« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
samedi 9 mai 2020
Adieux à Gand
Dans un beau passage, Ménandre compare la vie à une foire : partout foule, bruits, voleurs, joueurs de dés, divertissements de toute sorte. Plus tôt on s'en va, mieux cela vaut. Si l'on tarde et s'obstine, on se condamne à subir les affres du vieillissement, et à passer d'ennuyeuses soirées auprès du feu, face à une « mégère difforme au faciès d'hippopotame ». Pour s'en aller, Ménandre préconise l'emploi du taupicide ou d'un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe.
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
vendredi 8 mai 2020
Mousserons
« J'ai passé ma vie à faire le mort, déclara l'homme du nihil. Allongé sur mon matelas-tombeau, un torchon sur les yeux, les mains croisées sur la poitrine...
— Et les mousserons ? » demanda le père Théraponte.
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
jeudi 7 mai 2020
Paradoxe de Liem
Le paradoxe de Liem réside dans la divergence constatée entre le régime alimentaire de certains vertébrés et celui auquel leur denture paraît adaptée. Il a d'abord été observé par le biologiste américain Karel F. Liem chez un poisson d'eau douce mexicain, Herichthys minckleyi. L'une des variétés de ce poisson, un cichlidé endémique de Cuatro Ciénegas (nord du Mexique), a des dents pharyngiennes plates, qui semblent adaptées à l'écrasement d'objets durs tels que des coquilles. Pourtant, ces poissons négligent les escargots et consomment essentiellement des aliments tendres. Autre exemple : les gorilles de la forêt de Bai Hokou (réserve de Dzanga-Sangha, Centrafrique), qui ont des molaires aiguisées propres à broyer des végétaux durs (tiges, feuilles) et un système digestif capable d'assimiler la cellulose, mais recherchent pourtant les fruits tendres et sucrés. Enfin, les mangabeys à joues blanches du parc de Kibale (sud-ouest de l'Ouganda) ont des molaires plates et recouvertes d'un émail épais adaptées à la fracturation d'aliments durs et cassants comme des noix et des graines. Malgré cela, ils mangent surtout des fruits charnus et des feuilles jeunes.
Une explication possible de ce paradoxe, avancée par le biologiste « nihilique » Alvin J. Merriwether, met en jeu l'idée du Rien : la denture est en fait adaptée à des conditions difficiles, rares mais cruciales pour la survie de l'espèce, celles où la « réalité empirique » perd son sens. Et de fait, il a été observé que les gorilles et les mangabeys à joues blanches se rabattent sur des végétaux ou des graines durs quand les poigne la pensée que « rien n'est ».
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
mercredi 6 mai 2020
Paradoxe de l'amitié
Le paradoxe de l'amitié est un phénomène découvert par le sociologue Scott L. Feld, qui consiste en ceci qu'un individu possède en moyenne moins d'amis que ses amis. Il ne s'agit d'un paradoxe qu'en apparence, car ce phénomène bien réel peut s'expliquer par certaines propriétés mathématiques des « réseaux sociaux » (l'inégalité de Cauchy-Schwarz notamment). Fait remarquable, l'homme du nihil constitue un cas d'inapplicabilité de la règle car il n'a pas d'amis : il est ce qu'on appelle vulgairement un « rémi ».
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
mardi 5 mai 2020
Déplaisir
Après qu'il eut été comme qui dirait « mis au monde », l'homme du nihil se trouva fort marri (il eut un extrême déplaisir) de se voir affublé d'un Moi.
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
lundi 4 mai 2020
Source
Dans le recueillement et la concentration, l'homme se saisit dans son écrasante solitude. Qu'il persévère, qu'il pénètre plus avant dans le mystère de son intériorité, le voici animé, s'abreuvant à la source d'eau vive qui ruisselle en lui : le pachynihil.
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
dimanche 3 mai 2020
Paradoxe de Moravec
Le paradoxe de Moravec tient en ceci que « le plus difficile en robotique est souvent ce qui est le plus facile pour l'homme ». Énoncé par le roboticien Hans Moravec, ce paradoxe indique qu'il est beaucoup plus facile de faire simuler par un programme informatique le raisonnement de haut niveau que les aptitudes sensorimotrices humaines. Selon Marvin Minsky, cette situation paradoxale peut s'expliquer par le fait que, lorsque le cerveau humain maîtrise parfaitement une tâche, celle-ci ne s'exécute pas consciemment et n'est donc pas reconnue comme difficile. Il n'en va pas de même des tâches faisant intervenir des notions complexes telles que celle de pachynihil. Et il est exact qu'attraper un tournevis dans une boîte à outil paraît — à tort s'il faut en croire Minsky — plus facile que de concevoir que « rien n'est » !
