« Comme
je traversais la rue Racine, en proie à de noirs pensers (la tombe de
Celan), je marchai dans l'Un plotinien, heureusement du pied gauche. »
(Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
Il
ne faut pas s'en prendre à l'existence en faisant de belles phrases,
tel un Grandiloque des Carpates. Il faut lui dire des gros mots, comme
l'a fait Ferdine. Salope !
Parfois,
quand vous ouvrez les yeux le matin, la réalité empirique vous assaille
avec une force telle qu'on pourrait la suspecter d'avoir mangé du
Topset.
L'idée
du Rien, c'est un peu comme le Banga : il y a des fruits (juste ce
qu'il faut), il y a de l'eau (mais pas trop). Et comme le Banga, on peut
en boire à gogo (si tant est que l'on puisse parler de boire quand il
s'agit d'une idée).
Contrairement
au « Grandiloque des Carpates », Otto Weininger a mis ses idées en
pratique en se suicidant. Et surtout, surtout, il n'avait pas de « Simone
Boué », lui.
Pourquoi
Levinas a-t-il jeté son dévolu sur autrui ? Et Merleau-Ponty sur le
corps ? Ils n'avaient rien de mieux à faire ? Comment en arrive-t-on à
parler de telles bêtises, alors que le Rien vous tend les bras ?
Quand,
dans l'Étoile mystérieuse, le professeur Calys demande à Tintin s'il
aime les caramels mous, on sent bien que ce qu'il aimerait lui demander,
en fait, c'est pourquoi il y a en général de l'étant et non pas plutôt
rien.
Ferdine
traverse toute l'Allemagne pour aller aux obsèques de Bichelonne. Il a
la coquille noire et du crêpe autour des cornes. Il s'en va dans le
soir, un très beau soir d'automne. Hélas, quand il arrive à Hohenlychen,
le docteur Karl Gebhart a déjà disposé du corps de l'infortuné
Bichelonne.
Le
maréchal Pétain avait peut-être des mauvais côtés, mais il haïssait les
mensonges qui nous ont fait tant de mal — et ça, c'est quand même
appréciable. Les mensonges ! Entends-tu, bourrelle ? Et il ajoutait
parfois en manière de plaisanterie que la terre, elle, ne ment pas.
Lazare
pensait être enfin pépère, et voilà que Jésus se pointe et s'avise de
faire le kéké avec ses « miracles ». — « Lève-toi et marche. » Ah bien
oui, vraiment !
Le
léviathan de Job est évidemment le crocodile, et son béhémoth est très
certainement l'hippopotame — et non l'éléphant, comme ont voulu le
faire croire certains esprits simples férus de « réchauffement
climatique » et de « développement durable ».
L'idée
du Rien mérite mieux que les singeries poststructuralistes. Nous avons
été patients mais la plaisanterie a assez duré. Contre le
déconstructionnisme derridien et foucaldien, jetzt wollen wir den
totalen Krieg !
Il
y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n'en rêve
ta philosophie. Pour commencer, il y a tous ces objets dont la forme
rappelle un tant soit peu une tête de chien couché.
Comme
Mallarmé, le nihilique a lu tous les livres — du moins tous ceux qui
méritaient d'être lus (il n'y en a pas tant que ça). Et toujours comme
Mallarmé, il s'est retrouvé Gros-Jean comme devant. Mais contrairement à
Mallarmé, il n'a pas fait sa mijaurée et rêvé de fuir là où les oiseaux
sont ivres d'être parmi l'écume inconnue et les cieux. Aux chiottes les
oiseaux ! Aux doubles-vécés !
Quand
on se refuse déjà à « avoir une vie » (parce que c'est vraiment trop
bête), à quoi bon commettre l'homicide de soi-même ? Il est probable que
ça ne changera pas grand chose. Mais tout de même, ça devrait éliminer
le côté « malaisant » d'exister.
Dans
le temps, il y avait dans les autobus des places « réservées aux mutilés
de cul ». Pourquoi n'y en a-t-il plus ? C'était pourtant bien pratique — et pas seulement pour les mutilés de cul, mais pour les « handicapés
de la vie » en général, qui pouvaient s'y reposer un instant des tracas
de l'existence.
Vivre
est un signe de faiblesse. Le seul type vraiment balaise, mentalement
et physiquement, le gars qui ne s'en laisse pas conter, le vrai dur à
cuire, c'est le « décédé ».