samedi 23 juin 2018

Noms (Stephen Dixon)


Je tourne en rond dans la chambre. Je m'allonge sur le lit. J'essaye de lire. J'essaye de dormir. Je regarde dans le réfrigérateur. Je bois. Je sors. Je marche dans les rues. Je regarde à l'intérieur des appartements à travers les vitres. Je vais voir un film. Je m'en vais à la moitié du film. Je vais dans un bar. Je m'assois et commande un verre. Je me lève, pose ma bière, et me dirige vers les toilettes alors que je n'ai rien à y faire. J'y vais parce que j'ai envie de passer au milieu des gens agglutinés au bar. J'ai envie qu'on me dise bonjour. « Tiens, comment ça va, quoi de neuf ? », voilà ce que j'ai envie qu'on me dise. Ou bien quelqu'un qui ne me connaît pas, mais a envie de discuter, par exemple de Maritain.

Selon ce dernier, toute forme universelle et nécessaire d'être, même comprise de façon très obscure, constitue une matière à laquelle l'esprit peut appliquer les principes de la pensée scientifique, c'est-à-dire des procédés explicatifs et causaux. Mais attention ! Dans Les degrés du savoir, Maritain prend soin de préciser que les idées et les principes causaux, lorsqu'ils sont appliqués dans les sciences empiriologiques, doivent être reconsidérés et remaniés. Le concept de cause efficiente, par exemple, est à l'origine un concept ontologique, c'est-à-dire un concept défini par référence à l'être : dans cet état originel il n'est pas directement applicable en dehors de l'ordre ontologique. Quand nous descendons au niveau empiriologique, l'être n'apparaît pas comme le centre lumineux dans la chose considérée mais seulement comme un principe caché d'ordre qui garantit la stabilité des phénomènes.


Mais on ne me dit rien, personne ne s'apprête à me parler de Maritain. Le thomisme, c'est clair, ils n'en ont rien à foutre. 


(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

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