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
samedi 2 mai 2020
Paradoxe du barbier
Le conseil municipal d'un village vote un arrêté qui enjoint à son barbier de raser tous les habitants masculins du village qui ne se rasent pas eux-mêmes. Comment le barbier va-t-il échapper au désespoir, si ce n'est par la pensée que « rien n'est » et qu'il peut, grâce au taupicide, quitter à tout instant ce « monde de néant » ?
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
vendredi 1 mai 2020
Théorème de Stark-Heegner
En théorie des nombres, le théorème de Stark-Heegner indique précisément, parmi les corps quadratiques imaginaires, lesquels possèdent un anneau d'entiers factoriel. Une condition nécessaire est que le corps possède un idéal principal. Ce n'est évidemment pas le cas de l'homme du nihil — qui n'a d'idéal ni principal ni secondaire puisqu'il est convaincu que « tout pue » — et le malheureux est donc condamné à cheminer dans le sinistre « désert de Gobi de l'existence » sans le secours d'un quelconque anneau d'entiers factoriel.
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
jeudi 30 avril 2020
Rejoindre l'infini
En analyse complexe, le lemme de Hartogs, dû au mathématicien allemand Friedrich Moritz Hartogs, est un résultat fondamental portant sur les fonctions de plusieurs variables complexes. Il dit que les concepts de singularité isolée et de singularité supprimable coïncident pour les fonctions analytiques avec n > 1 variables complexes. Ce lemme a pour conséquence que l'« étant existant » — le fameux « Dasein » des existentialistes —, vu comme un point singulier d'une fonction de plusieurs variables complexes, est toujours voué à « rejoindre l'infini » dans une certaine direction. Et d'après Hartogs — qui lui-même se suicida en 1943 —, il le rejoint d'autant plus vite que sa singularité est grande (s'il est, par exemple, un « nihilique »).
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
mercredi 29 avril 2020
Paradoxe sorite
Le paradoxe sorite, aussi appelé paradoxe du tas de sable, s'énonce de la façon suivante : d'une part, un grain isolé ne constitue pas un tas ; d'autre part, l'ajout d'un grain ne fait pas un tas d'un non-tas. On en déduit qu'il est impossible de constituer un tas par l'accumulation de grains. Ce paradoxe repose sur l'absence de définition quantitative précise du tas. Comme l'existence — en particulier celle de l'homme du nihil —, le tas est un concept vague et sa modélisation nécessite l'emploi de la logique floue. Dans le cas de l'existence, on peut aussi utiliser un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe.
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
mardi 28 avril 2020
Paradoxe d'Abilene
Par un torride après-midi de juillet, les Thompson jouent aux dominos sur le porche de leur maison située dans la banlieue d'Abilene, au Texas. Il y a là Fred et Mabel Thompson, ainsi que les parents de cette dernière, Albert et Judy, venus leur rendre visite. Soudain, Albert lance : « Et si on se pendait ? » Mabel répond : « Ça a l'air d'être une bonne idée. » Fred, bien qu'il ait des réserves en raison de la chaleur, a peur de passer pour un rabat-joie et dit : « Ça me semble bien. J'espère juste que Judy est d'accord. » Celle-ci dit alors : « Bien sûr que je suis d'accord. Ça fait longtemps que j'éprouve la pénible sensation de vivre isolée dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort. Ça suffit comme ça. »
Aussitôt dit, aussitôt fait, tout le monde se pend. Pourtant, un observateur capable de lire dans les pensées aurait pu constater qu'aucun des protagonistes ne souhaitait véritablement se pendre (ils auraient préféré utiliser, qui le taupicide, qui le revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe).
La principale leçon à tirer de cette anecdote est que, dans certaines conditions, un groupe non structuré peut entériner des décisions par consensus alors qu'en fait, aucun des participants ne soutenait la proposition initiale (et aucun n'aurait voté en faveur de celle-ci si un vote à bulletin secret avait été organisé).
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
Lemme de Lebesgue
Le lemme de Lebesgue est un résultat important en théorie de l'approximation. Ses applications incluent l'homicide de soi-même par défenestration. Il permet d'obtenir une borne sur l'erreur de projection.
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
lundi 27 avril 2020
dimanche 26 avril 2020
Paradoxe de Doppelchor
Le paradoxe de Doppelchor est un paradoxe que le penseur « nihilique » Raymond Doppelchor présenta dans une de ses conférences, et qui touche à l'incohérence assez particulière de la phrase suivante : « Quelque chose est mais je ne crois pas que quelque chose soit ». La légende veut que Ludwig Wittgenstein, qui en avait entendu parler, surgît chez Doppelchor au milieu de la nuit en insistant pour que ce dernier lui répétât sa conférence. Mais l'acariâtre Doppelchor, qui — selon Gragerfis — « en avait soupé de l'empirisme logique et des empiristes logiques », conseilla à l'auteur du Tractatus « d'aller se faire voir chez Plumeau ».
