dimanche 22 juillet 2018

Gloutonnerie philosophique


« Les philosophes, habitués qu'ils sont à manipuler des concepts équivoques, semblent ressentir un plaisir coupable à se rouler sur les ordures les plus sales et les plus fétides ; ils dévorent les aliments les plus dégoûtants, ils mangent de l'herbe, de la paille, du linge, de la laine, du tabac, des matières fécales ; ils boivent l'urine, l'eau des ruisseaux ; j'ai rencontré dans l'estomac d'un empiriste logique des fragments du linge qui avait fait partie de ses vêtements ; chez un autre, le cæcum était rempli, distendu par un tampon de paille qui avait déterminé une inflammation et la gangrène des membranes intestinales ; ils dévorent tout ce qui tombe sous leurs mains. Un nominaliste britannique à qui je donnais des abricots, les portait d'abord à sa bouche, mangeait la pulpe ; ne pouvant mordre dans les noyaux, il les avalait, comme il avait déjà avalé la pulpe du fruit. Il mangea ainsi neuf abricots de suite, et en eût mangé davantage, si je n'avais craint qu'il n'en fût malade. » (Jean-Étienne Esquirol, De la philosophie considérée sous le rapport médical, hygiénique, et médico-légal, 1838)

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

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