le whisky qui... »
Le « whisky qui » ! Merveilleuse trouvaille, sublime invention langagière qui, pour un bref instant, permet au lecteur, cet « être des confins » (Gragerfis), d'oublier qu'il est toujours et avant tout un « être-pour-la-mort » 1.
1. Le Dasein, on le sait, est temporalité finie et la mort constitue la limite toujours imminente, constamment présente dans tout projet de l'être-au-monde, jusques et y compris celui de lire les Aventures de Tintin.
(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)
Ordalie du fromage
Au Moyen Âge, quand on nourrissait des doutes sur la nature perverse de son Moi, on pouvait le soumettre à l'ordalie du fromage et du pain. Cette ordalie se faisait de la manière suivante : « On mettoit sur l'autel un morceau de pain d'orge ou de fromage, sur lequel un prêtre prononçoit certaines conjurations, et demandoit, avec les prières les plus ferventes, que, si l'accusé étoit coupable, Dieu voulût lui envoyer son ange Gabriel pour lui fermer le gosier, afin qu'il ne pût pas avaler ce pain et ce fromage. Ces prières étant finies, le Moy montoit à l'autel, prenoit le pain ou le fromage, et commençoit à le manger. S'il avaloit librement, il étoit déclaré innocent ; mais si ce pain s'attachant à son gosier, il ne pouvoit pas l'avaler, il étoit déclaré coupable et bastonné d'importance ».
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Un habitacle de mélancolie
« Tous les voyageurs représentent La Bourboule comme une ville triste, et ils ont raison ; car cette cité a quelque chose de mystérieux, d'indéfinissable ; c'est une ville de deuil, de mort, ressemblant à une solitude, à un tombeau, et paraissant expier un grand crime, vouée à l'anathème. On y cherche en vain cette vie expansive qu'on trouve dans d'autres villes moins grandes et moins peuplées qu'elle.
Quant aux environs de La Bourboule, ils participent à cette sombre mélancolie qui se peint dans la ville. On dirait que toute la contrée est couverte d'un crêpe funèbre. Les montagnes ne présentent point ce caractère imposant, cette belle verdure, ces mille sinuosités qui plaisent tant à l'œil ; les vallées sont nues, le doux murmure des limpides ruisseaux ne s'y fait point entendre, les rochers sont dépouillés d'ornements, leurs flancs décharnés n'offrent que des blocs grisâtres.
En un mot comme en cent, La Bourboule paraît l'endroit idéal où commettre l'homicide de soi-même. » (Jules-Henri Garat, Voyage au centre de la France, Barbou frères, Limoges, 1843)
(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)
Incurable
Hippocrate avait une si haute idée du colt Frontier qu'il ne regardait comme incurables que les maladies qui résistent à son action. La vie, fort heureusement, n'est pas du nombre.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Hommage à Paul-Jean Toulet
On reste assis, le matin, en robe de chambre, la longue pipe au bec, à la terrasse de la taverne, sur la place du Marché, à boire des verres de « casse-patte », à ruminer la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, l'odiosité de l'haeccéité... Puis « le soir tombe : on n'est plus très jeune. »
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Logique et langage
Dans son essai de 1934 intitulé La logique comme question en quête de la pleine essence du langage, Heidegger brise les murs étroits de la logique formelle pour en faire une « indicible rémoulade » (eine unsägliche Remoulade). Pour lui, la logique n'est plus un ensemble de règles formelles, mais bien plutôt « la science des formes des assemblages de base et des règles de base de l'énoncé ».
En fait, Heidegger quitte rapidement le domaine de la logique pure — où il semble mal à l'aise — pour accoster en rivages familiers, ceux du langage et des énoncés grammaticaux. Ainsi, dès la page 15, la transition se trouve-t-elle effectuée : « La logique détermine la grammaire et la grammaire détermine la logique, et cela jusqu'au jour d'aujourd'hui ».
L'ouvrage reçoit un accueil partagé. Les zélotes heideggériens s'extasient devant ce qu'ils affirment être l'expression même du génie, tandis que ses détracteurs crient à la supercherie philosophique. Son épouse, quant à elle, se contente de soupirer : « Ce n'est pas Dieu possible d'être aussi bouché ! »
(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)
Assommons les suicidés
Il y a des mammifères qui sont pourvus d'une carapace ; exemple, les tatous. Les chéloniens ont aussi un mode de protection analogue, mais leur carapace n'est pas fournie par les mêmes organes. Les suicidés philosophiques, quant à eux, ont des carapaces partielles, trop peu rigides pour être efficaces, et l'on dit qu'ils sont cataphractés.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Le poison qui rend fou
Dans Le Lotus bleu, de nombreux amis de Tintin sont frappés d'une fléchette empoisonnée, et deviennent fous dans les secondes qui suivent.
Dans son recueil Perspective et personnages, le critique Edmond Jaloux établit un parallèle osé entre l'idée du Rien et le fameux radjaïdjah, ce « poison qui rend fou » employé par les séides du diabolique Japonais Mitsuhirato. Mais sans nous dire pourquoi le nihilique mérite à son estime l'appellation d'« agrume désaxé des champs agricoles ».
