« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mardi 6 novembre 2018
Hospitalisation du Moi
Le 8 mars 1861, le Moi entre à l'Hôtel-Dieu de Rouen, salle 19, lit n° 2 (service de M. Lendet). Il ne se rappelle aucune maladie grave antérieure mais porte des traces de variole. Il y a neuf mois, étant à Paris, il sentit tout à coup ses jambes plus faibles. À la maison centrale de Bonne-Nouvelle, où il fut ensuite détenu, il eut des tiraillements d'épaule ; en serrant les chaussons qu'il fabriquait, il ressentait parfois des douleurs assez vives. Il y a dix jours, il s'est mis à éprouver des douleurs affreuses dans le bas des reins, spécialement dans la région splénique. Il avait un fort échauffement et criait en allant à la selle. On voulut le faire marcher, mais il jeta des cris et n'y put parvenir. Depuis son entrée à l'hôpital, l'état général ne s'est pas sensiblement modifié ; il a eu seulement la diarrhée, mais elle l'a quitté. Il a eu aussi des étourdissements qui le prenaient même dans son lit. Il n'a pas d'appétit et refuse de lire les idéalistes allemands.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Primitif
Un homme qui n'a jamais envisagé de se détruire ne peut être qu'un homme aveugle, ou bien un homme qui n'a pas une « vie intérieure » bien développée. — C'est un primitif.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Choucroute relative
Je rêve d'un monde où l'on se tuerait pour un lardon de choucroute relative.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Crime et châtiment
On sait que Sigismond, excité par les accusations perfides de sa seconde épouse et se laissant aller aux conseils de cette « mégère au mufle d'hippopotame » (Gragerfis), devint un cruel parricide. Mais ce que l'on sait moins, c'est que le roi des Burgondes s'humilia ensuite à Agaune, sous la cendre et le cilice, conjurant le ciel de tirer vengeance en ce monde du mal qu'il avait fait, et de n'en pas réserver la punition après cette vie. Dieu exauça le roi pénitent et lui envoya des disgrâces innombrables, ajoutant encore à celles que réserve la terrible haeccéité.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
lundi 5 novembre 2018
Style
Sénèque reprochait à Cicéron un style « lent dans le début, qui semble aller en pente, qui se termine avec mollesse, et qui n'offre point de variété ». Mais ne peut-on en dire autant de l'existence ?
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Satyre
Le mot satyre — thaumaturgie du mot ! — désigne à la fois un demi-dieu rustique, un homme cynique et débauché, et un genre d'insectes lépidoptères rhopalocères.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Hydre
Dans toute la littérature, la meilleure description du Moi est sans doute celle que donne Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain : « un ulcère rongeant, fistuleux et rempli de carnosités sans cesse repullulantes ». L'auteur ajoute que le Moi évoque « cette hydre de la mythologie grecque dont Hercule, disciple de l'habile centaure Chiron, parvint à délivrer les infortunés habitants de Lerne ».
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Dix-neuf ans. Surdité. Amour contrarié. Haeccéité.
« Le sang ruisselait de tous côtés. La cavité du crâne était presque complètement vide ; une partie du cerveau adhérait au plancher et l'autre portion plus considérable s'étalait sur le sol. » (Jean-Baptiste Cazauvieilh, Du suicide, de l'aliénation mentale et des crimes contre les personnes, comparés dans leurs rapports réciproques, J.-B. Baillière, Paris, 1840, p. 137)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Inconcevable
Quand on demanda au législateur d'Athènes pourquoi exactement il n'avait pas fait de loi contre ce volucre — l'épervier — il répondit qu'il ne croyait pas ce crime possible.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Les deux fonctions de l'idée du Rien
L'idée du Rien remplit deux rôles principaux à l'égard des nihiliques : elle leur sert d'assiette et concourt à leur nutrition. Mais en raison du peu d'exigence de l'homme du nihil en matière de substances inorganiques assimilables, on peut dire que la première fonction est bien plus importante que la seconde.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Rites funéraires des Égyptiens
Faire couler le cerveau par les narines à l'aide d'un ferrement approprié, n'est-ce pas là le rêve de tout homme que sa pachyméninge tyrannise ?
