vendredi 20 mai 2022

Mantra

 

Pour conjurer le chaos et dompter « l'imbécile rébellion des choses », on n'a rien fait de mieux que le vocable reginglette. Mais pour qu'il montre son efficace, vu l'obtuse résistance du « fétide et rébarbatif réel », il faut le répéter un grand nombre de fois — en soi-même si l'on ne veut pas passer pour « bizarre ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Paralogisme

 

Non seulement on n'est pas sincère quand on soutient que manger des « choux-fleurs à la merdre » est préférable à être, mais on n'est pas logique non plus, car pour manger des « choux-fleurs à la merdre », il faut d'abord être.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 19 mai 2022

Un « mec balaise »

 

Être est à la portée de tout le monde. Ne pas être est déjà plus difficile. Mais passer sans cesse de l'un à l'autre comme fait l'homme du nihil, voilà le véritable « grand art ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Aux grands maux

 

Si l'on excepte le subterfuge quelque peu ridicule de la « moumoute » ainsi que les fastidieux « implants capillaires », il n'y a contre l'alopécie qu'un moyen de défense connu : l'homicide de soi-même.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Routine

 

On se lasse de tout, même de médire du réel — surtout quand on constate que ça ne lui fait ni chaud ni froid. Mais on continue quand même, « parce qu'il le vaut bien » — et que ça soulage un tant soit peu.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Hindouisme impossible

 

Malgré son bon vouloir et son désir de libérer son âme, par le moksha, du cycle des renaissances, il fut impossible à l'homme du nihil d'adhérer à une doctrine comportant des divinités au nom aussi absurdement grotesque que Prajapati.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Degré zéro de la sociabilité

 

Chaque fois qu'il exprime en public son sentiment de l'existence, l'homme du nihil passe pour un monstre ou un « azimuté » et fait le vide autour de lui. Mais il s'en moque, et même, selon ses propres termes, il s'en « tamponne le coquillard ». Si ces affreux en valaient la peine, il pourrait leur dire, citant Fu Shan : « Plutôt que d'être habile, gracieux, léger et convenu, je préfère être gauche, déplaisant, décousu, mais vrai. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Vanité des vanités

 

Pourquoi chercher un sens à quoi que ce soit, puisque de toute façon... ON VA TOUS MOURIR ! AAAAAAAH !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 18 mai 2022

Aux chiottes la science

 

Le monstre bipède, qui ne craint rien tant que l'incertitude, s'est peu à peu enivré de postulats, d'axiomes et de preuves. La « science » fait sa fierté en lui donnant l'illusion de pouvoir maîtriser son destin. Mais l'homme du nihil n'est pas dupe. La seule science qui lui agrée et dont il possède à fond les principes est la « térébrante thermodynamique du Rien ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Ô solitaire Puvis

 

Celui qui rêve de l'infini infundibuliforme est un « incinéré vivant ». Le réel est sa sépulture cinéraire, son ineffable cavurne.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Agueusie sélective

 

On peut lire dans les Analectes que Confucius, comme il écoutait l'exécution d'une pièce de musique ancienne (l'Hymne du couronnement de Chouenn), fut pris d'une émotion si intense « qu'il en oublia le goût de la viande pendant trois mois ». Qu'un émoi artistique puisse provoquer une perte momentanée du goût, cela peut encore se concevoir, mais pourquoi spécialement de la viande ? En vérité, ce que montre cette histoire d'agueusie sélective est que les voies du pachynihil sont impénétrables.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'ivresse de fouir

 

L'homme du nihil a mis au point une formule efficace pour supporter sans trop de peine l'écoulement du temps : il creuse des galeries. Pas dans le bois mort du vocable, non, mais dans la terre, comme une taupe ! Il fouit !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Cet emmanché de Godot

 

La patience est une qualité qui fait absolument défaut au nihilique. C'est pourtant celle dont il doit faire preuve jour après jour puisque sa vie se résume à une longue attente (de quoi ?) et qu'on n'y rencontre pas plus d'événements qu'il n'y a — en général — de beurre au prose.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 16 mai 2022

Précarité du Moi

 

Un imperceptible affolement dans les milliards de cellules qui peuplent le cerveau, et notre Moi nous échappe. Pour peu qu'un autre le remplace, nous voilà Napoléon ou le « pape François » !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

À la portée des caniches

 

Même une personne peu instruite est capable de comprendre que le Rien est synonyme de repos. En témoigne le succès, du haut en bas de l'« échelle sociale », de l'homicide de soi-même (par ingestion de taupicide ou autrement).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 15 mai 2022

Rédemption par le taupicide

 

L'homme du nihil n'a jamais compris pourquoi l'Église condamne l'homicide de soi-même alors que tout laisse à penser que c'est Dieu lui-même qui a envoyé à l'homme le taupicide pour lui permettre de se racheter du péché d'exister.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Monotonie du Rien

