Si
vous voulez faire « jore » que vous êtes cultivé, dites que telle ou
telle chose vous rappelle la scène, dans Tite-Live, entre Tullus
Hostilius et le fécial. Peu importe la chose.
Si
quelqu'un s'était avisé de porter l'idée du Rien chez les Sicambres ou
chez les Daces, il est probable qu'elle eût amolli les cœurs endurcis de
ces peuples barbares et qu'ils se fussent mis à écrire des aphorismes
au lieu d'envahir leurs voisins. Seulement voilà, personne ne s'en est
donné la peine. Alors après, il ne faut pas s'étonner.
À
peine avez-vous l'iléon obturé par une boule fécale concrète du volume
d'une grosse noix, qu'aussitôt la poésie de Marcel Béalu vous semble
sans saveur et presque vaine.
La
constipation peut conduire le sujet pensant à élaborer en son for
intérieur des saucissons ayant une consistance uniforme de mortier
épais. Mais ce n'est pas pour autant qu'il va renoncer à sa quête du
beau et du sublime. Peut-être même le contraire !
L'idéal
serait de pouvoir se fabriquer des souvenirs de moments agréables sans
avoir à vivre les moments en question. Car vivre des moments, il n'y a
pas plus assommant.
Évacuer
sciemment les paysages urbains comme le fait Thomas Mann dans Mort à
Venise est une riche idée, mais ce n'est pas au profit du Lido — cette
île improbable entre mer et lagune — qu'il faut le faire ; c'est à
celui du Rien.
La
pensée que « rien n'est », il serait exagéré de dire qu'elle console,
mais elle est d'une saveur douce, légèrement aromatique, qui n'est pas
sans rappeler le goût des culs d'artichaut. Elle est, pour l'esprit, un
aliment agréable et substantiel.
Ne
pas se tuer, c'est accepter de finir comme Vitellius : traîné dans le
Tibre avec un crochet — de vieillir, autrement dit — de devenir un « vieux jeton ». Et que je te traîne, et que je te traîne... Ça fait mal,
merde !
Les
Passalorynchites, appelés aussi Tascodrugites ou Phrygiastes, étaient
une secte d'hérétiques du IIe siècle qui, prenant à la lettre le psaume 140 — « Mettez, Seigneur, une garde à ma bouche, et une porte de
circonspection à mes lèvres » —, estimaient qu'un vrai chrétien devait
toujours garder le silence. Pour s'assurer de ne pas parler, ils se
mettaient un doigt dans le nez ou, pour les plus radicaux, dans le fiak.
La
solitude est un endroit — si on peut appeler ça un endroit — qui ne
ressemble ni à la Louisiane ni à l'Italie. Ça ressemblerait plutôt à
Maubeuge ou à Nœux-les-Mines. Mais il faut bien habiter quelque part, et
pour nous justement, c'est là.
Gaber
(de Turin), emprisonnant un philosophe dans une vessie qu'il exposa à
une température de 32°, crut voir du concept suinter à travers la
membrane. Brugmann, reproduisant cette expérience, put confirmer
l'intuition de Gaber et montra que la matière du concept était analogue
non pas avec l'albumine mais avec... la gélatine !
En
Pologne, c'est-à-dire nulle part, la version familière du prénom
Zbigniou est Zbyszek qui se prononce Zbéchèque. — « Zbéchèque, tu veux
un autre piérougue ? »
Le
plus affligeant, dans ce « monde de néant », ce n'est même pas que tout y
soit minable — le minable, c'est comme tout, on s'y habitue. Non, le
plus affligeant, c'est qu'il se trouve des gens pour se pâmer devant ce
minable et le trouver « sublime ». Ô dérision !
« Engagé
volontaire Baleine ! Quand Tite-Live appelle Annibal “le Carthaginois” — “le Carthaginois, dit-il, avait un grand nombre d'hommes” —, il
use d'une antonomase. Compris ? S'il avait dit qu'Annibal portait un
caudebec, il aurait employé une métonymie. Tu m'entends, Baleine ? »
Il
existe au moins deux raisons de préférer le salami de Maupassant —
qui retrace l'ascension sociale d'un manipulateur sans scrupules — à
la salade de museau à la vinaigrette de Flaubert : il est plus digeste
et plus riche en « oméga 3 ».
Dans
Crime et châtiment, le personnage de Marmeladov sert à montrer que
l'existence humaine est pleine de trous par où s'échappe... la vie,
justement. Bien sûr, on peut avec du beurre... les trous : on peut bien
les boucher. Mais ça ne sert à rien ; c'est un leurre. Car la vie coule
par les côtés !
Kafka,
Van Gogh et Jacques Rigaut sont devenus des instruments permettant à
certaines personnes sans scrupules de jouer les « Dark Sasuke » à peu de
frais. Pauvre Kafka ! Pauvre Van Gogh ! Pauvre Rigaut ! Sans être
forcément très doués, ils méritaient mieux que ça.
Chez
les Kalmouks, le lait fraisé s'appelle ussoun ; le lait de vache
aigri, airak ; la première eau-de-vie obtenue par la distillation du
lait, arki ; la seconde, dang ; la troisième, arza ; la
quatrième, khortsa ; la cinquième, chingtsa ; la sixième, dingtsa. Tel
est le goût des liqueurs fortes chez le monstre bipède qu'il soumet le
lait jusqu'à six distillations successives !
Il
n'y a pas de chants désespérés. Quand on est désespéré, on ne chante
pas ; on a « autre chose à penser ». Les énergumènes qui braillent des
chants désespérés font « jore » d'être désespérés, mais ils ne le sont
nullement. Et le pire, c'est que le poëte Alfred de Musset est tombé
dans le panneau. Maintenant, tout le monde croit qu'il y a des chants
désespérés, à cause de ce couillon.
« Quand
il ne raconte pas qu'il a voulu se jeter à l'eau à l'étang de Soustons,
l'homme Cioran est plaisant. Mais a-t-on idée d'écrire des livres aussi
scrogneugneu !... » — C'est en ces termes qu'au Cluny — ou était-ce
au Sélect ? —, un ami peu clément rossait le négateur (s'il faut en
croire Roland Jaccard).
Ô
Pachacamac, puissant astre du jour, toi qui as fait le monde, toi le
dieu qui l'anime, frappe ce Delerm et sa gorgée de bière de tes rayons
vengeurs ! Ce type est un vrai lavement, parole !
Les
pots de pisse tels que ce Falorni qui parlent de « transcender les
clivages », nous allons les enfermer dans un réceptacle, tout le corps
sauf la tête, les mains et les pieds, puis les nourrir de lait, de miel
et de choux-fleurs à la merde. Les insectes friands de déchets ne
tarderont pas à proliférer autour et à l'intérieur de ces scélérats. La
prochaine fois (s'il y a une prochaine fois), il diront : « surmonter les
désaccords ».