mercredi 28 août 2024

Phonématisation de l'étant existant

 

Nous avions des organes, des viscères et tout ce qui s'ensuit, et voilà-t-il pas que la mort nous dépouille de tout ça et nous transforme en un menu gravier phonématique ! Ba be bi bo bu !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Le coup du papillon

 

Les pots de pisse qui font « jore » de se demander s'ils sont un papillon rêvant qu'il est Tchouang-Tseu ou Tchouang-Tseu rêvant qu'il est un papillon, on a envie de leur donner les verges. Dans leur for intérieur, ils savent très bien qu'ils ne sont ni l'un ni l'autre, qu'ils ne sont que de vulgaires pots de pisse, mais que n'inventerait-on pas pour faire profond...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Unicité du Bouddha

 

« Hé ! Toi !
— Qui ça ? Moi ?
— Oui, toi. Il paraît que tu dis que le Bouddha est unique ?
— Euh... Ça se peut.
— Ouais ? Et le Talé-Lama de Lhassa ? Le Pandchan-Remboutchi de Djachi-Loumbo ? Le Tsong Kaba des Sifan ? Le Kaldan, le Tolon Noor, le Guison-Tamba du Grand-Kouren, les Houtouktou de Péking ? C'est quoi à ton avis ?
— Tous sont également Bouddha.
— Tu vois ! Tu vois ! Tu te contredis ! »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mardi 27 août 2024

Tribus des Mèdes

 

Faut-il croire Hérodote quand il dit que les Bouses sont une tribu des Mèdes ? Cela paraît presque trop beau pour être vrai. Les Boudiens et les Parétacènes, encore, à la limite...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Chez Fan Se-Yeng

 

Si le caractère vénéneux du réel se confirme, il va falloir trouver une solution. Il va falloir aller chez Fan Se-Yeng... Rue du Sage Immense, à Shanghai. Allez, au trot !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Littérature nocive

 

Quand on lit du René Char ou du Philippe Delerm — la gorgée de bière !!! —, le moins qu'on puisse dire est qu'on le sent passer. On éprouve des attaques convulsives pendant lesquelles la respiration est difficile et la sensibilité presque totalement abolie. La vue se perd, la pupille reste largement dilatée. La marche, la station debout même deviennent difficiles. L'amaigrissement fait des progrès rapides et l'on succombe bientôt dans le marasme.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Bernhardisme

 

La pipistrelle possède quatre dents incisives à la mâchoire de dessus et dix à la mâchoire de dessous, ce qui faisait dire à Thomas Bernhard que cet animal « incarne idéalement la crétinité catholico-national-socialiste ». Comme à l'accoutumée, le style de l'écrivain est ici marqué par les particularités du souffle d’un poitrinaire, se déployant selon un rythme effréné et haletant, avec heureusement des temps ici et là pour reprendre haleine.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

lundi 26 août 2024

Un antidote méconnu : la géologie du Cantal

 

Si Nerval, au lieu d'écrire des poëmes, s'était consacré à l'étude de la géologie du Cantal, il ne se serait pas suicidé. Quand on concentre son attention sur quelque chose de concret, par exemple les mollusques fossiles du terrain miocène inférieur du bassin d'Aurillac, on ne songe pas à se pendre.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Débonnaireté de l'animal

 

Pourquoi l'être humain est-il constamment ridicule quand l'animal ne l'est jamais ? Parce qu'il a des prétentions. Il fait l'important. Il fait « jore ». L'animal, lui, ne fait pas « jore ». Il ne cherche à impressionner personne. Il est à la bonne franquette. Surtout : il n'écrit pas de romans ni ne peint de tableaux de peinture.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pas la classe

 

Chaque vie est un roman, si on veut. Seulement ce roman peut être plus ou moins bien écrit. La nôtre, de vie, son style est parfois diffus, souvent négligé. Ce qui est sûr, c'est qu'il est inférieur à celui d'Hérodote. Il manque d'élévation, d'éclat. Certains jours, il est même inférieur à celui de Xénophon. En résumé, ce n'est pas trop la classe.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Grand Œuvre

 

Aux doubles-vécés, on éprouve un sentiment d'harmonie et de sainteté qu'aucune église n'est jamais parvenue à inspirer. On sent que le « Grand Œuvre » y est possible — pour peu qu'on prenne d'abord quelques cuillerées de jus de pruneau.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

dimanche 25 août 2024

Hors norme

 

Tant par sa physionomie que par son comportement, le suicidé philosophique s'affirme comme une curiosité parmi les humains, comme le kinkajou l'est parmi les bêtes carnivores.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

La vie seule

 

Pas besoin de radjaïdjah ni de gril : à elle seule, la vie se chargera de vous rendre maboul (et l'enfer c'est les autres, à ce qu'il paraît).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Exercices de ceci ou de cela

 

Schopenhauer en rajoute un peu. Sauf malchance exceptionnelle, la vie n'est pas l'exercice du pire, elle est plutôt l'exercice de l'emmerdant. Mais ce n'est déjà pas mal.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un bâtisseur infatigable

 

