Proverbe sculpturiste

 

Mieux vaut construire un mobile en tôle zinguée avec Calder que faire le branque avec Brancusi.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Plan machiavélique de Pilate

 

« Quand vous serez en Syrie, je veux que vous encercliez Tartous et l'attaquiez. All right, goddam rascals ? C'm on, let's go ! » Ainsi parla Pilate à ses légionnaires, selon l'historien Josèphe.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Approbation conditionnelle

Comme Pascal, nous approuvons ceux qui cherchent en gémissant, mais à la condition (signée Couasnon) qu'ils ne fassent pas ça aux ouataires.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Pochetée

Quand on lit ses écrits, on voit tout de suite que Kierkegaard était un bon gars. Et capable, avec ça : la reprise, l'angoisse, les trois stades de l'existence, la distinction qualitative infinie... ce n'est pas tout le monde qui aurait pu trouver ça. Alors pourquoi Régine Olsen a-t-elle épousé ce crétin de Schlegel ? Elle voulait prouver qu'elle était une pochetée ? Les bonnes femmes, il n'y a pas à dire, c'est quelque chose... Vous pouvez être le philosophe de la liberté et de l'authenticité, le penseur du tragique et de la solitude, elles n'en ont rien à foutre. Pour elles, tout ce qui compte, c'est les pépettes.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Histoire de Zachée

C'est Jésus qui traverse la ville de Jéricho et y a Zachée qu'est grimpé dans un sycomore alors quand Jésus le voit, il lui dit : « Descends de là fissa, faut que j'aille habiter dans ta maison, astheûre. » Alors le gars Zachée il répond : « T'as pas dit Jacadi alors mon cul, mon cul ! » et il baisse son bénard et montre son prose à Jésus. Alors Jésus lui dit : « T'es vraiment con, toi ! Mais tuouaouar, je vais te signaler à mon dabe et ça va barder pour ton matricule, tuouaouar. » Et alors Zachée il a les miquettes et il descend du sycomore. C'est marrant, non ?

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Prévisibilité du monstre bipède

 

Quand on épouse un fabricant de bouchons de bouteille de vin, il faut s'attendre à se voir infliger des discours sur les bouchons de bouteille de vin ; un suicidé philosophique, des monologues sur le suicide philosophique. Et ainsi de suite. Le monstre bipède, ce n'est pas la fantaisie qui l'étouffe. Il est d'un prévisible !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Gaffe aux réminiscences

 

L'existentialiste est un être perpétuellement en chantier : il se définit soi-même en étant. En étant de Soustons ? Non pas ! Car il ne tient pas à être foudroyé par une réminiscence de vocabulaire !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Néothomisme gilsonien

 

Si l'on ne veut pas se retrouver — métaphysiquement ! — en slip, il faut mettre au rancart l'existentialisme tant athée que chrétien et recentrer le débat sur la primauté de la notion d'être — et c'est justement ce que fait Étienne Gilson. Le néothomisme ! L'être et l'essence ! L'essence et l'être !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Parla più forte, Giacomo

 

Le calculateur prodige Jacques Inaudi ne parlait pas assez fort, ce qui fait que pour les gens situés dans le fond de la salle il était parfaitement... les gens n'entendaient rien, quoi.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mémoire sélective de Perec

 

Georges Perec se souvient de Puig-Aubert dit Pipette, mais bizarrement, il ne se souvient pas du gardien de but Dino Zoff dont le nom évoque pourtant celui d'un grand saurien du Mésozoïque. Il a la mémoire sélective, à ce qu'il paraît.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Pour en finir avec la pensée de gauche

 

Mettre un horion à Paul Jorion, un cocard à Albert Jacquard, les doigts dans les yeux à Bourdieu et — s'il nous reste un peu d'énergie — exploser le tarin à Edgar Morin. Ces énergumènes ont fait trop de dégâts. Assez de salamalecs !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Badiou et le dépassement de l'herméneutique

 

« T'as vu ça, Dédé ? Y a pas d'herméneutique badiousienne, on dirait...

— Ouais mais c'est pas étonnant vu que Badiou peut pas blairer l’herméneutique. Il dit que ça lui donne de l'urticaire... l'herméneutique en général et la suture de la philosophie à la poésie en particulier.

