Au petit séminaire de Fribourg, Heidegger est toujours aussi malheureux. Il commence à se voir comme un « handicapé de la vie ». Il lit Leopardi et Fernando Pessoa 1, mais rien ne peut soulager l'oppression qu'il ressent « au niveau du Dasein ». Il écrit dans son journal qu'il « s'embouque en d'usuelles asphyxies » et que son Moi le « bourrelle continûment ».
Un jour, pour vivre une « expérience limite », il se met un nœud coulant autour du cou avec une ficelle qu'il attache au portique d'entrée du potager, mais n'en retire qu'un beau collier en croûte badigeonné de mercurochrome qu'il doit exhiber pendant deux semaines.
Pendant l'été 1907, un événement survient qui va changer le cours de sa vie. Le père Conrad Gröber, directeur du petit séminaire de Constance et futur archevêque de Fribourg, lui offre la dissertation de Franz Brentano intitulée De la diversité des acceptions de l'être d'après Aristote (1862). Heidegger affirmera à plusieurs reprises que ce livre a été son « guide à travers la philosophie grecque », le conduisant à relire Aristote, dont il écrit dans Mon chemin de pensée et la phénoménologie (1963) que la phrase : « l'être se dit de multiples manières » a décidé de son « chemin de pensée ». Il n'aura de cesse désormais de débusquer l'un de ce divers, « dussent les rues ruisseler de sang ».
1. « Ô roues, ô engrenages, r-r-r-r-r-r-r éternel ! Violent spasme retenu des mécanismes en furie ! »
(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)
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