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Malchance d'Olybrius
En 472, Ricimer, général de l'Empire romain d'Occident, entre en conflit ouvert avec le nouvel empereur Anthémius. Contre lui, il appelle alors Olybrius, qui bénéficie d'une certaine légitimité comme ancien gendre de Valentinien III, et dispose de l'appui de la classe sénatoriale et du roi des Vandales Genséric.
Olybrius débarque en Italie et est proclamé empereur devant Rome assiégée en avril 472. Mais une fois liquidé Anthémius, Ricimer, qui commandait l'armée d'Italie, décède en août 472. Olybrius quant à lui n'a pas le temps de régner : il décède à son tour en octobre 472.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Présence contradictoire
On considère le « Suisse » que l'on vient d'expulser, et il en résulte toujours une stupeur philosophique. Je suis dans ce « Suisse », et je n'y suis pas. Il est moi et non-moi. — On désire une analyse délicate de ceci.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
dimanche 4 novembre 2018
Vrai refuge
Il y a dans la pensée de l'homicide de soi-même quelque chose de gracieux et de doux qui, dans les jours de malheur, nous vient en aide et nous fait supporter l'adversité avec résignation et courage. ― L'amitié ?... vain mot. L'amour ?... dérision cruelle. Mais le Rien que dispense un colt Frontier ou un flacon de taupicide ! Voilà le vrai refuge !
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Manque d'ambition ?
Je pratique un genre méprisé : le vocable 1.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
1. Il s'agit sans doute du vocable « reginglette ». (Note de l'éditeur.)
Mille et unième façon de s'oublier
Suivre à la trace les idées de Salluste, les étiqueter et les classer constitue une tâche que beaucoup ont trouvée absorbante.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Régénération compensatoire
De multiples expériences menées par les savant modernes l'ont montré : après une joie passagère, le dégoût d'exister de l'homme du nihil se reconstitue « aussi vite que la tête d'une hydre d'eau douce après qu'on l'a sectionnée » (Higgins et Anderson, 1931).
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Sarisses (page de journal)
28 novembre. — Théophraste, dans son Historia Plantarum, indique une longueur de 18 « cubes » soit un peu moins de six mètres, pour les sarisses des phalanges séleucide et ptolémaïque. Cependant, son texte signale que sous Alexandre, les sarisses étaient plus courtes. Arrien de Nicomédie, quant à lui, leur donne 4,9 mètres, et Asclépiodote estime que la taille de la sarisse fluctuait entre 4,6 et 5,5 mètres au IV e siècle avant Jésus-Christ. — La connaissance ? Un terrain mou, marécageux, et plein de roseaux.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Scintillement dans les ténèbres
La pensée de se détruire qui allège et mobilise le suicidé philosophique, l'haeccéité qui l'épaissit, composent par leur alternance infiniment rapide un vrai mouvement vibratoire et font papilloter et scintiller la suave idée du Rien.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Initiation
Pointant son index osseux d'herméneute, l'idée du Rien initie l'homme à des scènes essentielles : René Crevel se suicidant au gaz dans son appartement parisien, Leopoldo Lugones ingérant un mélange de cyanure et de whisky, Nicolas De Staël se jetant par la fenêtre de son atelier d'Antibes, Paul Celan plongeant dans la Seine les poches lestées de cailloux, etc., ainsi que fait le centaure Chiron dans l'éducation d'Achille.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Un hardi pionnier
À notre connaissance, Sanctius est le premier à avoir classé l'hypallage parmi les tropes.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Nerfs
L'idée du Rien, malgré ses extraordinaires propriétés antipyrétiques et analgésiques, s'avère impuissante à protéger l'homme du nihil contre l'angoisse d'exister. — « Ici s'ouvre le procès du système nerveux », dirait le penseur mondain Paul Valéry.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
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