jeudi 25 août 2022

To each his own

 

Quand on est médecin, on ne croit qu'aux glandes à sécrétion interne. Quand on est nihilique, on ne croit qu'au Rien. C'est ainsi.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Empyreume

 

La métempsychose et la résurrection seraient des mythes consolants si la vie avait un goût de revenez-y. Mais au contraire, elle a un goût atroce d'empyreume (causé par une certaine quantité de lie qui s'est attachée aux parois intérieures de l'alambic, et qui a été en partie décomposée par le calorique).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Croyances

 

Le monstre bipède croit à la causalité, à la gravitation, à l'évolution, aux atomes, au libre arbitre, à l'année de naissance de Blek le Roc (1954), au progrès, à la Révolution française, mais il ne croit pas au pachynihil. Pourquoi ? Tout simplement parce que, contrairement au nihilique, il n'est pas habité par un sentiment catastrophique de la vie.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

« Le » mot

 

On aimerait s'épancher au seuil d'un seul vocable, dont tout le reste découlerait. Mais comment le trouver, ce vocable ? Une chose est sûre, il ne s'agit ni de reginglette, ni de lagéniforme, ni de zingibéracé, mots thaumaturgiques mais à partir desquels il paraît impossible d'opérer une déduction logique et systématique du réel. Alors ? Alors il faut chercher, encore et toujours... Et si nécessaire, on essaiera aussi les paires de mots (xéranthème xénotropique, etc.).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 24 août 2022

Purée mentale

 

Les expériences faites par la commission ont montré que la brosse de chiendent employée seule ne suffit pas toujours pour nettoyer la purée mentale qui glisse sur nos os. Quand cette purée est trop collante, trop gluante, il faut recourir à l'expédient suprême : l'homicide de soi-même.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Littérature

 

Sous les cirrus du texte, une citadelle inexpugnable : le rotond caillou.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

No place to feast

 

On voudrait mordre les fruits mûrs de l'existence, mais le « prisme » — ainsi que le béhavioriste Burrhus Frederic Skinner appelle la réalité empirique — n'est pas un endroit où festoyer (il est trop fétide). Il n'y a donc pas le choix, il faut festoyer hors du prisme. Seulement voilà : la perspective de festoyer dans le pachynihil engendre une angoisse sourde, antagoniste à l'idée même de festoiement. On ne festoiera donc nulle part, mais ce n'est pas très grave car des études récentes ont montré que les fruits mûrs de l'existence étaient vénéneux — alors...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Reliques inertes

 

Les gens célèbres — même médiocrement — sont tous morts. Mais la plupart d'entre eux ne s'en rendent pas compte. On ne les rencontre pas dans les cimetières, ils sont plutôt du genre à hanter les coquetèles. Ils écrivent des livres, ils peignent des tableaux de peinture, ils composent des pièces pour récitant, orchestre et bande magnétique, mais ils sont bel et bien morts, secs, poussiéreux, hallucinés et fantomatiques. Ce sont des reliques inertes.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 23 août 2022

L'anti-Sartre

 

Le nihilique n'est pas un penseur et ne prétend pas au titre de philosophe. Dans sa cervelle sacculiforme, seule palpite l'idée du vide, unique affaire de tout anachorète digne de ce nom.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Mangonneau

 

Le nihilique est un vrai diable à quatre : détruire le comble, dilacérer lui est familier. Et ce ne sont pas les outils qui lui manquent pour opérer son carnage. La nature ne fourmille-t-elle pas d'armes parfaites ? Par exemple le mangonneau ? Cette forme médiévale de l'onagre qui permet de lancer des projectiles contre les murs des châteaux forts ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Vertige

 

Dès qu'il sort dans la rue et se mêle à la foule, la tête tourne au nihilique, il est pris dans un tourbillon chargé de fluides homicides.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Convolvulus

 

Au début, on joue avec l'idée du Rien, elle n'est qu'une hypothèse séduisante et quelque peu baroque. Mais le pachynihil est une plante vivace, et on se retrouve bientôt la carcasse emprisonnée dans le convolvulus du nihilisme le plus radical. C'est déjà « malaisant », mais il y a encore la gêne causée par les moucherons : car comme le liseron, l'idée du Rien attire les syrphes.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 22 août 2022

Rituel bacchique

 

Quand le nihilique touille le vin, le rhum, la cassonade, le poivre et la cannelle dans le bol à punch, il est inexorable : rien ne peut s'opposer à la lustrale giration de sa cuiller. Il faut dire que pour lui, s'enivrer est chose sérieuse. En se « beurrant la tartine », il entend célébrer la volonté du Rien par la crémation rituelle du Tout. Il espère trouver dans le vin « l'énergie causale ». Mais jusqu'à présent, il a fait chou blanc. Chaque fois, à l'issue de son ivresse, le Tout était toujours là, et il n'avait tiré de sa soûlographie qu'un intense « mal aux cheveux ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Paronomase

