« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mardi 24 juillet 2018
Densité du réel
De santé délicate, le mathématicien français René Baire était sans cesse tourmenté par son œsophage, et il lui arrivait de subir de graves crises d'agoraphobie. En 1904, il est cependant invité à donner un cours pendant six mois au Collège de France, et il saisit cette occasion pour exhiber de nombreux résultats fondamentaux, parmi lesquels le suivant, connu sous le nom de théorème de Baire : l'intersection d'une famille dénombrable de parties ouvertes et denses de l'ensemble des réels est encore dense !
On ne saurait affirmer avec certitude que ce « coup de tonnerre » fut à l'origine de la décision que prit Raymond Roussel de se détruire, mais de nombreux indices le laissent soupçonner. Quoi qu'il en soit, le 14 juillet 1933, l'écrivain met fin à ses jours dans sa chambre du Grand Hôtel des Palmes, à Palerme, en ingérant une dose massive de barbituriques. Le 2 juillet, il avait déjà tenté de s'ouvrir les veines, mais avait été sauvé in extremis par son mystérieux chauffeur Orlando et par sa « gouvernante » (Gragerfis), Charlotte Dufrêne. Dans les premières années du XX e siècle, il avait publié plusieurs livres assez déroutants pour susciter l'adulation des surréalistes, avait inventé le camping-car, déposé un brevet sur l'utilisation du vide, et s'était livré en général à toutes sortes d'excentricités. Son suicide fut la dernière.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Recherche spirituelle sur l'être
L'homicide de soi-même n'est-il pas le moyen par excellence de se rendre réceptif à la vie de l'inanimé et à capter ce que Marcel Banquine appelle les « métaphores de l'indicible », les « messages chiffrés qui nous viennent des choses » ?
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
lundi 23 juillet 2018
Déterminisme et chaos
On sait que certaines lois physiques, par exemple le principe fondamental de la dynamique, se traduisent par des équations différentielles vérifiant les hypothèses du théorème de Cauchy-Lipschitz. Ce dernier assure alors le caractère déterministe du mécanisme décrit par la loi en question.
Ce déterminisme aurait de quoi désespérer l'homme du nihil s'il se traduisait toujours par une possibilité de prédiction (l'homme du nihil est en effet très attaché à son libre arbitre). Heureusement, ce n'est pas le cas, car la théorie du chaos établit la possibilité de l'existence de phénomènes inopinés, comme la pensée de se détruire en se pendant avec ses bretelles.
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
Stratagème inefficace
Quand la morale et l'esthétique se font trop oppressantes et ajoutent leur poids à celui déjà écrasant de l'haeccéité, l'homme du nihil boit jusqu'à en être noir, pensant trouver dans cette noirceur un remède à ses maux. Le poëte Jules Lemaître n'a-t-il pas dit :
« Chers primitifs, ô Bamboulas,
Benjamins de la terre antique,
Grands innocents qui n'avez pas
De morale ni d'esthétique. »
Mais cette ruse inepte ne donne rien. Le Moi y est, il y est toujours...
(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)
Allégresse
Une fois qu'il a pris la décision irrévocable de se détruire, l'homme se sent comme allégé, le temps se met au beau, le baromètre monte ; et les hirondelles, par leur vol élevé, les sangsues, par leur penchant à se tenir hors de l'eau, etc., indiquent qu'elles ressentent le changement qui s'opère dans l'atmosphère mentale du désespéré.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Lutter contre l'isolement grâce aux animaux de compagnie
« Tous les quinze jours, la maison de retraite Benoît Frachon accueille Mélanie Coulon, psychomotricienne, intervenante en médiation animale. Cette semaine, celle-ci était accompagnée de son fidèle chien Fado. Pour cette séance, les résidents étaient huit : Jeannette, Léocadie, Ghislaine, Jeanine (une nouvelle résidente), Madeleine, Margot, Robert et Alain.
