jeudi 31 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Dévitalisation


L'assimilation au Rien vers laquelle tend le suicidé philosophique s'accompagne obligatoirement d'une diminution du sentiment de la personnalité et de la vie. Le suicidé philosophique mime le minéral — schiste, gneiss, feldspath, grauwacke selon les cas — et dissimule ou abandonne ses fonctions de relations. La vie recule d'un degré.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Apostrophe au Mômo


Le souffle du pachynihil congèle la pensée, précipitant la stratification puis l'érosion de l'esprit. Pas vrai Artaud ?

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Monarque temporaire


Il semble bien qu'il faille reconnaître dans l'excrément un exemple du monarque temporaire, prêtre, sorcier et dieu tout ensemble, si bien défini et illustré par Frazer. Les témoignages de Platon, de Strabon et de Denys d'Halicarnasse se laissent aisément interpréter à cette lumière.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mercredi 30 janvier 2019

Avant-dernier refuge


Las de l'inanité d'une existence convulsive, mastiquer les filandreuses fougères de l'aliénation mentale.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Espace noir


À la question : « où êtes-vous ? », les suicidés philosophiques répondent invariablement : « je sais où je suis, mais je ne me sens pas à l'endroit où je me trouve. ». L'espace semble à ces esprits dépossédés une puissance dévoratrice qui les poursuit, les cerne, et les digère en une phagocytose géante. À la fin, il les remplace. C'est ce qui arriva au poëte lausannois Edmond-Henri Crisinel, dit « le Nerval vaudois ». Le 25 septembre 1948, se sentant devenir « de l'espace noir, où l'on ne peut mettre de choses », il choisit de se donner la mort en se jetant dans le lac Léman.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Ça commence bien...


Clinique du Grand Rien, deux heures de l'après-midi. J'attends mon tour dans une atmosphère d'éther et de crachats, recroquevillé sur une chaise en fer qui me brûle l'échine. Diable ! Que la vie s'annonce glaciale !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

mardi 29 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

Jettatura


Le nom de stercoris, prophète, que les anciens ont donné à l'excrément, est significatif. Son apparition annoncerait la famine, sa sinistre teinte un malheur à toutes les créatures qu'il dévisage. Aristarque rapporte qu'on lui attribuait le mauvais œil. On emploie son nom pour désigner les gens insolents. À Rome, son pouvoir magique était très connu : si quelqu'un tombait malade, on lui disait : « l'excrément t'a regardé ». Il paraît même avoir joué un rôle religieux défini : il figure en effet sur une monnaie proserpinienne, à côté de l'épi sacré des Mystères d'Éleusis. Dioscoride enfin rapporte qu'on l'utilisait comme médicament.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Commissoire


Commissoire ! Telle est une clause dont l'inexécution annule l'acte qui la contient : pacte commissoire. Concluons un pacte commissoire avec le Grand Rien.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Catalepsie


Des attitudes cataleptiques aident parfois le suicidé philosophique à rejoindre le règne minéral, ou à défaut le végétal : immobilité du poëte vaudois Edmond-Henri Crisinel, tandis que le philosophe Weininger laisse pendre ses longs bras, sans parler de la rigidité d'un Albert Caraco qui évoque à certains égards la contracture hystérique. Inversement, le balancement machinal de l'écrivain dadaïste Jacques Rigaut n'est-il pas comparable à un tic ?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

lundi 28 janvier 2019

Baciccia


Baciccia se distingue par sa pénétration psychologique et un accent de cordialité qui révèle la familiarité du peintre avec le milieu papal.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Brigitte Bardot lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Vieille feuille


À force d'acharnement, la jankélévitchienne « temporalité du temps » finit par donner au Dasein des allures de vieille feuille. « On ne saurait mieux marquer le caractère foncièrement déficient, tourné vers l'immobilité et le retour à l'inorganique, qui me paraît l'essentiel de ce processus mortel qu'on nomme la vie », note à ce sujet Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Hommes d'action


L'angoisse de la mort ne hante pas les cervelles rubéfiées des bipèdes agissants.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

dimanche 27 janvier 2019

Interlude

« Lâche-moi, crétin, je lis les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine ! »

Emprise magique du Rien


Les analyses de Gragerfis sont ici précieuses : le Rien n'est pas la simple absence d'être ; il y a quelque chose de positif en lui. Alors que l'être est aussi vaporeux qu'une barbe à papa, le Rien est « étoffé », il touche directement l'individu, l'enveloppe, le pénètre et même passe au travers : ainsi « le Moi est perméable pour le Rien tandis qu'il ne l'est pas pour l'étant — existant ou subsistant, n'importe. » La sensation de mystère que fait éprouver le taupicide ne viendrait pas d'autre chose.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Agir


La seule pensée de devoir appuyer tantôt sur la queue de détente me fatigue terriblement, me donne envie d'aller me recoucher — et gémir.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de de Robert Férillet

Un déguisement peu ragoûtant


Dans son désir de fusionner avec le Grand Indéfini d'Anaximandre, l'homme du nihil s'assimile non seulement au végétal ou au minéral, mais encore à l'excrément. Ainsi, un suicidé philosophique décrit par Poulton affecte la ressemblance avec une fiente d'oiseau, en un mimétisme parfait de forme, de couleur et de consistance 1. De même, un nihilique du British Museum apparaît au repos comme un petit amas allongé, blanchâtre à l'une de ses extrémités et noir à l'autre, tout à fait identique à une déjection de mésange. Posés sur la même feuille, un excrément réel et le zélateur du Rien sont indiscernables.

1. E.-B. Poulton, The colors of philosophical suicidees, Intern. scient. series, t. LXVIII, Londres, 1890.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Penser


Savoir qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil, que tout a déjà été dit, et parvenir quand même à formuler une pensée, fût-elle embryonnaire... Prodige d'impudence et d'absurdité, sans doute, mais qui seul donne au « Dasein » l'illusion d'exister.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

samedi 26 janvier 2019

Interlude

Jeune fille lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Automate


L'excrément, par ses seules mœurs cavernicoles, possède déjà des titres suffisants pour expliquer l'intérêt qu'on lui porte, l'émotion qu'il suscite communément. Mais ce ne sont pas les seuls. Il se présente de plus, avertit M. Léon Binet, comme « une machine aux rouages perfectionnés, capable de fonctionner automatiquement ». — Et il est de fait que sa reptation dans le « boyau culier » paraît inconsciente et spontanée, pour tout dire automatique !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Socialisme utopique mon cul


À chaque instant, le monde croule et se désintègre, mais c'est pour être aussitôt refait à neuf par les insanes disciples de ce détestable vermisseau, de ce « Cabet ».

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Espaces


Dans le même temps que la science contemporaine multiplie les espaces représentés (espaces de Finsler, de Fermat, hyper-espace de Riemann, espaces topologiques de Baire, de Haussdorff, de Hilbert, de Schwartz, espaces abstraits, généralisés, ouverts, fermés, denses en soi, clairsemés, etc.), il n'a jamais été aussi difficile à l'homme du nihil de trouver une place où poser son Moi œdémateux.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)