samedi 10 septembre 2022

Pastèque cinabarine

 

On peut choisir, par goût de l'exotisme, d'écrire une œuvre en forme de pastèque. Tout n'est-il pas louable, en un sens ? Mais il y a le problème des pépins. Ceux-ci, riches en fibres, contribuent au bon fonctionnement du tube digestif, aident à réguler la flore intestinale et, pris en grande quantité, ont un effet laxatif, mais ils nuisent en général à la fluidité de l'ouvrage.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Promenade automnale

 

Si le nihilique ne pavoise pas, s'il ne mange pas de pain d'épice ni de kouglof, s'il ne pousse pas de cris de liesse pour célébrer son passage dans le Disney World de l'existence, c'est parce qu'il n'est pas aveugle et qu'il voit bien que sa vie, malgré tous ses efforts pour être « festif », n'aura été qu'une longue et ennuyeuse « promenade automnale de l'inexploité ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Folie des grandeurs

 

Le temps, l'espace, la vie, qui sommes-nous pour oser en user de la sorte ? Dirait-on pas que le monstre bipède se prend pour la reine d'Angleterre ? Un peu de modestie, monstre bipède !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Géométrie nihilique

 

Oui, le prisme est un polyèdre à deux bases parallèles et dont les faces sont des parallélogrammes.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 9 septembre 2022

Décence des hippocastanacées

 

Les hippocastanacées (marronniers d'Inde, paviers, etc.) ont une dignité que l'homme ne possède pas. Ils ne produisent pas de concepts ni de « pensées profondes », et échappent ainsi au ridicule.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Rumeur et contre-rumeur

 

Récemment, une rumeur a couru selon laquelle le réel serait tératogène. Puis une contre-rumeur a prétendu le contraire. La vérité est qu'il l'est bel et bien — et il suffit de sortir dans la rue pour s'en convaincre. Les monstres pullulent. Ils sont là. Ils sont dans les campagnes. Ils sont dans les villes. Comme Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau, ils sont partout !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Membrane pyrophorique

 

On a longtemps cru que les choses (c'est-à-dire les réalités concrètes ou abstraites perçues ou concevables comme des objets uniques) étaient recouvertes d'une membrane pyrophorique, du fait qu'elles paraissaient s'enflammer spontanément à l'air ou donner des étincelles par léger frottement. Mais les savants d'aujourd'hui estiment plutôt que c'est le crépuscule aux paupières flavescentes (comme celles d'un brasier) qui produit cet effet trompeur.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pour en finir avec le monde

 

Avec une bonne hache et un peu d'entraînement, on pourrait peut-être trancher le monde en deux coupoles visqueuses d'où s'échapperait une sorte de gélatine rouge ? Et peut-être, mue par la force de gravité, cette gélatine coulerait-elle jusqu'aux pierres froides du couvent ? — Non, tout cela n'a pas de sens, il n'y a pas de couvent, et puis il faudrait se procurer une hache, il vaut mieux laisser tomber et réfléchir à un autre plan.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 8 septembre 2022

Capucine amicale

 

La place du nihilique n'est pas parmi les hommes. Il n'appartient pas à ce monde. Il s'y sent comme une capucine amicale au milieu d'un champ de primevères.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Meurtre phantasmé de Perec

 

Parfois, pas très souvent, le nihilique rêve de noyer l'écrivain Georges Perec dans une bassine de matière plastique rose. Son côté hircin l'a toujours irrité (la petite barbiche). Et il fait un peu trop « monsieur le malin ». Oui, enfin... ça ou autre chose...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Entonnoir tenace

 

L'idée du Rien est comme un entonnoir tenace de citron : elle aspire...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une vraie marie-salope

 

La « réalité empirique » est d'une saleté repoussante et d'un désordre sans remède. Vous pouvez la nettoyer à fond, vous pouvez la parer de colliers opalins, elle grouillera bientôt à nouveau de scarabées gigoteux, de palmiers, de promontoires verdoyants, d'hexaèdres aux sécrétions réfléchies, et d'un tas d'autres choses plus ou moins dégoûtantes.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 7 septembre 2022

Cave meublée

 

Dans une lettre au cardinal de Retz, le célèbre moraliste La Rochefoucauld appelle son crâne une « cave meublée ». Il dit que s'y trouvent des radicelles sécrétant un « liquide diastasique » et que ces radicelles s'agitent crescendo molto pour expulser le réel.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Poêle occulte