"En tant que psychomotricienne, je pratique la rééducation cognitive et motrice, explique Mélanie Coulon. La médiation animale, c'est mettre en relation des animaux éduqués et des personnes en difficulté, celles notamment qui ont la pénible sensation de vivre isolées dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort. J'essaie de créer du lien social et de leur faire réutiliser l'ensemble de leur potentialité au quotidien." Et cela par le biais de différents exercices comme celui consistant, pour les "naufragés de l'existence", à s'enfermer la tête dans un sac en papier jusqu'à ce que mort s'ensuive.
"Je tiens à souligner, continue la psychomotricienne, que contrairement à ce que soutient Heidegger, les chiens comprennent parfaitement ce que signifie la mort de leur maître, parce qu'ils possèdent comme nombre d'animaux supérieurs l'intuition vitale, élémentaire bien qu'authentique, de la mort. La thèse heideggérienne selon laquelle « l'animal est pauvre en monde » est donc d'une indigence phénoménologique abyssale." » (La Voix du Nord, 2 février 2018)
(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)
Un esthète de l'anéantissement
Le suicidé philosophique exerce son activité dans le vide, sans attendre du public critiques ou applaudissements. La perfection formelle de son geste suffit à sa béatitude.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Les révélations de la mort
Haddock, dans sa cellule du Temple du Soleil, un jour avant la date prévue de son exécution sur le bûcher, se tient la tête entre les mains, effondré : « C'est fini !... Plus rien à espérer !... Jamais je n'ai touché à ce point le fond du désespoir ! »
Que peut-on dire à un homme qui touche le fond du désespoir ? « Ce n'est rien, il suffit de prendre de l'aspirine, de se frictionner avec du vinaigre, d'appliquer un sinapisme, et ça passera » ? C'est ainsi que parle la sagesse populaire, mais Haddock n'a cure de ce genre de consolation. Et à l'instar de l'« homme du souterrain » cher à Dostoïevski, il refuse de s'incliner devant le « mur de brique » de la nécessité.
Voici ce que dit de l'expérience haddockienne le philosophe Léon Chestov dans une lettre à sa fille datée du 13 avril 1921 : « Auparavant le whisky, la pipe, les cartes et les jurons semblaient être à Haddock le summum de ce que l'on pouvait atteindre. Il n'apercevait ni le soleil, ni le ciel, il ne voyait rien dans la vie, bien qu'il eût tout devant les yeux. Et lorsque arriva la mort, il comprit subitement qu'il n'avait rien vu, comme si dans la vie rien n'existait en dehors du whisky, de la pipe, des cartes et des jurons. Tout ce qu'il avait pu voir de vrai, il l'avait vu durant son enfance, sa jeunesse, puis l'avait oublié, employant toutes ses forces uniquement à ne pas être lui-même, mais à être comme "tout le monde". Aussi la révélation de la mort n'est pas une négation de la vie, mais, au contraire, plutôt une affirmation — mais une affirmation d'autre chose que de cet habituel remue-ménage de souris par lequel se laissent prendre les hommes. »
(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)
Questions entomologiques
Comment comprendre ce que M. Viktor Motchoulski, le célèbre entomologiste russe, en décrivant le Lucanus tetraodon Thunberg, a voulu exprimer par un noir faiblement noirâtre ? Et quand il évoque le Blaps cylindrica Herbst, que peut-il bien vouloir dire par pattes et antennes grelées ?
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Schopenhauerisme débridé
« Le parquet des mineurs de Verdun a retenu hier la thèse de l'acte prémédité contre un adolescent de 17 ans, soupçonné d'avoir tué, lundi à Bar-le-Duc, deux de ses frères, âgés de 14 et 9 ans, avec un couteau, un hachoir et un marteau.
L'adolescent "a préparé son coup et avait formulé son projet de tuer ses frères. Il n'a pas provoqué l'absence de ses parents, mais il a profité de leur départ pour passer à l'acte", a indiqué le procureur, Thierry Villardo. "L'adolescent a expliqué qu'il avait tué ses deux petits frères car il n'a pas eu le courage de se suicider. En agissant ainsi, il a dit avoir voulu se suicider socialement", a-t-il ajouté.
