On n'imagine pas le Caravage, ce maître du clair-obscur, parcourir les Pouilles au volant d'un camping-car ou d'une fourgonnette aménagée. Par contre, mis en examen, on l'imagine assez bien étant donné qu'il a été poursuivi pour meurtre (celui de Ranuccio Tommasoni, avec une épée, dans la salle à manger).
Le gars Rimbaud se croit malin de dire viride. Des mers virides, hein ? Attends un peu, nous t'en foutrons du viride, nous tuouaouar ! Tu peux pas dire vert, comme tout le monde ? C'est pour rimer avec paix des rides, c'est ça ? Eh bien t'as qu'à mettre autre chose que rides, et puis voilà. Non mais c'est pas vrai, ça !
Gracq ! On s'en fiche, que tu aies passé des vacances à Pornichet quand tu étais mouflet. Arrête de parler de ça ou ça va mal se mettre, ça va bombarder mais dur. Tu ne crois pas qu'on a autre chose à penser ? On va clamecer, tu comprends ? Alors Pornichet...
Dans son journal-qui-n'en-est-pas-un-mais-qui-en-est-un-quand-même, le nouveau romancier Pinget se dissimule derrière le pseudonyme grotesque de « monsieur Songe ». Pour cela et pour avoir adhéré à la doctrine du Nouveau roman, il est condamné à recevoir les verges « cul nu ». On s'occupera de lui dès qu'on aura traité le sieur Agamben Giorgio, ça ne va pas prendre longtemps, vous pouvez être tranquilles.
On feuillette un dictionnaire et voilà-t-il pas qu'on découvre que le ferret n'est pas un mustélidé comme on l'a toujours cru mais un genre de bijou. A-t-on été bête ! On comprend tout, maintenant. Le duc de Buckingham n'est pas aussi zinzin qu'on le pensait. Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !
Si Eric Blair changea son nom en George Orwell, c'est parce qu'il avait peur qu'on fît des « astuces nasales » à son propos, telles que « Blair ne voit pas plus loin que le bout de son nez » ou « On peut dire qu'il a eu le nez creux, ce Blair. ». Cela étant dit, il est notoire que Blair — ou Orwell — avait Staline, Beria et toute la clique « dans le pif », comme on peut le constater en lisant La Ferme des animaux.
En ne souriant jamais et en ne disant rien ou presque, gagner, comme le président Coolidge, une réputation d'homme austère et taciturne. Ne pas prendre les vignettes.
Comment vivre, on ne sait trop, mais une chose est sûre : pas question de reprendre les solutions perspectives de Paul Véronèse. On va plutôt s'inspirer du Guerchin et tâcher d'initier un renouveau luministique (ou dans le genre).
Lampride, Spartien, Vulcace n'ont jamais existé. C'était un canular d'un Nicomaque Flavien. On a le sens de l'humour, chez les Nicomaque Flavien. Au fait, Trebellius Pollion non plus, ni Jules Capitolin, ni Vopisque. C'est à vous dégoûter de tout, cette affaire-là.
Beaucoup d'auteurs dont quelques-uns respectables font grand cas de Stendhal. Pourtant on en a lu, soi aussi, et on n'a pas trouvé que ça cassait trois pattes à un canard. Julien Sorel est un insupportable béjaune, et quant à Mathilde de la Mole, c'est une pochetée qui incarne — et encore pas très bien — le nombre d'Avogadro. On aimerait l'enfermer dans une enceinte adiabatique pour lui apprendre à contenir autant d'entités élémentaires qu'il y a d'atomes dans douze grammes de carbone. Pochetée, va !
Il vaut mieux aller à la Samar qu'à la Salpette, en un sens... — un sens difficile à préciser mais dont tout un chacun peut avoir l'intuition bergsonienne.
La vie du nihilique, comment la décrire ? Simplicité épurée et grave ; absence de détails inutiles ; grand espace vide à l'arrière-plan... On se croirait dans un tableau du Pérugin.
Hergé a de ces trouvailles géniales comme de faire dire à Tintin : « À la capitainerie du port ! » Bossuet, Fléchier, Massillon sont dépassés — ainsi que Nietzsche et sa « mort de Dieu ».
Bien qu'il fût convaincu qu'on y trouvait de tout et notamment des vestiges romains, il n'était jamais allé en Samarie, l'historien Taine. Il trouvait que c'était trop loin et se fournissait en vestiges au Bon Marché, plus proche de chez lui.
Tandis qu'il peignait le portrait de Galeazzo Sanvitale, le Parmesan faillit se retrouver dispersé dans un plat de pâtes. Il ne dut sa survie qu'à l'intervention in extremis du Corrège.
À
cause de son intranquillité, de son crâne en pain de sucre et de son
teint blafard, Fernando Pessoa — Ô roues, ô engrenages, r-r-r-r-r-r-r
éternel ! Violent spasme retenu des mécanismes en furie ! — était
surnommé « tête de nave » par les habitués du café Martinho da Arcada. Il
essayait de faire mine de rien mais cela le courrouçait et le rendait
encore plus intranquille.
Le
critique Georges Poulet était le frère cadet de l'écrivain et
journaliste Robert Poulet. Les deux furent élevés en plein air à Chênée,
près de Liège. Leur talent pour l'écriture leur permit d'échapper au
sombre destin que leur prédisaient certains cassandres, celui de « finir
chez le colonel Sanders ou chez le général Tso ». Robert perdit tout de
même quelques plumes à la Libération (il fut condamné à mort par la
justice belge avant de voir sa peine commuée et de s'exiler en France).
Le
simple fait de voir Albert Béguin converser avec Henri Ghéon exacerbait
le côté possessif d'Edmond Jaloux. Il s'était entiché de Béguin et
voulait l'avoir pour lui tout seul.
Évoquer
Charles Du Bos sans parler de spiritualité, le voudrait-on qu'on ne le
pourrait pas. D'ailleurs, personne n'a été assez stupide pour essayer.
En un mot comme en cent, Du Bos était un chrétien travaillé par le
doute. Son sentiment religieux était inséparable de son expérience
esthétique. Oh, et puis merde, tiens.
Il
est absolument indispensable d'espérer pour entreprendre et de réussir
pour persévérer. Quand on n'espère rien, on reste dans son pageot à lire
du Luc Pulflop, et quand on ne réussit pas, on envoie aux chiottes tout
le saint-frusquin. C'est humain. Et ceux qui disent le contraire mentent.
Les
concepts de volonté et de représentation, quand on est schopenhauerien,
on les applique d'abord au monde, à la mer, aux forêts, puis une fois
qu'on a pris le tour de main, aux roses que l'hiver prépare en secret. À
condition de le faire très soigneusement, ça marche au poil.
Quand
il était en verve conceptuelle, Kant écrivait des critiques (de la
raison pure, de la raison pratique, de la faculté de juger) à rendre
Edmond jaloux.
Pour
le critique Georges Poulet, le moyen par excellence de cerner un auteur
était d'étudier sa perception de la durée. Molière, Proust, Flaubert,
Montaigne, Stendhal, tous furent les victimes de son zèle de maniaque.
Poulet a écrit une tétralogie intitulée Études sur le temps humain.
Coïncidence ? Le tétras est un gros gallinacé vivant dans les forêts de
conifères.
S'il
y a des avocats en robe discutant sur les marches du Palais de justice,
c'est du Daumier. S'il y a des clowns, des acrobates et des dompteurs,
c'est du Gavarni ; Marcel Campion, du tir à la carabine, de la barbe à
papa, c'est du Forain.