« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mercredi 10 octobre 2018
À dérembourser
« Quand il s'agit de lutter contre la pensée de se détruire, on peut regarder comme inutiles et très souvent dangereux une foule de médicaments conseillés par les auteurs, dont les principaux sont : l'arnica, la cannelle, la serpentaire de Virginie, le simarouba, la racine de Colombo, la cascarille, le cachou, le ratanhia, le camphre, l'ammoniaque, l'élixir de Minsicht, etc, etc. On peut croire cependant que le ratanhia pourrait dans quelques cas combattre avantageusement l'hémorragie de la membrane muqueuse et la diarrhée. » (Louis-Charles Roche, Nouveaux éléments de pathologie médico-chirurgicale, J.-B. Baillière, Paris, 1833)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Cubisme nihilique
Que dire du Rien sinon son énigme même ? La pensée peut-elle faire autre chose que de laisser ouverte l'énigme du Rien ? Mais en maintenant ainsi béant le mystère du Rien, ne risque-t-on pas de le banaliser, de passer à côté de sa charge subversive, de ne voir en lui qu'une sorte de « construction cubiste » à la Brancusi ?
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
mardi 9 octobre 2018
Traitement de choc
« Clarus parle d'un homme dans la pachyméninge duquel, tous les deux ou trois mois, la pensée de se détruire se mettait à enfler puis à souffler en bourrasque. Le malade, pour échapper au désir obsédant de s'anéantir, se renfermait dans sa chambre, où personne n'entrait qu'une vieille gouvernante ; il se mettait au lit, faisait mettre auprès de lui quelques douzaines de bouteilles de vin rouge, et buvait jour et nuit jusqu'à ce que tout fût vide. L'accès se terminait par des vomissements répétés. » (Louis de La Berge, Édouard Monneret, Louis Fleury, Compendium de médecine pratique, Tome III, Bruxelles, Société encyclographique des sciences médicales, 1844)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Univers des possibles
Dans la théorie des probabilités, l'univers des possibles est défini comme l'ensemble de tous les résultats pouvant être obtenus au cours d'une expérience aléatoire, comme celle qui consiste à se jeter, ivre de cézannisme géométrique, dans un puits busé, ou encore celle où le patient s'allonge, dans un garage hermétiquement clos, sous une fourgonnette dont le moteur tourne.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Mèdes !
Selon Gragerfis, les Bouses étaient une tribu des Mèdes, et les Boudiens également.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Férocité inouïe de l'ami de la sagesse
« Les philosophes, lorsqu'ils ne peuvent plus supporter l'oisiveté et l'ennui de leur existence, se donnent le barbare plaisir de poursuivre un phénomène, de le réduire aux abois, de le faire passer par tous les degrés de la terreur et du désespoir, pour le faire enfin déchirer par des meutes de concepts, lorsqu'il ne peut plus ni se remuer ni se défendre, et qu'il n'a plus que des larmes et des palpitations douloureuses à opposer. » (Ligaturo Mazop der Saj, Le vice suprême, J.-B. Baillière, Paris, 1894)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Panacée
Selon Matthiole, l'idée du Rien « nettoie l'estomac de toutes les humeurs grasses et gluantes qui causent les indigestions ; tue les vers ; guérit toutes les coliques d'estomac et d'entrailles au bout de quelques minutes ; rend gai, soulage bien les hydropiques ; guérit les indigestions dans une heure de temps, ramollit le tympan aux sourds ; apaise pour quelques temps les douleurs d'une dent creuse ; purifie le sang, le fait circuler, et est un contre-poison parfait ; purge imperceptiblement et sans douleurs, et guérit toutes les fièvres intermittentes à la troisième dose. Elle a ceci d'admirable, ajoute l'auteur, qu'on peut en prendre une forte dose impunément, et qu'elle est utile à tout. »
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Oxygène
Morozzo, ayant mis plusieurs philosophes sous une cloche de verre qui plongeait dans l'eau, et qui fut remplie d'air atmosphérique, puis d'oxygène, remarqua que ces « amis de la sagesse » vivaient moins longtemps dans l'air ordinaire que dans l'air vital, parce qu'ils en épuisaient plus tôt, en produisant leurs concepts, la partie respirable !