 

Les jours du nihilique s'écoulent monotones comme une litanie de cailloux.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Bon débarras

 

Peut-être, à l'instant de « décéder », l'homme du nihil regrettera-t-il la douceur des soirs à Saint-Clément, quand les souffles légers portent l'odeur des foins et le parfum miellé des clématites. Mais il y a une chose de ce « monde de néant » qu'à coup sûr il ne regrettera pas : c'est l'homme (le « monstre bipède »).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Hypocrisie du monstre bipède

 

L'homme du nihil en a fait la remarque à maintes reprises : le monstre bipède est à la fois « faux comme un jeton » et « franc comme un âne qui recule ». Puisqu'il en est ainsi, pourquoi avoir pris la peine de donner un nom à cette qualité introuvable qui s'appelle la sincérité ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Parler aux oiseaux

 

« Au Jardin des Plantes, j'ai regardé longuement un flamant rose qui, dans sa cage, allait et venait le long du mur, parcourant à quelques centimètres près la même distance, c'est-à-dire au maximum deux mètres. Ayant en horreur les volucres — et tout particulièrement ceux qui marchent de façon monotone —, je l'ai traité de “salop” mais il a continué comme si de rien n'était. Je l'ai alors traité de “nerf sciatique” et il a arrêté. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 14 mai 2022

Blague dans le coin

 

Si l'on demandait à l'homme du nihil pourquoi il ne s'est pas encore tué, il répondrait probablement que c'est par apathie, par horreur de l'action. Il pourrait ajouter, après Cioran, que n'ayant aucune raison de vivre, il n'en a pas plus de mourir. Mais il ne le fera pas, car contrairement au satiriste roumain, il déteste les « mots ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Avoir une vie

 

Il serait consolant, au moment de « décéder », de pouvoir se dire qu'on a tout de même eu, dans quelque mesure, une « vie ». Mais on peut s'agiter dans tous les sens, on peut écrire Guerre et Paix, découvrir le bacille de Koch ou descendre l'Indus et le Brahmapoutre en pirogue, rien n'y fait. Il est tout simplement impossible d'avoir une « vie ». Il n'y a pas plus de « vie » que de beurre dans le placard. Il n'y a que des cochonneries répugnantes de bêtise. Oh, bon Dieu !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Vers le Rien

 

Le 23 août à trois heures du matin, l'homme du nihil décide de mettre fin à sa pondéreuse existence. Il écrit : « Je puis assurer que l'initié le plus dévot à Cérès n'a jamais éprouvé un transport aussi vif que le mien... Je m'avance vers le Rien avec une espèce de plaisir qui m'ôte le pouvoir de la réflexion. » — Combien d'autres ont, par la suite, éprouvé la même émotion ! 1

1. C'est le cas par exemple de l'écrivain ex-dadaïste René Crevel.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Aveuglement salutaire

 

S'il était donné au monstre bipède de contempler en face les horreurs de l'existence — la maladie, la vieillesse, la mort, le philosophe Michel Serres —, il deviendrait fou de terreur. Heureusement, la « civilisation » dissimule ces abominations derrière les murs épais de la logique formelle, ce qui évite au monstre bipède le risque de « mal délirer » et lui permet de donner libre cours en toute ingénuité à son tempérament festif.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Crise de kakon

 

De longues explorations dans les diverticules de la réalité empirique ont permis à l'homme du nihil d'acquérir cette douloureuse certitude : dans le réel, tout est faux. Le monde n'est qu'une collection de simulacres. L'idéalisme allemand, le temps, les phénomènes, les organes, les voyages, la permaculture, Héraclite, Spinoza, Hegel, les « lieux de culture », tout. Sa conclusion ? Aux chiottes ! Aux doubles-vécés ! Pour qui nous prend-on, à la fin ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 13 mai 2022

Ultimatum

 

« Abjure ! Renonce à l'idée du Rien !
— Sinon ? »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Lieux de culture

 

L'homme du nihil ne fréquente pas les « lieux de culture ». Il n'a jamais aimé les « lieux de culture ». Il va même jusqu'à dire qu'il se les colle au prose, les « lieux de culture ». Jusqu'ici, la culture ne lui a apporté que des ennuis. Il aurait de beaucoup préféré être un « homme préhistorique » (comme les ancêtres de l'écrivain pragois Franz Kafka).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Aux chiottes Épicure

 

Il n'y a pas de « carpe diem » possible pour celui qui sait qu'il va clamecer. Je t'en foutrai du « carpe diem », moi, tuouaouar. Salop !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 12 mai 2022

Saumure philosophique

 

« Nouvelle tentative de lire du Spinoza, vite abandonnée. Comme d'habitude, à la place du cerveau, sensation d'un bocal de cornichons. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)