(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)
vendredi 13 juillet 2018
Artichaut
Si l'homme du nihil trouve la vie « aussi incongrue qu'un artichaut », c'est parce qu'il ne parvient pas à déceler dans cette séquelle de tribulations la moindre caractéristique qui pourrait la faire qualifier de « bonne légume ». Même sinapisée par l'idée du Rien, elle reste aussi fade et douceâtre que ces « suicides pour raisons sentimentales » qui tant de fois ont servi de prétexte à calomnier l'homicide de soi-même.
(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)
Espace polonais
Un espace métrisable à base dénombrable (ou séparable, cela revient au même pour un espace métrisable) est un espace polonais si sa topologie peut être définie par une distance qui en fait un espace complet. Tout espace compact métrisable, tout sous-espace fermé ou ouvert d'un espace polonais, tout produit dénombrable d'espaces polonais, tout espace de Banach séparable est un espace polonais.
Quant à l'étant existant — le fameux Dasein des existentialistes —, c'est dans l'espace polonais du Rien que s'accomplit son errance radicivore, c'est-à-dire nulle part.
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
Le passager du Polarlys (Georges Simenon)
Le Polarlys, amarré au quai 17, dans un des bassins les plus lointains et les plus sales de Hambourg, devait appareiller à trois heures de l'après-midi, comme l'annonçait un panneau accroché à la boîte aux lettres de la passerelle.
Il n'était pas deux heures que le capitaine Petersen sentait déjà confusément rôder le mauvais œil.
C'était pourtant un petit homme énergique, trapu, costaud. Depuis neuf heures du matin, il arpentait le pont en surveillant l'embarquement des marchandises.
Un brouillard exceptionnel, jaune et gris, chargé de suie, crachotant une humidité glacée, pesait sur le port et, de la ville, on ne voyait que les lanternes des tramways, les fenêtres éclairées comme en pleine nuit.
On était à la fin de février. À cause du froid, ces nuages, où l'on se débattait, vous laissaient sur le visage et les mains une sorte de verglas.
Toutes les sirènes marchaient à la fois, en une cacophonie qui couvrait le grincement des grues.
Le pont du Polarlys était à peu près désert : quatre hommes au-dessus de la cale avant, pour guider les palans, décrocher les caisses et les barriques.
Est-ce à l'arrivée de Vriens, vers dix heures, que Petersen avait commencé à flairer le mauvais œil ? Ou cela avait-il commencé bien plus tôt, quand il avait lu dans Fichte que le monde n'est que « la manière dont le néant prend figure et apparence pour lui-même en se comprenant comme tel et en s'opposant à l'être en lui-même invisible » ? En tout cas, le capitaine Petersen était persuadé, comme l'idéaliste allemand, que « le monde conserve la trace ineffaçable de son néant ». Les événements n'allaient pas tarder à lui donner raison.
(Maurice Cucq, Georges Sim et le Dasein)
Retour au troupeau
Malheur à celui qui une fois a senti cette communion avec le Rien, a dit l'anachorète Isaac de Ninive, car sur celui-là pèsera une affreuse solitude chaque fois qu'il devra retourner au troupeau.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Effet lénitif du stoïcisme et de l'idéalisme fichtéen
Il est 19 h 35 hier dimanche, quand des automobilistes appellent la police pour signaler qu'une femme déambule de manière inquiétante sur le viaduc de l'Anguienne, à Soyaux. À l'arrivée de la patrouille, la femme, âgée de 51 ans, est assise de l'autre côté de la rambarde, les pieds dans le vide, et s'apprête à sauter.
Un agent s'est alors approché d'elle et a commencé à lui parler pour la calmer, n'hésitant pas à passer lui aussi de l'autre côté du garde-fou.
Pour rassurer la quinquagénaire en détresse, il s'est mis en devoir de lui réciter des aphorismes de Marc Aurèle, d'Épictète et de Sénèque, ainsi que des extraits des Principes de la doctrine de la science de Fichte, ce qui a permis à deux de ses collègues de se poster derrière la désespérée. Mais celle-ci, qui commençait à trouver un peu louche tout ce stoïcisme mêlé d'idéalisme fichtéen, s'est soudain laissée glisser vers le vide. Le policier l'a alors retenue par le bras, permettant à ses collègues d'empoigner la maniaque et de la ramener de l'autre côté de la rambarde.