Selon les premiers éléments de l'enquête, Rémy et Yoanne ont été tués avec une violence extrême et un acharnement extraordinaire. Après le meurtre, l'adolescent, qui s'était blessé à la main avec le couteau, accidentellement semble-t-il, s'est rendu chez le psychiatre qui le suivait depuis plusieurs mois. C'est ce dernier qui a téléphoné aux policiers.
Selon Aurélien, un des camarades de l'adolescent, "c'était un grand pessimiste, excellent élève dans les matières littéraires et bon dans les disciplines scientifiques".
Les premières investigations ont montré que l'adolescent en était venu à envisager le monde comme une représentation du sujet connaissant, ce dernier ne se connaissant lui-même que comme volonté. C'est cette vision du monde profondément viciée qui, selon les enquêteurs, pourrait expliquer son geste insensé. En outre, au plan moral, il s'opposait à l'eudémonisme de Baruch Spinoza.
Le jeune garçon a été mis en examen pour "assassinats sur mineurs de moins de quinze ans" et écroué dans la soirée. » (Le Télégramme, 10 juillet 1996)
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)
Appel à la mobilisation
Face à la pression « sociétale » qu'exercent les partisans de l'euthanasie, les suicidés philosophiques doivent se mobiliser pour conserver leur autonomie et la maîtrise de leur art. Mais comment ? Tout de même pas en faisant la grève du taupicide ?
(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)
A la poursuite du Moi
Le suicidé philosophique, par cette supériorité que donne le désespoir, par cette finesse de sentiment qui n'appartient qu'à lui, ne perd jamais l'objet de sa poursuite, à savoir l'« odieux Moi ». Avec un flair de pointer, il délie les nœuds du fil tortueux qui seul peut y conduire ; sa vision presque surnaturelle lui fait saisir tous les détours du labyrinthe, toutes les fausses routes où l'on a voulu l'égarer ; et, loin d'abandonner l'ennemi pour un indifférent, après avoir triomphé de la ruse, il redouble d'ardeur, arrive enfin, l'attaque avec un couteau de cuisine, et, le mettant à mort, étanche dans le sang sa soif et sa haine.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Mégalomanie
Seule me distingue du néant l'immodeste ambition d'être nocif.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
dimanche 22 juillet 2018
Je me souviens
Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis dépeint en ces termes la douloureuse vie du romancier Georges Perec : « À l'adolescence, ses jambes se brisent dans une chute de cheval et, les os ne cicatrisant pas, elles cessent de grandir. Seuls son tronc, ses cheveux et sa barbiche poursuivent leur croissance, de sorte qu'il reste nain et son corps atrophié. À plusieurs reprises, victime de la faiblesse de ses "guizots", il échappe de peu à la mort en voulant attraper l'autobus. Persuadé d'avoir été envoûté lors d'un séjour au Mexique, il lutte jour et nuit contre des démons et persécuteurs de toutes sortes. Il passe plusieurs années dans des asiles d'aliénés, où il subit de pénibles électrochocs. Ces atroces expériences le conduisent jusqu'aux "confins de la vie" et lui font écrire : "Dans le monde où je suis, il n'y a ni dessus ni dessous : il y a le Rien qui est horriblement cruel, c'est tout". L'excès de boisson contribue à détruire sa santé, il est frappé de paralysie et meurt à trente-sept ans sans avoir rien créé de mémorable si ce n'est quelques palindromes et, chez ses proches, l'envie d'échapper à ses fatigantes singeries langagières ».
Quelque temps après la parution de son journal, Gragerfis reconnut sa terrible méprise : il avait confondu le « chantre de l'absence douloureuse » avec le philosophe Jean Grenier 1 !
1. Qui ne portait pourtant pas de barbiche !
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Une bombe (Larry Brown)
Elle est entrée un soir dans un bar où je me trouvais et elle a pris un tabouret. J'ai remarqué le jean étroit, les cheveux longs et bruns, le joli chemisier rouge. Une fille comme elle, on ne peut que la remarquer. C'est même pour ça qu'on est là.
