mardi 9 août 2022

Forjeture

 

Le cerveau de l'homme est comme un balcon qui donne sur le néant. Mais à vrai dire, peu importe sur quoi il donne, le point essentiel est qu'il sort de l'aplomb. Il fait saillie. Un architecte dirait qu'il est une forjeture. Oui, c'est bien cela : une malencontreuse forjeture, dont l'existence fait naître une sensation de « trop-plein ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 8 août 2022

Véliforme et zingibéracé

 

On sait que le désespoir du nihilique est véliforme. C'est d'ailleurs à cette conjoncture que le malheureux doit de pouvoir « prendre des ris » quand il navigue sur la mer plate du Rien. Mais ce que l'on sait moins, c'est que ce désespoir, non content d'être véliforme, est zingibéracé !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Limite à l'impudence

 

Sans être philosophe, on peut s'amuser à rissoler quelques idées sur l'être, le néant, et tout ce qui s'ensuit. Mais quant à se risquer au théorème... Il ferait beau voir !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Psychothérapie (that's what they want to give me)

 

Des sots présomptueux, il y en a beaucoup, mais au sommet de la sottise présomptueuse siègent ces bougres qui s'intitulent « psychologues ». Comme on aimerait voir l'un de ces « psychologues » ausculter l'homme du nihil ! Ce serait un peu cocasse. Que peuvent comprendre ces couillons à la « psychologie » d'un homme du nihil ? Crétins, va ! Nerfs sciatiques, avec vos tests de personnalité à la graisse de noix de coco ! Tous les nihiliques vous haïssent et vous conchient.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Parenthèse enchantée

 

Caguer est un sempiternel recommencement. Mais pendant qu'on « fait », le temps est comme suspendu. Il n'y a vraiment que dans les « ouataires » que l'éphémère perdure et ne s'use point.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

L'œil noir du Rien

 

Dès qu'on pénètre dans la cahute d'un « ami de la sagesse », on perçoit les remugles de l'idée. Cette odeur prenante, qu'exhale tout ce qui a longtemps été maintenu dans l'atmosphère viciée d'une méninge philosophique, est à coup sûr moins agréable que le fumet d'une potée — un morceau de lard, des saucisses, quelques pommes de terre, du chou, quel odoriférant quatuor ! — sans parler des carottes, des poireaux et des navets. Un bon plat du terroir nous confère la sagesse mieux qu'un lourd traité de phénoménologie. Car au fond de la marmite, c'est l'œil noir du Rien qui nous regarde — et non celui, bovin, du fastidieux Edmond Husserl.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Du réalisme en art

 

Pour parler véridiquement de l'homicide de soi-même, il faudrait en montrer toute la crudité (carottes râpées, radis, salade de tomates ou d'endives). Mais on ne se ferait pas que des amis.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 7 août 2022

De robustes protozoaires

 

Pour briser un foraminifère, vous pouvez toujours y aller. Ces organismes benthiques unicellulaires sont très costauds. C'est pourquoi on parle des « foraminifères infrangibles » (et on ajoute parfois « du néant »).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Oscabrion

 

L'oscabrion est un mollusque marin gastéropode, au corps ovale, large et plat, dont la coquille dorsale est recouverte de plaques calcaires, et qui se fixe généralement sur les rochers. On l'appelle aussi chiton. Le pénible Hugo l'a qualifié de « scarabée de la vague », mais en fait, les branchies qui forment un cordon tout autour de son corps font de lui une assez bonne incarnation du Rien.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Trombidion

 

Le trombidion n'a pas son pareil pour être de couleur rouge orangé, appartenir à l'ordre des acariens et avoir une larve qui pique l'homme, provoquant des éruptions prurigineuses. Les trombidions se tiennent surtout dans les plants de haricots et, contrairement au nihilique — qui est un « gâcheur » —, ils excellent dans leur art (qui est simplement celui d'« être » — d'être des trombidions, en l'occurrence).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Mot

 

Que signifie penser ? Quand on y réfléchit ? Rien ! Peau de révérence parler zob !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 30 juillet 2022

Vers le grain de sable

 

Érosion de l'esprit, érosion de la volonté, érosion des sentiments... Pas besoin d'avalanche, de jökulhlaup ou d'orage. Le temps y suffit amplement. Il arase toute chose, l'excave, la ravine et, dans une incoercible et infundibuliforme dynamique, l'entraîne vers sa destination finale : le grain de sable.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Nihilisme russe

 

Se lever au beau milieu d'un concert symphonique et s'exclamer : « Je préférerais un cornichon aigrelet ! » — Voilà ce qu'on appelle le « nihilisme russe ». Eh ben moïeux !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Nostalgie du minéral

 

Qu'il serait bon de ne plus penser... D'être de consistance pierreuse... — Lapidification du cerveau ! Tout de suite ! Que ses bulbes pétrifiés scintillent dans la délicate lumière du Rien !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Logique des cupulifères

 