 

Toute l'astuce de la paronomase est d'employer dans une même phrase des mots dont le son est à peu près semblable, mais le sens différent. Des exemples classiques sont : « À bon chat bon rat » et « Qui vole un œuf vole un bœuf ». On le remarque : comme la femme mais sur un plan purement sonore, la paronomase est chevillée dans l'artifice.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Grégarité du monstre bipède

 

Le nihilique suit le conseil de Plotin et chemine « seul vers le seul ». Le monstre bipède, au contraire, va en groupe vers le multiple (il aime les voyages organisés). De plus, à la différence du nihilique, il est « motorisé ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Périscope livide

 

Si on était poëte, on se risquerait peut-être à définir l'idée du Rien « un périscope livide qui perce la surface de l'orbe glaiseux ». Quitte à passer pour un olibrius.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 21 août 2022

Voracité du temps

 

Chaque heure est une morsure de plus dans le clafoutis incertain qu'est notre vie.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Wagons

 

À celui qui est affligé d'une conception funèbre de l'existence, on ne saurait trop conseiller de contempler en imagination des wagons chargés de troncs d'arbres, de pierres, de sel et de pétrole. Ces faits bruts mais tellement objectifs lui feront oublier illico presto ses malheurs personnels. Ou alors, c'est vraiment à désespérer.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Exercice spirituel

 

Chaque fois que vous êtes abattu en raison de la tristesse de la condition humaine, essayez d'oublier votre propre personne. Essayez de regarder la vie comme si vous n'existiez pas. C'est un exercice très difficile, car il faut éviter à la fois une synthèse abstraite et la réédition d'un point de vue personnel. Mais pas de panique. Si vous n'y arrivez pas, avalez du taupicide, et alors, vous n'existerez réellement plus !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Cheveux

 

« Les années commençant à s'accumuler, j'ai peur de n'avoir bientôt plus le choix qu'entre : 1) être calvitié ; 2) être canitié ; 3) être mort. — Je choisis d'avance la troisième solution. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
 
(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 20 août 2022

You hear me ?

 

C'est par peur, oui, par peur, que l'homme s'est enduit de la crème fongible d'une connaissance factice. Par peur, vous m'entendez !? — Oh, et puis merde.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

L'invention de la pensée

 

Si l'ineffable homme des cavernes n'avait pas commis l'erreur de se mettre à « penser », on n'aurait pas eu à subir, quelques millions d'années plus tard, de brillants « penseurs » tels que l'affreux Derrida, on n'aurait pas assisté à une telle « hémorragie névrotique du sens ». On en serait toujours à s'empiffrer de baies et à se la couler douce sans se poser de « questions existentielles ». Oh, bon Dieu !... Bon Dieu de néandertal !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Anniversaire

 

Célébrons, oui, soyons festifs en diable et célébrons le prime événement de la naissance, auquel nous devons de si exaltantes expériences : le désespoir et la triste solitude.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Blancheur punctiforme

 

Au regard de la déprimante grisaille et de la saleté de l'existence, le moment où l'on met fin à ses jours apparaît « d'une blancheur punctiforme ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 19 août 2022

Salon vacuiste

 

De temps en temps, le nihilique réunit dans son salon des partisans de la théorie du vide dans la nature (par opposition aux partisans de l'atomisme — ces derniers, il ne peut pas les sacquer). Toutes les personnes présentes ignorent ou feignent d'ignorer la découverte de la pression atmosphérique et défendent la doctrine selon laquelle la nature a horreur du vide. Bref, c'est un salon vacuiste.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Attendre

 

Le nihilique a beau scruter la réalité empirique sous toutes les coutures, il n'arrive pas à voir si le gel et la pluie vont affecter la prochaine récolte des si délicates mirabelles. La seule solution est d'attendre. Et pour sa propre mort, c'est la même chose.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Analogie

 

Le pachynihil est au nihil ce que le dieu Pachacamac est à une « blonde comac » devant chez qui un certain Lucien dit « le Cheval » se serait fait dessouder. Ô sublime Pachacamac ! Nous t'adjurons de manifester ta toute-puissance !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un morne muséum

 

La femme a ceci de commun avec un muséum d'histoire naturelle qu'elle est pleine d'animaux empaillés. On peut toujours chercher, il n'y a pas de vie, là-dedans.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 18 août 2022

Clavis absconditorum

 

La notion de pachynihil constitue la clé de l'univers, la clavis absconditorum. Elle permet de comprendre le Moyen Âge, la Révolution française, le sens de l'existence, l'âme, les réalités surnaturelles, et même l'homme de la rue. Par contre, pour ce qui est de se débrouiller au quotidien, elle n'est pas d'une utilité pharamineuse.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)