dimanche 13 janvier 2019

Un fascinant bibelot


Que la contemplation d'un « cigare japonais » bien moulé engendre une fantasmagorie chatoyante, née du regret et du désir, créatrice de simulacres évanescents, personne ne le niera. Mais là n'est pas l'apport principal du « cas ». Il réside plutôt dans sa capacité de fascination. L'excrément manifeste en effet quelle souveraine aisance jaillit, quand sont abolis les contrôles qui permettent l'œuvre constructive et diurne de l'homme.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Borchtch phrastique


Transmuer les remugles du « conscient intérieur » en un minestrone adjectival, voilà le but vrai de la littérature.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Une illusion tenace


La « réalité empirique » use d'innombrables stratagèmes pour faire croire au vulgum pecus qu'elle existe. Quoique dessillé autant qu'il est possible, l'homme du nihil continue d'éprouver le prestige d'un tel mirage et doute qu'on puisse échapper toujours à sa muette éloquence. Souvent, il y a succombé par entraînement naturel. Mais comment faire autrement, quand on subit les affres d'un panaris, qu'on est tyrannisé par une mégère difforme au faciès d'hippopotame, ou qu'un infernal pigeon dépose sur votre redingote ou votre gabardine sa fiente putride ?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Pourquoi le suicide


L'incongruité d'être me semble un mobile suffisant.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

samedi 12 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Ténébreuses investigations


Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis raconte qu'armé d'une lampe Mueseler 1, il a tenté, mais en vain, de percer l'obscurité qui enveloppe le « boyau culier », ce laboratoire secret où, dans le sommeil de la conscience, s'élaborent d'élémentaires et décisives fermentations. Cet échec ne l'a pas empêché de reconnaître au « Suisse » des vertus et des propriétés sur lesquelles étaient restés muets les plus enthousiastes de ses prophètes. Ainsi, il va jusqu'à affirmer qu'« il n'est rien de vigoureux ou de conquérant qui puisse prendre racine et prospérer sans son intercession ».

1. La lampe Mueseler, du nom de son inventeur, l'ingénieur belge Mathieu-Louis Mueseler, est une lampe de sûreté minière qui a, entre autres, l'avantage d'être mieux ventilée que la lampe Clanny.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

De la supériorité du jeu de dames


La complexité de la vie la fait passer pour profonde aux yeux de beaucoup. En vérité, cet enchevêtrement de phénomènes n'est que futile. Préférons donc le jeu de dames dont la simplicité des règles garantit l'opérateur des chausse-trapes de l'inattention.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Le langage abscons du pachynihil


L'idée du Rien jaillit d'une source mystérieuse, qui paraît plus profonde et plus intérieure, plus sûre et plus vraie, que les travaux incertains de la raison pure. Elle parle en nous un langage dénué de sens, à moins qu'on ne le tienne pour la révélation des secrets les plus obscurs de l'univers, ceux qui restent interdits à notre lucidité et qui dominent notre destin.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Géométrie dans l'espace


La géométrie dans l'espace se réduit pour moi à cette simple et sobre figure : le cylindre-ogive qui inscrira son inexorable existence dans le néant convoluté de ma cervelle.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

vendredi 11 janvier 2019

Interlude

Jeune femme s'apprêtant à lire la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

Kafka et le « Suisse »


Les circonvolutions de l'excrément rappellent assez les étranges labyrinthes du Procès et du Château. Comme les récits de Kafka, le « cas » apparaît déroutant et inexplicable : c'est suffisant pour le destiner à faire fonction d'oracle. Par son obscurité même, il se prête aisément à l'exégèse et l'on croit deviner en lui l'allégorie incertaine, polyvalente, de secrets insaisissables et odoriférants.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Poëme fongique


Hygrophore perroquet, pleurote en huître... Que faire !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

L'exquise fluidité du nihil


S'escrimant à tâtons dans un univers résistant, aux propriétés immuables et exclusives, l'homme pense avec nostalgie à un monde fluide, aérien, sans obstacle ni contradiction : celui du Rien.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Crainte et tremblement


L'acerbité de l'excrément pétrifie le vulgaire profane.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

jeudi 10 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Capitulation


L'acte défécatoire, où il est visible qu'une sorte rudimentaire d'hypnose joue le rôle principal, ne renseigne guère sur la minute ultime où soudain la conscience capitule et sombre. C'est plutôt dans l'homicide de soi-même qu'il faut chercher le témoignage de la puissance effroyable du pachynihil : au cœur d'une absence — celle que procure le taupicide —, il règne, fascination pure, sans obstacle ni partage.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Énervation


Sous les rois de la première race, l'énervation était un supplice qui consistait à brûler les tendons des jarrets et des genoux.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Paradoxe solipsistique


En rêve, l'homme du nihil vit un grave personnage qui ramassait des oiseaux sur le sol et les passait à sa ceinture. Un épervier de grande taille s'y trouvait déjà, qui les déchirait aussi souvent qu'il le pouvait. Plus tard, quand l'homme du nihil demanda au « monstre bipède » — le pénible « autrui » du philosophe Levinas — s'il avait vu lui aussi l'horrible chasse aux oiseaux, il ne put à aucune force le lui faire avouer. Stupéfaction de l'homme du nihil : « Ce dont se souvient mon imagination, comment cet olibrius peut-il l'ignorer, lui qui n'en est également qu'un scintillement éphémère ? »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Une image glaçante du vide néantique


La femme, sardonique sémaphore du Rien.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

mercredi 9 janvier 2019

Interlude

Jeune fille lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de de Robert Férillet

Points de vue


Les philosophes, de Çankara à Pascal et à Leibniz, ont défini volontiers la réalité comme un ensemble de rêves bien liés. L'homme du nihil, lui, la voit plutôt comme une « tourte » nauséabonde abandonnée au pied d'un mur par un malotru, dans laquelle il doit faire très attention de ne pas poser le pied.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Peisithanatos


Doutant que l'homme puisse atteindre le bonheur, le philosophe Hégésias préconisait, dit-on, le suicide. Cette glorification passionnée de la mort lui aurait même valu, selon Gragerfis, le sobriquet de « celui qui persuade de mourir ».

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Évasion manquée


Excédé par la « réalité empirique » qui le cerne de toute part, l'homme du nihil ferme les yeux, scrute l'obscurité et y suscite une image simple : celle d'un papillon Apollo sur un chardon de montagne. À Gèdre, dans les Pyrénées, il en a observé souvent. Il s'applique à voir leur corps lourd, annelé et velu, la trompe à demi déroulée, le dessin des ailes blanches, presque diaphanes, la disposition des taches noires et des lunules rouges, la tige de la plante agitée par le vent, les efforts de l'insecte pour ne pas s'envoler, les mouvements réprimés de ses ailes. Mais pendant qu'il s'obstine dans cette évocation, un garçon de café s'approche et lui demande d'une voix bourrue : « Vous prendrez autre chose ? » Il rouvre les yeux, et de nouveau c'est le magma fangeux du réel, le fibrociment nauséeux de l'étant, le mufle répulsif du « monstre bipède »...

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Puceron


Puceron est le terme sous lequel on désigne les insectes hémiptères qui vivent sur les plantes dont ils pompent les sucs et dont le type est le puceron du rosier. Les pucerons causent parfois de sérieux dégâts aux plantations sur lesquelles ils s'abattent, comme le phylloxéra par exemple. Pour détruire les pucerons des rosiers, on emploie la fumée du soufre, du tabac, ou des jus de tabac.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)