S'il faut en croire Angelus Silesius, « la rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu'elle fleurit ». Mais ce n'est pas le cas des cupulifères, ces végétaux ligneux qui portent des cupules, autrement dit des organes écailleux en forme de petite coupe qui entourent leurs fruits (comme l'involucre lignifié qui enserre le gland dans le cas du chêne — mais on pourrait également citer le hêtre, le châtaignier et le noisetier). Ces cupulifères semblent obéir à des règles non écrites, ils ne font pas n'importe quoi et ne fleurissent pas n'importe comment. Tout laisse à penser au contraire qu'il existe une « logique des cupulifères » — dont la beauté ne le cède en rien à celle du pachynihil.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Quiddité du minestrone

 

L'absolue quiddité du minestrone (adjectival ou non), on ne peut la ruiner qu'en le mangeant.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

No way out

 

La globalité asphyxiante du Tout inclut aussi la mort (ce qu'on peut voir comme un argument contre l'homicide de soi-même).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Agiosimandre

 

Quand il discute du Rien avec des imbéciles — ce qui lui arrive tout de même assez rarement —, le nihilique se fait volontiers dogmatique, aussi dogmatique qu'un agiosimandre, ce gong de bois ou de fer qui, en Grèce, faisait office de cloche et qu'on ne trouve plus que dans les dictionnaires.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une dangereuse rencontre

 

Un jour, nous rencontrons le Rien, par exemple sous la forme d'un arrosoir en zinc. Cette rencontre nous fait sortir illico presto du rêve que nous avions appelé jusqu'à ce moment « réalité empirique ». Et alors nous nous réveillons très seuls, effroyablement seuls.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 29 juillet 2022

Tout pour plaire

 

Le « monstre bipède »... Si ce monstre n'était qu'urbain... Mais il est aussi masticatoire !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

De la coalescence des choses

 

Quand on aménage une plateforme sur les branches fourchues d'un cognassier, on s'aperçoit après quelque temps que la plateforme ne fait plus qu'un avec le cognassier — et l'on peut alors parler d'un « cognassier-plateforme ». Un tel « cognassier-plateforme » est entre parenthèses un lieu idéal où se percher pour s'empiffrer de phonèmes (ba, be, bi, bo, bu).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Inconscient collectif

 

Quand on analyse en laboratoire ce que le psychiatre Carl Gustav Jung appelle « l'inconscient collectif », on ne trouve au fond de l'éprouvette qu'une liqueur visqueuse d'apparence assez dégoûtante. Ainsi, c'est à ce jus poissard que se réduit la psyché de la foule pantophobique, tout au moins sa partie transpersonnelle ?!

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Cri patent

 

Malgré les falbalas dont s'orne l'existence, le désespoir est vivace, et son cri des plus patents.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 28 juillet 2022

Gerfaut moderato

 

À la fin de sa sonate n° 18 en mi bémol majeur dite « La Chasse », Ludwig van Beethoven, qui était féru de fauconnerie, décida d'introduire un gerfaut, mais il se posa longtemps la question de savoir s'il fallait le jouer allegro ou moderato. Il opta finalement pour cette dernière solution et bien lui en prit.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Voir les choses

 

Un jour qu'il était « gonflé à bloc », le philosophe Arthur Schopenhauer nota dans le calepin qui ne le quittait jamais : « Il est sans doute beau de voir les choses, mais il n'est nullement beau de faire partie des choses. » Il n'avait que partiellement raison. Car en réalité, il n'est pas beau de voir les choses. C'est même assez répugnant.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pour se soulager

 

Si on en avait les capacités, il faudrait dire ce qu'on pense de la vie et de la mort, histoire de se soulager un bon coup. Cela pourrait prendre la forme d'un ouvrage en deux parties : tome 1 : De la vie ; tome 2 : De la mort.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Aux pommes

 

La destinée du nihilique est-elle tragique ou catastrophique ? Ou un mélange des deux ? En tout cas, une chose est sûre : elle est lugubre. En général, vivre est lugubre. Mais il semble que les gens n'en ont pas conscience. Ils font « jore » qu'ils trouvent la vie « aux pommes ». Les salops !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Digestion

 

Pour digérer la civilisation, l'adepte du chaos nihilique mâche une cuillère à café de graines de fenouil à la fin des repas. Il n'ignore pas, en effet, que le fenouil, et spécialement sa variété douce (Fœniculum vulgare var. dulce), renferme des fibres qui favorisent la digestion en aidant au bon fonctionnement intestinal. Et, fervent lecteur de Tacite, il ne sait que trop combien la civilisation, cette malhonnête caponne, brasse les mauvais instincts de l'humain — ce qui la rend des plus difficiles à digérer.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Tyrannie du pachynihil

 

Vorace tel un voïvode, diabolique tel un diadoque, le Rien exerce une contrainte oppressive sur l'esprit, les sentiments et la volonté du malheureux qui a la déveine de tomber en son pouvoir. Voltaire lui-même l'a reconnu (dans une lettre à Frédéric II) : « De toutes les idées qui tyrannisent notre âme, il n'en est aucune de plus funeste que celle du Rien. On est paralysé. On ne peut plus rien faire. Parlez d'une vie ! »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)