J'ai observé qu'elle jetait un regard circulaire pour voir qui était dans la salle. Il n'y avait pas grand monde. Il était encore tôt. J'ai donc commencé à me poser des questions sur elle. Une belle femme, seule, en début de soirée dans un bar de ploucs. Peut-être que, comme Hermann Cohen, Paul Natorp et (au moins jusqu'en 1920) Ernst Cassirer, elle s'efforçait d'approfondir l'œuvre de Kant dans la direction d'une théorie de la connaissance, et partant, d'une épistémologie ?
Je suppose qu'elle a senti que je l'observais. Elle s'est retournée pour me regarder, elle a souri quelques secondes, puis elle s'est penchée et elle a parlé au barman qui lui a vite apporté une bière.
Ça faisait un moment que j'étais hors-circuit. J'avais des embrouilles avec ma femme. Un des problèmes était que je passais trop de soirées dehors : c'était une source de disputes dont j'avais du mal à sortir gagnant. On a du mal à gagner quand on sait que c'est parce qu'on déconne qu'il y a un problème.
La fille restait assise là, jetant quelques coups d'œil à droite et à gauche, et elle fumait une cigarette. Au bout d'un moment elle est descendue de son tabouret, et, se dirigeant vers le juke-box, elle a tiré quelques pièces de sa poche. Son jean était si serré qu'elle avait du mal à extraire l'argent. Elle s'est penchée sur le panneau aux lumières vives, elle a posé sa bière et elle a tenu sa cigarette entre les doigts de sa main gauche. Elle s'est retournée, et me regardant en face, elle m'a demandé ce qui me plairait. Je lui ai dit que ce qui m'aurait vraiment plu, ç'aurait été de ne jamais venir au monde, mais qu'à part ça je ne voyais pas. « Oh, comme Cioran, elle a dit. Dans ce cas, je vais jouer Sombre dimanche. Cette lugubre cantilène devrait bien s'accorder avec votre humeur mélancolique. »
C'est ce qu'elle fit. Et subito presto, je me mis à trembler, comme si les muscles, les os, les tendons cherchaient à se séparer en moi.
(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)
Gloutonnerie philosophique
« Les philosophes, habitués qu'ils sont à manipuler des concepts équivoques, semblent ressentir un plaisir coupable à se rouler sur les ordures les plus sales et les plus fétides ; ils dévorent les aliments les plus dégoûtants, ils mangent de l'herbe, de la paille, du linge, de la laine, du tabac, des matières fécales ; ils boivent l'urine, l'eau des ruisseaux ; j'ai rencontré dans l'estomac d'un empiriste logique des fragments du linge qui avait fait partie de ses vêtements ; chez un autre, le cæcum était rempli, distendu par un tampon de paille qui avait déterminé une inflammation et la gangrène des membranes intestinales ; ils dévorent tout ce qui tombe sous leurs mains. Un nominaliste britannique à qui je donnais des abricots, les portait d'abord à sa bouche, mangeait la pulpe ; ne pouvant mordre dans les noyaux, il les avalait, comme il avait déjà avalé la pulpe du fruit. Il mangea ainsi neuf abricots de suite, et en eût mangé davantage, si je n'avais craint qu'il n'en fût malade. » (Jean-Étienne Esquirol, De la philosophie considérée sous le rapport médical, hygiénique, et médico-légal, 1838)
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Dissection du triangle
Ménélaos d'Alexandrie (vers 70 à Alexandrie – vers 140 à Rome) est un mathématicien et astronome grec. On sait par le dialogue de Plutarque Sur le visage qui est dans la lune (De facie in orbe lunæ) que Ménélaos passa une partie de sa vie à Rome, mais Pappus et Proclus laissent entendre qu'il avait étudié dans sa jeunesse à Alexandrie. Quoi qu'il en soit, il est l'auteur d'un théorème qui précise les relations existant entre des longueurs découpées dans un triangle par une sécante. Il en existe une version plane, une version pour le triangle sphérique, et une version à l'usage des suicidés philosophiques (la plus recherchée par les amateurs de macabre).