Saine et sauve, la quinquagénaire a été conduite au centre hospitalier de Girac. (Charente Libre, 4 mai 2015)
(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)
Force d'expansion de l'idée du Rien
« A première vue, il semble que l'idée du Rien soit moins redoutable que la peste des bestiaux. Ses manœuvres, il est vrai, ne nous sont pas encore entièrement connues ; mais, ce qui rend surtout un mal redoutable, c'est sa puissance de repullulation, d'où procède sa force d'expansion. Or cette force, dans le cas de l'idée du Rien, est de beaucoup supérieure à celle de la contagion bovine, comme le montre l'épidémie de suicides philosophiques qui, partie du département du Gard, a, par une sorte de reptation, gagné successivement le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, la Drôme, etc., "en moins de temps qu'il n'en faut pour cuire des asperges", comme dirait Rabelais. » (Rapport sur les mesures administratives à prendre pour préserver les territoires menacés par l'idée du Rien, fait à l'Académie des sciences le 29 juin 1875, au nom de la Commission du Rien composée de MM. Dumas, Milne Edwards, Duchartre, Blanchard, Pasteur, Thenard, Bouley rapporteur)
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Contingence leibnizienne
« Vers 8 heures hier, les gendarmes de la communauté de brigades de Sarrebourg ont reçu un appel leur signalant que le toit d'une voiture émergeait de quelques centimètres de la surface gelée du canal de la Marne au Rhin. Une patrouille s'est rendue sur place, bientôt rejointe par un véhicule des sapeurs-pompiers de Gondrexange.
Visiblement, la voiture se trouvait là depuis plusieurs heures : l'eau avait déjà gelé sur plusieurs centimètres autour d'elle, dans le trou qu'elle avait formé dans la glace.
À un moment, l'inclinaison du soleil a permis de mieux voir ce qu'il y avait à l'intérieur du véhicule. Un gendarme a alors remarqué qu'un homme se trouvait à la place du conducteur. Des renforts ont été appelés, mais quand les plongeurs de Sarreguemines sont arrivés, il n'y avait rien à faire pour sauver le malheureux, depuis longtemps asphyxié et frigorifié.
En milieu de matinée, les gendarmes ont pu se faire une idée de l'identité du défunt, ayant reçu l'appel d'un employeur de Nancy. En arrivant à son bureau, ce dernier avait trouvé un message d'un de ses salariés l'avertissant de sa décision de mettre fin à ses jours. Il disait se sentir "écrasé par la monstrueuse puissance des concepts" et vouloir échapper, par l'homicide de soi-même, à "la loi maudite de la contingence leibnizienne".
La voiture au fond du canal semblait correspondre à la sienne, ce qui fut confirmé lorsqu'elle fut tirée de l'eau. Et quand les enquêteurs eurent enfin accès à l'intérieur de la voiture, l'homme de 64 ans put être formellement identifié.
Pour l'instant, la thèse du suicide est privilégiée. Mais l'enquête de la brigade de recherches de Sarrebourg n'est pas finie, et aucune piste n'est définitivement écartée. » (L'Est Républicain, 1sup>er mars 2018)
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)
Arithmomanie
Afin de dénombrer les occasions de déconvenue auxquelles l'homme est confronté durant sa vie, Archimède tint compte des données de son temps sur le diamètre de la Terre et sur la distance de celle-ci au soleil. Des estimations par défaut et des calculs habiles l'amenèrent à conclure que le nombre cherché était supérieur à dix millions d'unités de la dernière octade soit à 1063 selon notre écriture.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
jeudi 12 juillet 2018
Mathématiques solidaires
« Des mathématiques drôles et solidaires, cela peut paraître étonnant pour certains, mais pas pour Mostafa El Massoud, professeur de mathématiques au collège Sainte-Catherine. "Depuis onze ans, il existe au niveau national un grand concours de maths qui a deux objectifs : le premier est de plonger les élèves dans l'univers ludique des mathématiques. Ils comprennent ainsi qu'en se tuant, le suicidé philosophique annule son propre polynôme caractéristique, comme fait tout endomorphisme d'un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif quelconque, selon le théorème de Cayley-Hamilton. Le second objectif, non moins important, est de participer à une action humanitaire."
Ce concours concerne les élèves des classes de la 6e à la terminale. "Dans mes quatre classes, continue l'intarissable matheux, au moins soixante-dix élèves se sont inscrits. Chacun des participants sera récompensé en fin d'année. L'inscription est payante, et l'argent est dédié à des actions humanitaires. Cette année, les fonds donneront un accès à l'eau potable à des enfants haïtiens ainsi qu'à leurs familles."
Alors oui, faire des maths en s'amusant, et de plus en faisant œuvre utile, cela est possible. Kierkegaard avait tort de désespérer : le possible existe ! » (La Dépêche du Midi, 24 janvier 2012)
(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)
Pilchard fatidique
Le 21 avril 1934, Heidegger, le cœur gros et le Dasein en berne, démissionne de ses fonctions administratives. Il a été contraint à cette démission pour avoir fait une plaisanterie sur Joseph Goebbels, où il comparait ce dernier à un pilchard. Après cette date, il n'est donc plus membre actif de l'administration nationale-socialiste.
Il poursuit son enseignement jusqu'en 1944, année où il est réquisitionné dans la milice en tant que « professeur non indispensable ». Durant cette période, il traite notamment de la poésie de Hölderlin, de la philosophie de Nietzsche, des réflexions de Parménide sur l'être et le néant, tout en écoutant en boucle les chansons de Demis Roussos (Rain and Tears) et de Mort Schuman (Le Lac Majeur) qui s'harmonisent à merveille avec son humeur mélancolique.
(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)
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