Selon
l'historien Robert Temple, le Chinois Ko Yu qui inventa la berouette
aurait mérité de s'appeler Kou Yu, « car pour inventer un truc pareil, il
faut en avoir ».
Au
Thibet, on adore une quantité de divinités plus ou moins loufoques
parmi lesquelles Yama, juge des morts et seigneur des enfers, dont les
emblèmes sont la tête de mort et — il fallait s'y attendre — le
phallus.
Dans
la vie, on peut se moquer de presque tout, mais pas de Blaise Pascal.
Il est l'être non-risible par excellence. Si, comme cela se raconte, il
avait inventé la berouette, il y aurait peut-être matière à
plaisanterie, mais ce n'est pas le cas. La berouette a été inventée en
Chine un siècle avant notre ère par un nommé Ko Yu.
Le
peintre Eugène Boudin était du genre obstiné. Il consacra vingt ans de
sa vie à essayer de mettre au point un dispositif combinant les
principes du scepticisme grec et ceux de la physique du vide pour
parvenir sans effort à l'acatalepsie, c'est-à-dire à l'état
d'incompréhension complète. Il pensait qu'ayant fait le vide dans sa
tête, il pourrait peindre des tableaux « aux pommes ». Mais il dut
finalement renoncer.
Tout
le monde parle de Démocrite, d'Épicure et de Lucrèce, les gens n'ont
que ces noms à la bouche, mais en réalité, c'est au cerveau échauffé de
Leucippe que le songe ridicule de la formation de l'univers par le
concours fortuit des atomes doit son existence. Lucrèce ! Nous vous en
foutrons de Lucrèce, nous, tuouaouar ! C'est quand même quelque chose,
ça ! Pots de pisse, avec votre con de Lucrèce !
Pour
fabriquer un onguent qui soulage les brûlures existentielles, Heidegger
dit qu'il faut mélanger de la fiente de cheval fraîche à de la graisse
de porc. On fricasse le mélange sur un feu modéré pendant environ un
quart d'heure, en remuant toujours avec une spatule, puis on l'exprime à
travers une forte toile. On laisse refroidir la colature, et l'onguent
est prêt. À défaut de graisse de porc, on peut utiliser de l'huile de
noix.
Le
monstre bipède n'a ni morale ni esthétique, par contre il boulotte tout
le temps. Si on le laissait faire, il n'hésiterait pas à dévorer des
bélougas, des narvals, des phoques et des restes d'animaux dont le chien
et le cheval. Il engloberait dans sa voracité solipèdes et fissipèdes,
le salop.
À
la fin de sa vie, Georges Ribemont-Dessaignes ne voyait plus,
n'entendait plus, ne se souvenait plus. Il était devenu complètement
négatif. Il disait à son valet de chambre : « Si la mort vient — vous
la reconnaîtrez facilement, elle a les yeux de la gonzesse à Pavese —,
vous lui direz que je n'y suis pas. »
Parfois,
on est pris d'un doute, on se demande si véritablement « rien n'est ».
Car il semble bien tout de même y avoir quelque chose : des cons. Et on
ne les a pas inventés, ceux-là — ou bien ?
Une
pierre, si elle était douée de conscience, serait convaincue qu'elle
tombe librement par terre, dit Spinoza. Et il a sûrement raison. Alors
ce n'est pas la peine de faire « jore » que vous jouissez du libre
arbitre, les pots de pisse ! On vous connaît ! On ne nous la fait pas !
Affreux ! Automates de Vaucanson !
Pauvre
Roger Gilbert-Lecomte, mort à trente-six ans du tétanos après une
longue période de détresse marquée par la misère et la drogue ! Il n'a
rien écrit de passionnant, mais ce n'est quand même pas une raison !
Il
y a quelque chose de profondément déplaisant dans cette chose que le
monstre bipède appelle « l'amour ». Il y a comme un relent de filouterie
et de bêtise. Toute cette affaire pue.
Terrible
situation que celle de l'homme. Il est agressé métaphysiquement par la
conscience de sa mortalité, et visuellement par les bonnes femmes à gros
fiak.
La
plupart des gens se contentent bêtement de vivre au lieu d'exprimer
sous une forme aphoristique le mal qu'ils pensent de la vie. Nous nous
demandons comment ils font. Mais peut-être ne pensent-ils pas de mal de
la vie ? Ce serait la meilleure.
Le
serpent a une grande signification chez Nietzsche, qui le nomme le plus
intelligent des animaux. Il joue également un rôle important dans la
Bible, où il se comporte en vrai petit fidgarce. Comme quoi on peut être
intelligent et un petit fidgarce (ou fidjarce).
Il
est vertigineux de penser que chacun possède parmi ses ancêtres un ou
plusieurs hommes préhistoriques. On pourrait croire que cela incite le
monstre bipède à une certaine modestie, mais ce serait mal le connaître.
Il fait au contraire comme si cette ascendance n'existait pas. Il a « l'homme préhistorique honteux ».
Pourquoi
les Bouddhas naissent-ils invariablement en Inde ? Pourquoi
obtiennent-ils tous leur rédemption au pied d'un arbre sacré ? Pourquoi
ont-ils tous trente-deux stigmates et cent huit signes à chaque pied ?
C'est formidable, ça !
Ce
n'est pas en laissant fondre des picarels dans la saumure que l'homme
trouvera des réponses à ses questions existentielles. Tout au plus
obtiendra-t-il un garum. Mais sera-t-il aussi bon que celui qu'on
goûtait chez le célèbre évêque de Montpellier, Guillaume Pellicier ?
Selon
Esquirol, les désespérés ont tendance à employer, pour exécuter leur
funeste dessein, l'instrument qui leur est le plus familier : les
coiffeurs se coupent la gorge avec le rasoir ; les cordonniers s'ouvrent
le ventre avec le tranchet ; les blanchisseuses s'empoisonnent avec la
potasse ; les philosophes utilisent le concept — plus spécifiquement
celui de saut — et se jettent par la fenêtre (Deleuze) ou dans un
volcan (Empédocle) ; et cætera.
Le
nihilique, sans l'aide d'aucun maître, est parvenu à la conclusion que « rien n'est », mais se trouve dans l'incapacité de communiquer son
illumination — à qui le pourrait-il puisqu'il n'y a personne ? Si on
voulait faire l'intéressant, on pourrait le comparer à un muet qui a
fait un rêve important, ou au rhinocéros qui marche solitaire dans les
forêts.
Aristote,
dans son Livre des animaux, dit que si l'on oint le cul d'un coq avec
de l'huile, il ne peut s'accoupler avec la poule. Maintenant, remplacez
le coq par Kierkegaard, la poule par Régine Olsen et l'huile par le « vertige du possible » ou par la « suspension téléologique de
l'éthique »... vous avez tous les ingrédients d'un drame.
Chez
les bouddhistes, Nagarjuna, le fondateur de l'école Madhyamaka, semble
avoir été obsédé par le besoin de nier. Alors que ses prédécesseurs
insistaient sur l'omniscience du Bouddha, lui disait que le Bouddha ne
savait « que tchi », qu'il n'aurait « même pas été foutu de retrouver un
éléphant dans un sac de farine ou son oncle dans une aérogare de
province ».