samedi 11 octobre 2025

Cruauté gratuite du temps

 

Le temps est plus cruel que le cruel Dèce, plus féroce que le féroce Maximin. Les empereurs romains, on peut en dire ce qu'on veut, ils n'étaient certes pas tendres, mais ils ne s'amusaient pas à vous rendre presbyte ou calvitié, comme ça, juste pour rigoler.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

vendredi 10 octobre 2025

Métaphore fromagère

 

La vie est un morceau de gruère sans lame auquel manque le manche, où il ne reste que les trous.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Imitation de la pipistrelle

 

Comme le mérou et la pipistrelle, il faudrait savoir, de manière innée, habiter le silence.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Des aventures qui finissent mal

 

Le 21 novembre 1968, le négateur Émile Cioran essaie de réparer le lavabo de son appartement où il a constaté une fuite. Il y parvient mais se fait mal à la main. Il déclare : « C'est toujours de cette façon que finissent mes aventures de plombier. » Tout le tragique de la condition humaine est resserré dans cette phrase avec une force et un bonheur d'expression suprêmes. Oui, en vérité, c'est toujours de cette façon que finissent nos aventures de plombier.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Dissolution par le beau sexe


Ce qu'Eliade dit de l'ascèse, on peut le dire aussi bien de la femme : « Par elle, l'homme est dissous, réduit à un plasma amorphe où se débattent le désespoir et le néant. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

jeudi 9 octobre 2025

Con comme une souris

 

Le « traczir d'exister » n'est pas propre à l'homme, il affecte jusqu'aux plus infimes bestioles. Comme le note le Grandiloque des Carpates : « les animaux sont presque tous tristes, il n'y a guère que les souris qui paraissent gaies. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Pour ne plus souffrir


Rien d'important, ni en bien ni en mal, ne saurait arriver à l'autrui du philosophe Levinas, car peu nous chaut de cet affreux. Pour se rendre indifférent aux vicissitudes de l'existence, il suffit donc d'être à soi-même son propre autrui.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Panacée bouddhique

 

L'urine de vache était le seul remède dont les moines étaient autorisés à se servir dans les premières communautés bouddhiques. Il faut dire que l'urine de vache... ça vous requinque faut voir comme.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Seule chose à dire

 

Les gens se parlent mais ne se disent rien. Et que pourraient-ils se dire ? La seule chose intelligente qu'on puisse dire à quelqu'un, c'est : « Frère, il faut mourir. » Mais personne ne le dit car c'est un coup à se faire mal voir.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mercredi 8 octobre 2025

Un cas extrême

 

« Si haute était l'idée qu'il se faisait du suicide que tout lui paraissait pâle en comparaison, et chaque instant où il ne se tuait pas lui semblait d'une fadeur insupportable. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Mouche dans le lait

 

Il y a des écrivains qu'on aime et qu'on admire, mais on les aimerait et on les admirerait plus encore s'ils n'avaient pas démontré, en écrivant, qu'ils étaient possédés par l'ambition d'« être quelqu'un ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Antilogisme

 

Le « nihilique » est contradictoire. Il dit à la fois que « rien n'est » et que « tout pue ». C'est une façon de montrer son mépris pour la logique et les logiciens, depuis Aristote jusqu'à Łukasiewicz en passant par George Boole.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Penser à rien

 

Quand on croit ne penser à rien, on pense en réalité à des choses, par exemple au pappus, ce petit faisceau de poils qui surmonte certains akènes, notamment chez les astéracées, afin de permettre une dispersion optimale des graines par le vent. L'expérience est très facile à faire et peu onéreuse.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mardi 7 octobre 2025

Personne humaine

 

Qu'il est pénible d'être traité comme une « personne humaine », une personne à qui l'on demande si elle prend les vignettes, alors qu'on se sent complètement en dehors de tout ça !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Littérature et homicide de soi-même

 

Il est caïman impossible d'exprimer quelque chose de profond avec des mots. Par contre, avec un colt Frontier ou un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe... on signifie. C'est ce que finit par comprendre l'écrivain dadaïste Jacques Rigaut.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Boulevard ossements

 

Plus l'homme connaît la vie, plus il est sûr que sa vraie place est « au royaume muet des os en décomposition ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Libre arbitre

 

Quelqu'un qui soutient que le libre arbitre existe y est contraint par une force extérieure dont il n'est pas conscient. Et c'est évidemment la même chose pour celui qui soutient le contraire (à ceci près que lui en est conscient). Pour toutes ces raisons et compte tenu de ces faits saillants, il est inutile de discuter du libre arbitre ou de quoi que ce soit d'autre — surtout avec des imbéciles.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

lundi 6 octobre 2025

Vaudeville de la vieillesse

 

Vieillir, c'est assister au spectacle de sa propre déchéance, un spectacle riche en situations comiques et en quiproquos, un vaudeville, mais sans Jacques Balutin (sauf si l'on est soi-même Jacques Balutin).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Onctuosité du fatum

 

Tout ce qui évoque l'idée de fatalité a quelque chose d'enveloppant et d'onctueux, quelque chose qui rappelle un peu le yaourt bulgare.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Jouissance trapue

 

Si quelque chose peut donner le sentiment du devoir accompli, c'est bien l'homicide de soi-même. Mais pour en jouir, c'est un peu trapu.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Sale type

 

Si l'on pouvait lire la prose de Jean-Guy Floutier en oubliant que l'on est soi-même Jean-Guy Floutier, il est probable que l'on trouverait l'auteur fort déplaisant.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

dimanche 5 octobre 2025

Coup du chapeau

 
 
« Combien de fois, en pleine nuit, n'ai-je pas pris mon chapeau pour aller me tuer ! » écrit Cioran dans ses Cahiers. Et nous ne savons pas, mais cette histoire de chapeau... Quand on veut se tuer, c'est tout de même bizarre.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Momies

 

Les personnes qu'on a connues jeunes et qu'on retrouve après de longues années, on aimerait qu'elles montrent un peu plus de discrétion dans la décrépitude.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Berouette

 

« Car je ne tends qu'à connaître mon néant », écrit Blaise Pascal (pensée 372). Le même Blaise Pascal que certains considèrent comme l'inventeur de la « berouette » ! Comment un homme qui ne tend qu'à connaître son néant aurait-il pu inventer un engin aussi agressivement pratique que la « berouette » ? C'est impossible, voyons !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Ces exécrables bien-portants


Les gens qui vous disent qu'ils n'ont jamais été malades de leur vie, on prend sur soi, on ne les gifle pas, mais la conversation s'arrête là.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

samedi 4 octobre 2025

On-dit ?

 

Il paraît que quand le brouillard s'insinue dans une forêt, chaque arbre semble une prière figée. Mais c'est peut-être un « on-dit ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Salop de temps

 

D'après Nonnos de Panopolis, le dieu Chronos naquit du néant, ce qui aurait dû lui donner une certaine débonnaireté. Mais tu parles ! Le temps est le pire des salops !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Incompréhensible

 

Plus on les observe, plus on se convainc que les humains sont tous incurablement malheureux. Alors ? Pourquoi ne se tuent-ils pas ? Est-ce qu'ils essaient de prouver quelque chose ? Mais quoi ?
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Ratage universel

 

On se console d'être un raté quand on songe que ceux qui ne le sont pas... le sont tout autant — et ne le savent même pas.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)