L'intelligence des électriciens

 

Dans sa chanson Gelato al limon, le chanteur Paolo Conte parle d'une femme qui entre dans sa vie « avec une valise de perplexité » (con una valigia di perplessita). Ému par sa détresse, il se propose de lui offrir « l'intelligence des électriciens » (l'intelligenza degli elettricisti). On comprend qu'il veut lui enseigner la loi d'Ohm et les lois de Kirchhoff, mais la connaissance de ces lois suffira-t-elle à tirer la malheureuse de l'angoisse quasi kierkegaardienne où elle est plongée ? Et n'oubliera-t-elle pas de « mettre à la terre » ?

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Un personnage du genre collant

 

Dans Crime et châtiment, Semion Zakharovitch Marmeladov est un petit fonctionnaire dont l'alcoolisme entraîne sa famille dans la misère. Comble de déchéance, il passe par les trous de la tartine ! Ces trous, avec du beurre, Raskolnikov parvient à les boucher, mais ça ne sert à rien, c'est un leurre. Car l'infortuné Marmeladov coule par les côtés !

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Coup de foudre

 

Georges Hegel marchait au bord de la piscine tandis que le concept sommeillait dans un transat. Ils se sont vus, ils se sont souri, il n'a rien fallu de plus.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Ornithologie

 

Disciple de William Henry Hudson, le nihilique parcourt à cheval la « réalité empirique » pour observer les oiseaux. Il s'est muni d'une lunette, d'une gourde et d'un carnet, mais tout ce qu'il voit, c'est de la merde ! Il avait déjà échoué avec l'intelligentsia viennoise, et maintenant les oiseaux ! Il y a de quoi être furax. N'y a-t-il donc rien d'autre à voir que de la merde, dans cette « réalité empirique » ?

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Diable de Papini

 

Il est de bon ton de prétendre que la femme est un être humain comme vous et moi, mais en réalité, tout le monde le sait, c'est un diable — un diable de Papini.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Au trou

 

Il n'y a pas que Silvio Pellico, le nihilique aussi a ses prisons : le Moi, le temps, le vocable reginglette... Mais n'est-ce pas le cas de tout homme ? Qui pense et qui sent ?

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Répudiation du dernier Nietzsche

 

Le 17 novembre 1969, le « négateur universel » Émile Cioran décida qu'il n'aimait plus le dernier Nietzsche (sauf Ecce Homo). La mégalomanie, ça allait cinq minutes, mais trop c'était trop. Aux doubles-vécés, le dernier Nietzsche (sauf Ecce Homo) ! Cependant, hésitant comme à son ordinaire, le Grandiloque se demanda s'il n'était pas en train de « déconner ». Il sollicita donc l'avis d'Ionesco. Celui-ci, qui était en train de manger une côtelette de veau — toujours son goût de l'absurde ! —, le rassura. Lui non plus ne pouvait pas piffrer le dernier Nietzsche. Tout allait bien. La vie pouvait continuer.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Séduction impossible

 

Pour séduire une personne du sexe, il faut faire « jore » qu'on s'intéresse à sa « personnalité ». Mais c'est justement ce qui est impossible !

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Sale coup

 

Comme Marcel Duhaut, le nihilique sent qu'il a été promis — mais par qui ? le pape François ? la reine d'Angleterre ? — à l'amertume de vivre.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Pyrotechnie pétalière

 

En mai, quand les branches des pommiers sont couvertes de fleurs, c'est un véritable feu d'artifice de pétaux.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Un virtuose du triclarynthe

 

Par excellence, le triclarynthe est l'instrument du Rien. On en tire des sons déchirants. Le nihilique l'emploie pour accompagner ses mélopées qui, quant au lugubre, rivalisent avec celles de la fille Gréco.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Alles in Ordnung ?

 

L'être humain fait « jore » que tout va bien, mais il vieillit, il perd ses cheveux et ses dents, et il finit même par clamecer (sans parler des cruels panaris qu'il a pu attraper le long du chemin). C'est ça, « tout va bien » ? Eh ben moïeux !

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Paradoxe du pachynihil

 

Rien n'est ; pourtant tout est nul.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Aveux

 

« Avoir commis tous les crimes, hormis celui d'être père. » (Émile Cioran) — « Avoir commis tous les crimes, hormis celui d'être pair. » (Mgr André Vingt-Trois)

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Phénoménologie

 

Malvine Steinschneider, l'épouse d'Edmond Husserl, trouvait que son mari était lui-même un « phénomène ». Mais elle n'osa jamais le lui dire.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Fond de vérité du solipsisme

 

Même si le solipsisme est faux, même s'il existe une « réalité empirique » indépendante de notre « conscient intérieur », cette théorie comporte tout de même un fond de vérité. Nous n'allons pas nous fatiguer à vous dire quel est ce fond puisque, selon toute vraisemblance, vous n'existez pas. Mais ce fond, lui, existe. Il existe ! On peut le sentir si on est suffisamment « nihilique ».