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
The Long Goodbye
Le Rien ! Qui n'a pas arrêté un moment sa pensée sur les riants tableaux que ce mot présente à son imagination ? L'homme politique y rêve la liberté dans sa plus vaste acception ; l'homme de science et le poëte, des découvertes nombreuses, une riche moisson de faits nouveaux, et le silence et les inspirations des forêts vierges ; l'étant existant, enfin, le terme des souffrances que lui impose l'épouvantable haeccéité.
Oui, il y a du vrai dans tous ces rêves. Mais avant d'atteindre la terre promise, il faut préparer le départ, et se munir d'un appareil perforant d'une rare précision, exempli gratia un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Chez le fratrès
Habituellement, la mère de Heidegger lui coupait les cheveux « au bol », mais pour les grandes occasions, elle l'envoyait chez le fratrès de Meßkirch. Celui-ci appelait Martin « mon petit lapin » (mein Kaninchen). « Mets-toi sur le fauteuil, mon petit lapin », lui disait-il.
Un jour que le merlan lui « ratiboisait la caillasse », Heidegger fut comme frappé par un éclair de génie : le temps se révéla à lui dans son essence propre, celle de l'« horizon de l'être ». Une idée simple, à première vue, mais le jeune Martin la raffine aussitôt en prenant comme point de départ sa situation présente et en opérant une distinction entre deux « configurations ». D'un côté, se dit-il, il y a l'actualité comme déroulement temporel de l'acte dans la consistance de l'effectuation, le mouvement vers l'effectif : le temps est alors simple transformation — par exemple d'hirsute en bien peigné —, le mouvement de l'effectuation. Mais de l'autre côté, celui de l'être-actuel comme être-accompli, à la coiffure impeccable et sentant l'eau de Cologne, l'actualité est la présentation de l'effectivité comme présence du présent, c'est-à-dire concaténation de la provenance du « tourné vers » en quoi consiste la relation de l'accomplissement à l'acte. C'est dans cette seconde configuration que le temps est vraiment l'horizon de l'être, et l'« effectif » doit être alors pensé comme accomplissement !
Ébloui par la richesse de ces perspectives métaphysiques, Heidegger songera un temps à devenir fratrès, mais il y en avait déjà trois à Meßkirch, alors ça n'aurait guère été rentable...
(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)
« Je cherche un homme »
Dans l'album Tintin au Tibet, le sherpa Tharkey vitupère avec acerbité « l'esprit de troupeau » et « l'abrutissement volontaire de l'homme ». Il s'insurge en outre contre cette « société de morts vivants » dans laquelle un destin sarcastique l'a jeté, et tente de convertir Tintin à sa vision tragique de l'existence : « — Toi voir quelqu'un vivant ici, Sahib ? — Ici, non... ».
(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)
Jamais trop tard
Le vieux monsieur ne souhaitait plus vivre. Aujourd'hui, en pleine rue d'Aix-en-Provence, il s'est tiré une balle dans la tête. Il avait 90 ans. Il n'a pas survécu à ses blessures.
On ne sait pas ce qui l'a conduit à ce geste désespéré. Peut-être le ras-le-bol d'exister, tout simplement ? Selon sa concierge, il disait souvent des choses comme : « Je déteste la société, parce qu'on n'y croit pas à la bonté morale » et encore : « Je ne vois plus, je n'entends plus, je ne me souviens plus ; je suis devenu complètement négatif ». (France Info, 25 avril 2017)
(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)
Samoyède
Il est de fait qu'en russe, le vocable « samoyède » signifie « il se mange lui-même ». On le trouve dans un récit de Tourgueniev, où il désigne, non pas comme on pourrait l'imaginer un moujik aux allures de catoblépas, amateur de borchtch et de kvass, mais une âme tourmentée, un maniaque de l'introspection qui se consume lui-même à force de s'analyser, et qui n'est pas sans évoquer de manière frappante le suicidé philosophique.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Souveraineté de l'inerte
Figé dans un immobilisme où être et non-être s'entremêlent, je reste, comme Ésope, ici, et me repose.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
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