mercredi 25 juillet 2018

Du divin et du sacré


Il est notoire que Heidegger a été élevé dans un milieu « authentiquement catholique ». Son père est certes tonnelier, mais il est aussi sacristain, et il ne « plaisante pas avec ces choses-là ». À onze ans, le jeune Martin est donc requis pour servir la messe à Meßkirch (son passage préféré est celui où il tend au prêtre les burettes, cependant que celui-ci dépose l'hostie sur le corporal).

Au début, tout se passe comme sur des roulettes, mais des tensions ne tardent pas à apparaître entre le garçon et le curé de Meßkirch, l'abbé Prellen, au sujet du sacré et du divin.

Pour Heidegger, le sacré n'est pas sacré parce que divin ; c'est plutôt parce que selon son ordre il est sacré, que le divin est divin — das Gôttliche ist göttlich, weil es in seiner Weise "heilig" ist —, idée qui exaspère le curé, car il y voit un sophisme. Mais ce qui met le comble au courroux du prêtre, c'est que Heidegger soutient que le divin ne peut être pensé qu'à partir de l'essence du sacré, elle-même saisie à partir de la vérité de l'être.

L'abbé Prellen informa le père de Heidegger des « mauvaises pensées » de son fils, et celui-ci se prit de sévères « roustes », mais rien ne put le faire changer d'avis. Heureusement pour lui, l'abbé Prellen fut remplacé peu de temps après par l'abbé Bühlhof, beaucoup plus « coulant » que son prédécesseur en matière de théologie.


(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)

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