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
samedi 25 avril 2020
Une conjecture terrifiante
« S'il est vrai, comme le soutiennent Birch et Swinnerton-Dyer, que pour toute courbe elliptique sur le corps des rationnels, l'ordre d'annulation en 1 de la fonction L associée est égal au rang de la courbe, alors la situation du Dasein est aussi désespérée que celle de Léonidas à la bataille des Thermopyles, et son unique échappatoire est dans le taupicide. » (Edmund Winslow, Géométrie algébrique et aliénation, Oxford University Press, 1969)
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
vendredi 24 avril 2020
Lemme de Sauer
Le lemme de Sauer est un résultat de la théorie des probabilités, plus précisément de la théorie de Vapnik-Tchervonenkis. Il permet d'établir le nombre maximal de suicidés philosophiques qu'une charge explosive de dimension finie peut pulvériser. Ce lemme a été démontré en 1972 par le mathématicien Norbert Sauer.
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
jeudi 23 avril 2020
Un avant-poste du néant
Le contexte où s'applique l'inégalité de Cauchy-Schwarz est celui-là même où l'homme du nihil traîne sa vie stagnante et désespérée : un espace préhilbertien.
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
mercredi 22 avril 2020
Classification des catastrophes
En topologie différentielle, la théorie des catastrophes est une branche de la théorie des bifurcations qui a pour but de construire le modèle dynamique continu le plus simple pouvant engendrer une morphologie donnée empiriquement. Le terme de catastrophe désigne le lieu où une fonction change brusquement de forme. Le résultat le plus célèbre de cette théorie est qu'il n'existe que sept formes de catastrophes possibles pour toutes les fonctions possédant au plus quatre paramètres d'entrée. Avec cinq paramètres, il existe quatre formes de catastrophes supplémentaires. Mais là où les choses se gâtent, c'est quand il y a six paramètres ou plus, comme c'est le cas pour le Dasein. Alors, le nombre de catastrophes possibles devient littéralement infini car des « modules » apparaissent.
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
mardi 21 avril 2020
Lemme de Jones
Selon le lemme de Jones (démontré par le mathématicien américain Floyd Burton Jones en 1937), une condition suffisante pour qu'un espace séparable ne soit pas normal est qu'il contienne un sous-espace fermé discret ayant la puissance du continu (autrement dit, un sous-espace fermé discret équipotent à l'ensemble des nombres réels). De nombreux mathématiciens ont tenté — en vain ! — d'exploiter ce lemme pour prouver la fameuse « conjecture de Doppelchor » qui affirme que « le monde tel que nous le connaissons n'est pas un espace normal, c'est le moins que l'on puisse dire ».
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
lundi 20 avril 2020
D'œuf et de poule
Supposons qu'un « ami de la sagesse » demande à un quidam pris au hasard : « Qu'est-ce qui est apparu en premier : l'œuf ou la poule ? » Si le quidam répond : « C'est l'œuf », l'ami de la sagesse lui demande : « Mais qui a pondu cet œuf ? » Si au contraire le quidam répond : « C'est la poule », l'ami de la sagesse lui rétorque : « Mais cette poule sort bien d'un œuf, non ? » Pour résoudre ce paradoxe, l'approche causale classique relève de la sémantique : on peut discuter du sens donné au mot œuf, voire discuter du concept de poule. L'approche nihilique, plus radicale, consiste à affirmer qu'il n'y a « pas plus d'œuf ni de poule que, révérence parler, de beurre au prose » — puisque rien n'est.
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
dimanche 19 avril 2020
Équation de Helmholtz
« Lorsque le domaine est compact, le spectre du laplacien est discret, et les modes propres forment un ensemble dénombrable infini, ce qui a pour effet de plonger le Dasein dans une profonde mélancolie. » (Lettre de l'homme du nihil à Georges Ribemont-Dessaignes, à propos du calcul des solutions stationnaires de l'équation de propagation des ondes de D'Alembert)
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
samedi 18 avril 2020
Chat de Schrödinger
Un chat est enfermé dans une boîte avec un flacon de gaz mortel et une source radioactive. Dès qu'un certain seuil de radiations est atteint, un marteau brise le flacon, le gaz est libéré et le chat meurt. Selon l'interprétation de Copenhague (censée donner une « interprétation cohérente » de la physique quantique), le chat est à la fois vivant et mort — et cette double affirmation peut sembler quelque peu surprenante. Mais si l'on remplace le chat par un « nihilique », il n'y a plus lieu de s'étonner puisque l'homme du nihil est constamment dans un état où les catégorisations habituelles (ici la vie ou la mort) perdent leur sens !
(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)
Inscription à :
Articles (Atom)