 

Dans le Livre de Mu, il est dit que celui qui, après avoir longuement pratiqué la méthode d'Urbantschitch, parvient à prononcer correctement la phrase « Mimi vit six perdrix », celui-là devient invisible à soi-même et à l'omnitude.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Impudence du pseudo-vibratile

 

Se prétendre vibratile alors qu'on est mortel, il n'y a pas, pensons-nous, de forme d'impudence plus ridicule.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Absence de spondias

 

Nos villes sérielles sont sillonnées de rues maussades qui toutes se caractérisent par une absence quasi totale de genévriers et de spondias (et ne parlons pas des ancolies).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 6 septembre 2022

Momordique

 

Certains disent que l'anachorétisme n'est qu'une pièce annexe de l'expérience humaine. Peut-être, mais c'est la seule de la fichue baraque où l'on sente le parfum léger des momordiques (quand les fenêtres sont ouvertes).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

La ruse

 

Les gens font des choses (ils se trémoussent, ils voyagent, ils ont des aventures sentimentales, etc.) simplement parce qu'ils ne voudraient pas, au moment de clamecer, avoir à se dire qu'ils ont « gâché leur vie » (en ne voyageant pas, en n'ayant pas d'aventures sentimentales, etc.). Mais ces choses, ils n'ont qu'à imaginer les avoir faites, c'est moins fatigant et ça revient exactement au même.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Portulan-dédale

 

Pour naviguer dans l'existence, l'Ecclésiaste est un piètre portulan. Il vous convainc si bien de l'inanité de toute action qu'on ne se donne même plus la peine de prendre des ris. Alors on se laisse dériver, et résultat : on heurte un récif. Merci l'Ecclésiaste.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Éloquence de la coloquinte

 

Qui, mieux que la coloquinte, dira la poignante beauté des plantes dicotylédones à vrilles caulinaires spiralées, dotées de tiges cannelées et de feuilles alternes à pétioles allongés mais sans stipules ? Et qui, mieux que cette cucurbitacée, fera sentir à l'homme qu'il vit dans un monde de néant ? 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 5 septembre 2022

Nudité du Rien

 

À la différence du poisson, qui est parfois servi dans une décoction de piment et un crépuscule de sang de mandrill, le Rien est toujours servi sans accompagnement et dans une lumière aveuglante. Une autre différence est qu'il n'y a pas moyen d'en laisser, il faut tout bouffer.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Prudence de l'esthète

 

« Point de vin résiné, dit l'esthète. Ou alors, seulement une petite lichée. Je fais de l'hyperacidité gastrique alors je dois y aller mollo. »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un modèle de discrétion

 

La discrétion quasi cénobitique des crossoptérygiens est remarquable, comme sont leurs nageoires au lobe basal charnu bordé d'une frange de lépidotriches. Le monstre bipède, au contraire, fait un barouf de tous les diables : c'est un « gueulard ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

En cas de besoin

 

L'homme est une créature précaire et débile, le moindre souffle peut l'anéantir, mais il n'est pas complètement démuni : il dispose de multiples soies, de quarante fusils Remington, de cartouches Vetterli et d'un peu de poudre.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 4 septembre 2022

Encore pire que l'affaire Gordji

 

Que la vie soit une « expérience intéressante », les yeux dans les yeux, le nihilique le conteste.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Le cauchemar de l'ontologie

 

L'essence des choses n'est pas localisée au centre d'une place fort gaie entourée de palmiers ronds et juteux, elle se situe plutôt à un lugubre « carrefour à bascule » aux alentours duquel il ne fait pas bon s'attarder. On y perdrait le sommeil — et peut-être la raison — car en ce « carrefour à bascule », l'être et le non-être s'entremêlent d'une façon très-horrifique.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

La « maladie des voyages »

 

À force d'être frappé par l'ourlet des vagues lointaines, le crâne devient spumeux et on est obligé de l'essuyer, ce qui peut se faire par exemple en utilisant une « lingette ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Résidus antinomiques

 

Le Moi fait penser à un moulin à café qui n'aurait pas été nettoyé depuis Mathusalem : il est plein de résidus antinomiques.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Disque proligère

 

Quand, se lançant sur les traces des philosophes grecs, on part à la recherche de la vérité, il arrive que l'on tombe sur un amas plus épais de la couche granuleuse, le disque proligère. On n'y est pas encore, il faut continuer à chercher.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)