— Ah ouais, merde, c'est vrai, j'avais oublié. »

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Extraction de racine

 

Le calculateur prodige Jacques Inaudi pouvait vous extraire une racine en moins de temps qu'il n'en faut pour cuire des asperges. Charcot lui-même, le Charcot de la « Salpète », en était soufflé et se demandait s'il n'y avait pas un truc. Quant à Edmond Husserl, il disait qu'il n'avait jamais vu pareil phénomène.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Proverbe théosophique

 

Il vaut mieux ingurgiter du pineau des Charentes avec Gurdjieff que bavasser avec Madame Blavatsky ou coller une châtaigne à Steiner Rudolf.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

État globalement satisfaisant du peintre Dossi

 

Le peintre Dosso Dossi disait qu'il se sentait couci-couça mais que dans l'ensemble ça allait. Et puis ses tableaux avançaient bien, il ne fallait pas se plaindre.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Eisweltlehre

La théorie de la glace cosmique de Hanns Hörbiger, qu'il publie en 1912 dans un ouvrage intitulé Hörbigers Glacial-Kosmogonie, énonce que la plupart des corps de l'univers sont constitués de glace. Hörbiger recommande à ses contemporains de porter un slip en laine afin de protéger du froid leurs « parties sacrées », mais sa thèse et sa suggestion sont rejetées par la communauté scientifique.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Les bannis

 

Peut se considérer comme un paria et un handicapé de la vie celui qui non seulement ne prend pas les vignettes mais porte au front l'opprobre de n'avoir pas la carte du magasin.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Divagation

 

« Ornithorynx où ma voix relègue aucun contour », écrit Mallarmé avant de se reprendre et de remplacer nithorynx par de l'oubli.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Bellua qua non occisa

 

La bête qu'il faut tuer pour qu'il soit possible de vivre, c'est le maringouin — le moustique. Dans son Commentaire de l'épitre aux Galates, Luther dit la raison mais ce n'est pas à proprement parler une bête.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Particules

 

Les mésons sont des hadrons, donc des bosons. Ils possèdent un spin entier. Comme Antonin Artaud mais pour d'autres raisons, ils sont très instables, leur demi-vie étant inférieure à un dix-millionième de seconde. Ils s'entendent assez bien avec les gluons et sont, comme ces derniers, considérés comme des médiateurs de l'interaction forte. Si l'on voulait les accabler, on pourrait dire qu'en empêchant les quarks de se disperser, ils permettent l'existence de l'univers tel que nous le connaissons.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Anxiété de Gégère

 

Dans son ouvrage Des Atomes et des hommes, Louis Leprince-Ringuet raconte que l'inventeur du compteur Gégère, Hans Gégère, « craignait les radicelles gamosépales de son humble mucron nodal ». Cette crainte le rendait mélancolique et faisait qu'il « n'irradiait pas toujours la bonne humeur ».

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Scène du fiacre

 

Dans Madame Bovary, le pharmacien Homais est subjugué par le gros fiacre d'Emma au point d'en perdre le boire et le manger (voir la scène de la fin du premier chapitre de la troisième partie). Ce fiacre est, nous dit Flaubert, « une lourde machine » — ce qui peut expliquer l'émoi du pharmacien.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Chimères

Espérer s'entendre avec une personne du sexe est à peu près aussi réaliste que de vouloir, comme le Mientus de Ferdydurke, fraterniser avec un valet de ferme.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Oblomovisme

 

Rester au lit n'est pas une attitude responsable. On le fait pourtant, mais quand on se réveille, on se dit que ça y est : à être aussi peu productif, on va encore perdre des « points de pibe ».

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Â-ification du réel

 

Mâcon ne se prononce pas Macon mais Mâcon. Aller à Mâcon. Boire du vin de Mâcon. 

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Insoutenable légèreté

 

Il est dans la nature de l'homme de penser, même dans les circonstances les plus tragiques, à des calembours stupides tels que Rudol Fesse ou encore le trou (de mémoire) de Baldur von Schirach. Cette immaturité gombrowiczienne ne plaide pas en sa faveur.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Climax spinozien

 

La légende raconte que chaque fois qu'il atteignait à l'extase conceptuelle, Baruch Spinoza s'écriait : « Surrender, Dorothy ! »

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Aut Cæsar

 

Si l'on ne peut être le créateur du ciel et de la terre, autant n'être rien. Et justement... comme ça se trouve !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Salut par le concept

 

Spinoza et après lui Gilles Deleuze enseignent aux hommes comment il faut vivre au milieu de cette réalité cauchemardesque dont on ne peut se réveiller : le « truc » est de créer des concepts. Plus on crée de concepts, mieux c'est.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)