Il
est dans la nature de l'homme de penser, même dans les circonstances
les plus tragiques, à des calembours stupides tels que Rudol Fesse ou
encore le trou (de mémoire) de Baldur von Schirach. Cette immaturité
gombrowiczienne ne plaide pas en sa faveur.
Spinoza
et après lui Gilles Deleuze enseignent aux hommes comment il faut vivre
au milieu de cette réalité cauchemardesque dont on ne peut se réveiller : le « truc » est de créer des concepts. Plus on crée de concepts, mieux
c'est.
L'enthalpie
est un potentiel thermodynamique qui synthétise en une seule fonction
l'énergie interne d'un système et le travail des forces de pression qui
s'exercent à sa surface. L'unité de mesure de l'enthalpie est le joule.
Si l'on veut évaluer l'enthalpie d'un système, il faut d'abord s'attirer
ses bonnes grâces en lui offrant un petit morceau de camembert ; sinon,
à cause du principe d'incertitude de Heisenberg et de la dualité
onde-corpuscule de la matière, on est sûr de faire chou blanc.
L'ontologie
se propose de mettre un peu de transparence dans ce margouillis
exophtalmique qu'est l'être et, en l'étayant par un appareil compliqué
de concepts, espère l'empêcher de se corrompre. Elle poursuit les mêmes
objectifs que la loi Sapin deux.
Cette
bourgade de la Manche dont Cervantes ne veut pas se rappeler le nom, il
ne fait guère de doute que c'est la ville de Saint-Lô. Où entend-on des
expressions telles que « tu parles d'or, ami Sancho » si ce n'est à
Saint-Lô (ou dans sa vicinité) ?
Sans
se prendre pour un gaz parfait — qui n'a pas ses défauts ? —, on en
a le comportement. On obéit aux lois de Boyle-Mariotte, de Gay-Lussac
et de Clapeyron. On est constitué de particules qui n'ont entre elles
d'autre relation que des chocs parfaitement élastiques. Le réel est
notre enceinte adiabatique.
Quand
Dieu demanda à Ludwig Wittgenstein où il avait planqué l'oseille, le
philosophe répondit d'abord qu'il ne pouvait pas le dire, que c'était
contre ses principes. Mais devant l'insistance du démiurge, il avoua
finalement qu'il avait confié le pacson au « Rouquemoute ».
Sans
le clinamen d'Épicure, nous serions tous des automates de Vaucanson ;
de purs mécanismes : ba, be, bi, bo, bu... Alors qu'avec le clinamen...
on fait ce qu'on veut. C'est « aux pommes », comme la peinture d'Eugène
Boudin.
Michel
Foucault était foucaldien comme André Malraux était malrucien : avec
aisance, presque sans y penser. La folie, les prisons, la « mort de
l'homme »... tout lui venait naturellement. On eût dit qu'il n'avait fait
que ça toute sa vie.
Quand
une saloperie de pigecaille défèque sur notre véhicule, souvenons-nous
que tout passe, et que bientôt nous entrerons dans ce « royaume muet des
os en décomposition » dont parle le poëte.
Quand
le poids de la société devient trop écrasant, les personnes « nihiliques » se sauvent en recourant non pas aux forêts comme le suggère
Ernst Jünger mais à l'adjectif zingibéracé, selon une vieille tradition
islandaise.
Dans
l'Idiot de Dostoïevski, l'étudiant Hippolyte, quoique nihiliste, croit à
l'au-delà, mais à un au-delà inquiétant — ce qui ne l'empêche pas de
se suicider. Semblablement, Maurice Blanchot claironne que la
littérature est silence, mais cela ne l'empêche pas de « faire le golmon »
en écrivant des livres. Le monstre bipède est scandaleusement
inconséquent.
L'autrui
lévinassien ressemble en tout point à l'Unique de Stirner. Comme ce
dernier, il a pour devise : « Rien ne l'emporte sur moi. » Il n'a aucun
scrupule à envahir votre espace vital avec ses gros genoux. Quant à sa
propriété, c'est celle d'être un céoène.
Que
ce soit aux ouataires ou en pleine nature, le « cas » s'élabore dans
l'austérité. C'est une œuvre timide, crispée comme celle de Jaccottet
sur un fond de silence et d'indéfinissable tristesse. La matière
excrémentitielle est « un pays sévère, nullement bariolé ».
Quand
la poétesse argentine Alfonsina Storni mit fin à ses jours en se noyant
dans l'océan, cela ne surprit personne car il était de notoriété
publique que son âme était, premièrement, voilée d'une onctueuse et
terrible noirceur, deuxièmement, envahie par deux images obsédantes : la
mer et la mort. Il suffisait de lire ses poëmes pour s'en rendre
compte. Et puis, à Mar del Plata, elle avait la mer à portée de main, ce
n'est pas comme si elle avait habité Argentan (où elle aurait dû se
défenestrer, par exemple).
Comme
il était à prévoir et à craindre, l'existentialisme nous exhorte
instamment à l'authenticité. Mais on n'arrive déjà pas à être
inauthentique de façon convaincante, alors comment on va faire ? Ces
existentialistes... ils n'ont que ça à foutre, ces mecs-là ?
Anaxagore
voyait dans l'esprit (noûs) l'ordonnateur et la cause de toute chose.
De l'esprit, il allait jusqu'à dire que « comme Lucien Rebatet et
Pierre-Antoine Cousteau, il est partout ».
Ce
serait un sale coup si un jour on réalisait que la réalité n'est pas
verbale, qu'elle peut être incommunicable et atroce, et qu'on s'en
allait, taciturne et seul, chercher la mort dans le crépuscule liquide
des environs de Bezons.
On
dit que péché avoué est à demi pardonné, c'est entendu, mais le poëte
Neruda a poussé trop loin le bouchon. S'il ne s'était rendu coupable que
d'un péché véniel comme de voler l'orange du marchand... mais il a
carrément vécu, à ce qu'il dit !
Unamuno
n'était jamais invité à des coquetèles. Les membres de la bonne société
de Salamanque craignaient qu'il ne réfrigère l'ambiance, avec son
sentiment tragique de la vie. Il en était très chagriné, même s'il ne le
montrait pas. Cela ne contribuait pas peu à renforcer son sentiment
tragique de la vie.