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Indices troublants

 

Le « négateur universel » Émile Cioran pensait que la musique de Bach, sans être à proprement parler une preuve de l'existence de Dieu, pouvait laisser croire que, tout de même... Le nihilique se fait de semblables réflexions, mais à propos des mathématiques. Et certes, quand on pense que la formule de Stirling permet de calculer un équivalent asymptotique de la suite des nombres de Catalan, et que cette formule fait intervenir la racine carrée de pi, il y a bien de quoi avoir des frissons presque partout.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Horreur cosmique

 

C'est toujours avec une certaine appréhension que le nihilique prononce le nom redoutable de Yog-Sothoth. Il ne prend pas à la légère les mises en garde de Jacques Papy.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Spiritisme pachynihilique

 

Disciple d'Allan Kardec, le nihilique pense que l'homme n'est pas seulement composé de matière (ce serait quand même triste vu que la matière n'existe pas), mais qu'il y a en lui un principe pensant relié au corps physique par des filaments incandescents tels que ceux qu'on trouve dans les ampoules électriques !

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Puanteur morale du monstre bipède

 

Beaucoup de moralistes l'ont noté, le monstre bipède est un ingrat. On le tire du ruisseau et il vous trahit avec un garagiste de La Bourboule ! C'est une « espèce de dégueulasse ». On ne peut pas se fier à lui. Il pue. Si on avait encore quelque chose à lui dire, ce serait : « Tu pues ! Tu pues ! »

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Qui es-tu, mon petit bonhomme ?

 

À l'instar du créateur John Galliano qui parlait de lui-même en disant : « Je suis le créateur John Galliano », le penseur byzantin du XV^e siècle Gémiste Pléthon aurait pu dire : « Je suis le penseur byzantin du XV^e siècle Gémiste Pléthon. »

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Un « souci de santé » du Grandiloque

 

Contrairement à celui des réels, le corps du « négateur universel » Émile Cioran n'était pas totalement ordonné. Le Grandiloque se plaignait d'avoir des fourmillements dans les « guizots ».

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Sur les faiseurs d'aphorismes

 

On écrit que ceci est cela, et ça y est, on a « pondu » un aphorisme. Mais pour qui se prend-on, à dire que ceci est cela ?

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Mort de la couleur pure

 

Au dire de Gragerfis, c'est avec un mélange de térébenthine, d'huile de carthame et de diluant aux agrumes que le peintre Édouard Manet nettoyait ses pinceaux.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Liberté et aliénation

 

Médiocre joueur de billard, Jean-Paul Sartre n'en accepta pas moins d'affronter Francis Ponge, car il pensait que la manie descriptive de ce dernier allait le conduire à faire des « fausses queues » (comme en son temps Husserl avec ses « phénomènes »). L'existentialiste en fut pour ses frais et fut battu à plate couture. Il se dit que la prochaine fois, il « prendrait » Ponge aux petits chevaux, jeu où il excellait puisqu'il avait déjà battu Maurice Blanchot et Georges Bataille, tous deux joueurs réputés.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Mélancolie, langouste, Grandiloque

 

Quand il était en état d'ébriété, le « négateur universel » Émile Cioran proclamait que la mélancolie était l'avidité langoureuse de l'insoluble. Lui-même ne savait pas exactement ce qu'il voulait dire par là, mais il savait une chose : chaque fois qu'il le disait, lui venaient des images de langouste à la mayonnaise.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Impressions de lecture

 

On lit du Cioran et on se dit : « Tiens, il est marrant, ce gars-là. » Puis on referme le livre et on pense à autre chose. Comme avec tous les écrivains, en fait. « Ils sont marrants, ces gars-là. » C'est à peu près tout. On pensait qu'ils allaient peut-être changer notre vie mais tu parles.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Tourte sépulcrale

 

La scène se passe rue de Fleurus, boulevard de La Tour-Maubourg ou quai d'Orléans. Après s'être fait annoncer, on est introduit dans une salle à manger où trône une sorte de tourte sépulcrale, patibulaire et nauséabonde, entourée d'un cercle d'assiettes. C'est le plat ! On est effondré, abasourdi, paralysé. Comment va-t-on faire pour bouffer ce sacré truc ? Quelle idée, bon Dieu, d'avoir accepté cette invitation ! Pourvu qu'il n'y ait pas aussi Françoise Verny, par-dessus le marché !

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Échec au Grand Tout

 

Chaque après-midi, au jardin du Luxembourg, des joueurs d'échecs disputent des parties sanguinolentes où le Rien et le Tout s'affrontent jusqu'à la mort. Aujourd'hui, le Rien a les noirs et met en œuvre une défense scandinave à base de hareng fumé. Jusqu'ici il tient bon. Mais gare au gambit Blackmar-Diemer !

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)