« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
lundi 14 janvier 2019
Omnia vanitas
L'idée du Rien — comme d'ailleurs la matière fécale qui en est en quelque sorte le corollaire — avertit l'homme qu'il n'y a pas d'entreprise à ce point pressante et incontestable qu'il ne trouve pas avantage à maintenir à son égard une distance salutaire. Elle lui donne la hauteur voulue pour voir l'objet de sa préférence ou de son obstination comme une sorte de mirage inconsistant, que quelques gouttes de taupicide suffisent à dissiper.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Réveil douloureux
En même temps qu'elle lui fait prendre conscience de son corps vécu, la douleur physique révèle à l'homme l'exorbitante absurdité de « créer des concepts ».
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Contamination
Ce n'est pas par ceux de ses aspects qui l'opposent à la réalité que la matière fécale est redoutable et insidieuse, mais tout au contraire par ceux qui l'en rapprochent — la taciturnité, la noirceur, la fétidité — et qui parviennent à la fin à faire planer sur elle, par contre-coup, un soupçon décisif d'irréalité.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Passalorynchites et tascodrugites
Les cyniques de l'Antiquité, hirsutes précurseurs des ascètes chrétiens, ont épuisé la pensée métaphysique, ontologique et autre jusqu'à la nausée. Il nous reste à épuiser le langage — à exténuer le dictionnaire.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
dimanche 13 janvier 2019
Un fascinant bibelot
Que la contemplation d'un « cigare japonais » bien moulé engendre une fantasmagorie chatoyante, née du regret et du désir, créatrice de simulacres évanescents, personne ne le niera. Mais là n'est pas l'apport principal du « cas ». Il réside plutôt dans sa capacité de fascination. L'excrément manifeste en effet quelle souveraine aisance jaillit, quand sont abolis les contrôles qui permettent l'œuvre constructive et diurne de l'homme.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Borchtch phrastique
Transmuer les remugles du « conscient intérieur » en un minestrone adjectival, voilà le but vrai de la littérature.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Une illusion tenace
La « réalité empirique » use d'innombrables stratagèmes pour faire croire au vulgum pecus qu'elle existe. Quoique dessillé autant qu'il est possible, l'homme du nihil continue d'éprouver le prestige d'un tel mirage et doute qu'on puisse échapper toujours à sa muette éloquence. Souvent, il y a succombé par entraînement naturel. Mais comment faire autrement, quand on subit les affres d'un panaris, qu'on est tyrannisé par une mégère difforme au faciès d'hippopotame, ou qu'un infernal pigeon dépose sur votre redingote ou votre gabardine sa fiente putride ?
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
samedi 12 janvier 2019
Ténébreuses investigations
Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis raconte qu'armé d'une lampe Mueseler 1, il a tenté, mais en vain, de percer l'obscurité qui enveloppe le « boyau culier », ce laboratoire secret où, dans le sommeil de la conscience, s'élaborent d'élémentaires et décisives fermentations. Cet échec ne l'a pas empêché de reconnaître au « Suisse » des vertus et des propriétés sur lesquelles étaient restés muets les plus enthousiastes de ses prophètes. Ainsi, il va jusqu'à affirmer qu'« il n'est rien de vigoureux ou de conquérant qui puisse prendre racine et prospérer sans son intercession ».
1. La lampe Mueseler, du nom de son inventeur, l'ingénieur belge Mathieu-Louis Mueseler, est une lampe de sûreté minière qui a, entre autres, l'avantage d'être mieux ventilée que la lampe Clanny.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
De la supériorité du jeu de dames
La complexité de la vie la fait passer pour profonde aux yeux de beaucoup. En vérité, cet enchevêtrement de phénomènes n'est que futile. Préférons donc le jeu de dames dont la simplicité des règles garantit l'opérateur des chausse-trapes de l'inattention.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Le langage abscons du pachynihil
L'idée du Rien jaillit d'une source mystérieuse, qui paraît plus profonde et plus intérieure, plus sûre et plus vraie, que les travaux incertains de la raison pure. Elle parle en nous un langage dénué de sens, à moins qu'on ne le tienne pour la révélation des secrets les plus obscurs de l'univers, ceux qui restent interdits à notre lucidité et qui dominent notre destin.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Géométrie dans l'espace
La géométrie dans l'espace se réduit pour moi à cette simple et sobre figure : le cylindre-ogive qui inscrira son inexorable existence dans le néant convoluté de ma cervelle.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
vendredi 11 janvier 2019
Kafka et le « Suisse »
Les circonvolutions de l'excrément rappellent assez les étranges labyrinthes du Procès et du Château. Comme les récits de Kafka, le « cas » apparaît déroutant et inexplicable : c'est suffisant pour le destiner à faire fonction d'oracle. Par son obscurité même, il se prête aisément à l'exégèse et l'on croit deviner en lui l'allégorie incertaine, polyvalente, de secrets insaisissables et odoriférants.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
L'exquise fluidité du nihil
S'escrimant à tâtons dans un univers résistant, aux propriétés immuables et exclusives, l'homme pense avec nostalgie à un monde fluide, aérien, sans obstacle ni contradiction : celui du Rien.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
jeudi 10 janvier 2019
Capitulation
L'acte défécatoire, où il est visible qu'une sorte rudimentaire d'hypnose joue le rôle principal, ne renseigne guère sur la minute ultime où soudain la conscience capitule et sombre. C'est plutôt dans l'homicide de soi-même qu'il faut chercher le témoignage de la puissance effroyable du pachynihil : au cœur d'une absence — celle que procure le taupicide —, il règne, fascination pure, sans obstacle ni partage.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Énervation
Sous les rois de la première race, l'énervation était un supplice qui consistait à brûler les tendons des jarrets et des genoux.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Paradoxe solipsistique
En rêve, l'homme du nihil vit un grave personnage qui ramassait des oiseaux sur le sol et les passait à sa ceinture. Un épervier de grande taille s'y trouvait déjà, qui les déchirait aussi souvent qu'il le pouvait. Plus tard, quand l'homme du nihil demanda au « monstre bipède » — le pénible « autrui » du philosophe Levinas — s'il avait vu lui aussi l'horrible chasse aux oiseaux, il ne put à aucune force le lui faire avouer. Stupéfaction de l'homme du nihil : « Ce dont se souvient mon imagination, comment cet olibrius peut-il l'ignorer, lui qui n'en est également qu'un scintillement éphémère ? »
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
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