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Une cure efficace
Un homme de quarante ans, d'un tempérament sec et mélancolique, était atteint depuis longtemps d'une tristesse profonde qu'il chercha vainement à combattre par une multitude de moyens. Il se résolut finalement à prendre du taupicide en infusion légère dans de la bière, et après neuf jours de traitement, la maladie se dissipa et le malade avec.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Honnêteté intellectuelle
Plutôt que de bâtir un système, et de donner, comme l'ont fait souvent Follard, Guischardt et Maiseroy à propos de poliorcétique, ses conjectures pour des preuves, le suicidé philosophique préfère avouer franchement son ignorance sur les choses qu'il ne peut comprendre — la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, l'haeccéité — et en tirer les conséquences dernières en se se mettant un nœud coulant autour du cou avec une ficelle qu'il a attachée au portique d'entrée du potager.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Idéalisme rayonnant
« Les idéalistes allemands sont des philosophes mous, gélatineux, urticants, de forme rayonnée, n'ayant jamais de cavité viscérale ni de vaisseaux, mais de simples canaux pour la circulation des concepts, qui partent d'une cavité centrale — la "pachyméninge" — pour rayonner vers la circonférence. » (Georges Louis Duvernoy, Leçons sur l'histoire naturelle des corps organisés, Crochard, Paris, 1839)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
lundi 8 octobre 2018
dimanche 7 octobre 2018
Décolorimétrie
Certaines recherches ont montré que l'ampélite graphique de Valeville (près de Cherbourg) et le schiste bitumineux de Monte-Viale (aux environs de Vicence) n'agissent pas sur la matière colorante du sucre brut. Ceci distingue ces minéraux de l'idée du Rien qui, elle, a le pouvoir de décolorer toute chose et laisse le « fétide et rébarbatif réel » complètement livide.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Repullulation du Moi
« On appelle Moi une excroissance du Dasein, dont le caractère le plus marqué est de repulluler avec une grande activité quand on ne l'a détruite qu'en partie. Cette sorte de fongus est particulièrement commune chez les personnes qui s'occupent de philosophie. » (Louis Charles Roche, Éléments de pathologie médico-chirurgicale, J.-B. Baillière, Paris, 1828)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Viandes
Dans son Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même, Bossuet définit la bouche « l'ouverture par où entrent les viandes, et par où sortent les paroles ». Quant à la langue, il note que « c'est par elle qu'on goûte les viandes ». Pourquoi cette singulière obsession des viandes ? Est-ce une façon de se distinguer de son concurrent Fléchier au style plus coulant, plus arrondi, et pour tout dire plus végétarien ?
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Un ennemi tenace
Certains individus superficiels ont cru pouvoir fuir leur Moi et son odiosité en quittant la ville, pour aller en Suisse, en Italie, aux eaux ou aux bains de mer. Durant un temps variable, ils sont tranquilles ; mais ce calme n'est que passager : leur ennemi secret ne tarde pas à retrouver leur trace, et le bourrellement recommence.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Ressemblance trompeuse
Bonnani affirme — mais peut-on croire tout ce qu'il dit ? — que la réalité empirique ressemble à des viscères de poissons. C'est cette ressemblance, dit-il encore, qui l'a fait prendre par beaucoup de personnes pour des intestins de poissons qui auraient été durcis par quelque matière pétrifiante.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Apothéose
Le suicide comme aboutissement du dilettantisme rienesque, comme dernière fantaisie de l'esprit excédé.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Apparition fatale
L'idée du Rien paraît, et voici que tout s'effondre, les états de conscience disparaissent et la « réalité empirique » s'anéantit dans une rémoulade qui ressemble à l'« être logique » des idéalistes allemands. Le sujet pensant en vient à nier le noumène, et sombre bientôt dans le solipsisme de Fichte dont aucune puissance ne pourra plus le tirer.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Débâcle existentielle
Si quelque chose est capable de nous donner une idée de notre faiblesse, c'est bien l'état où nous nous trouvons quand l'excrément « fait sa tête de mule » et s'arc-boute dans le côlon. Incapable de faire aucun usage de son organe culier, le constipé a besoin de secours de toute espèce. Sa vie incertaine et chancelante paraît devoir finir à chaque instant. À peine a-t-il la force nécessaire pour exister, et pour annoncer par des gémissements dignes du prophète Jérémie les souffrances qu'il éprouve.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Requinquant
Sylvius et plusieurs autres observateurs ont remarqué que les bœufs qui, pendant l'hiver, sont affectés de concrétions biliaires, se guérissent au printemps en mangeant les feuilles et les tiges de chiendent dans les pâturages. De même, il n'est pas rare que des individus qui, pendant l'hiver, sont subjugués par la pensée de se détruire, se guérissent au printemps en mangeant des pâtés lorrains 1 ou du clafoutis.
1. Les pâtés lorrains renferment, dans une enveloppe de pâte feuilletée croustillante à souhait, une farce à base de porc mariné.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
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