L'ours
Baloo prétend qu'il en faut peu pour être heureux. Il dit qu'il faut se
satisfaire du nécessaire : un peu d'eau fraîche et de verdure que nous
procure la nature, ce genre de choses. Mais ce n'était pas l'avis de
l'écrivain dadaïste Jacques Rigaut, qui se tira une balle dans le cœur
alors même que la propriété châtenaisienne du docteur Le Savoureux lui
offrait autant d'eau fraîche et de verdure qu'il pouvait en souhaiter.
Ce n'était pas non plus l'avis du philosophe Kierkegaard, qui se
plaignait sans cesse d'avoir une « écharde dans la chair » et désespérait
de jamais pouvoir faire le « saut de la foi ». Ni de Fernando Pessoa,
éternelle victime de « rhumatismes existentiels ».
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)