Sa pyramide à peine achevée, Guy, le frère de Jean Zay, entreprit de construire un sphinx. Ses parents trouvaient que ça commençait à prendre beaucoup de place, mais bon...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

samedi 24 août 2024

Misologos

 

Aristote ne plaisante pas avec le principe de contradiction. Il n'a pas de mots assez sévères pour ceux qui s'assoient dessus (genre Héraclite). Il dit que celui qui pose son gros fiak sur le principe de contradiction, même sans le faire exprès, est un contempteur de la raison — un « misologos ». On peut dire ce qu'on veut, ça dissuade.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

On s'en fout du pucheux

 

Celui qui dit que le pucheux est une grande cuiller en cuivre dont on se sert dans le raffinage du sucre pour puiser le sirop, celui-là est un type qui ramène sa fraise alors qu'on ne lui a rien demandé. Dans le raffinage du sucre, hein ? Pauvre con. Nous t'en foutrons de raffiner le sucre, nous, tuouaouar. Tu peux te le carrer dans le fiak, ton pucheux. Tuouaouar, qu'on te dit !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Oiseaux rares

 

En ce « monde de néant », on a plus de chances de rencontrer un chameau capable de passer par le chas d'une aiguille qu'une personne du sexe qui ne soit pas moralement dépravée. Ce sont d'ailleurs souvent les mêmes (le chameau et la bonne femme).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Faire l'arthropode

 

Quand on se fait engueuler comme du poisson pourri par une mégère difforme au faciès d'hippopotame, comment faut-il réagir ? Doit-on se rouler en spirale comme les iules ? Se contracter en boule comme les cloportes ? Se faire passer pour un fossile du Paléozoïque, comme font les trilobites ? Peu importe, à vrai dire : le tout est qu'elle ferme enfin sa gueule, cette grosse vache.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

vendredi 23 août 2024

Solitude du Grandiloque

 

Le négateur Émile Cioran reconnaissait : chez Ionesco, le crâne aigu de l'idiot ; chez Eliade, le masque proéminent de l'imbécile ; chez Michaux, les gestes saccadés du maniaque ; chez Beckett, le regard égaré du furieux. « Tu me croiras si tu veux, disait-il à Simone Boué, il n'y a que moi de normal dans cette bande d'ahuris. »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Dipsomanie polonaise

 

En Pologne, l'intempérance dans les boissons alcoolisées est portée à un tel excès qu'on ne voit rien de semblable dans aucun autre pays. Le philosophe Kołakowski dit que c'est à cause du « nulle part » d'Alfred Jarry ; que ça les a drôlement secoués, les Polacres.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Terrorisation fantasmée de l'autrui lévinassien

 

Si l'autrui lévinassien se rendait compte à quel point nous l'exécrons, il aurait peur de nous. Ce serait « aux pommes », comme les tableaux de peinture d'Eugène Boudin. Mais tu parles, il ne se rend compte de rien, le pot de pisse.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Conditions du désespoir

 

Pour s'adonner au désespoir métaphysique, il faut être en bonne santé et avoir du temps libre. Quand on a un pet de travers ou qu'on doit faire l'andouille pour vivre, ce n'est pas la peine. Dans ces cas-là, il vaut mieux espérer métaphysiquement — même si cela comporte aussi des risques.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

 

jeudi 22 août 2024

Pas de solstice pour le Dasein

 

À dire vrai, l'existence ne se compose réellement que de deux périodes, l'une ascendante, l'autre descendante, renfermées entre ces deux limites extrêmes que sont la naissance et la mort. Pourtant, rigoureusement parlant, il n'y a pas de solstice pour le Dasein. Car avant même de décliner, il est rongé par l'attente du déclin.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une idée glaçante

 

Matthiole dit que l'idée du Rien « répand autour des êtres qu'elle a saisis un froid glacial et y fait naître des palpitations ». Mais on le savait déjà, plus ou moins.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Indisposition de Ranieri Gerbi

 

En 1794, le docteur Ranieri Gerbi, professeur de mathématiques à Pise, dégobilla tout ce qu'il savait. Peut-être les bigorneaux ? Qui n'étaient pas frais ou quelque chose ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Nullité de tout

 

Avoir une vie est nul (car trop mesquin). Ne pas en avoir est nul aussi (on se fait caguer). Tout est nul.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mercredi 21 août 2024

Vengeance par identification

 

Parfois mais hélas pas très souvent, les affreux paient le prix de leur affreuseté. En juin 251, Dèce, le cruel Dèce, meurt percé de traits et enfoncé dans les boues d'un marais en compagnie de son fils aîné Herennius Etruscus. Maintenant, remplacez Dèce par la pochetée qui vous a trompé avec un garagiste de la Bourboule, remplacez Herrenius Etruscus par ledit garagiste : rien que d'y penser, oh là là !... Ça fait du bien.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Classification de Chœroboscus

 

Certains érudits se sont demandé s'ils devaient classer Georges Chœroboscus parmi les rhéteurs. Étant érudits, ils savaient forcément qu'ils allaient clamecer un jour, pourtant ils passaient leur temps à ce genre de bêtises. Au lieu de... je ne sais pas, moi.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)