« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mercredi 1 août 2018
Conservation (Raymond Carver)
Le mari de Sandy restait sur le canapé depuis qu'il avait été viré. Trois mois plus tôt, il était rentré pâle et nerveux, avec toutes ses affaires de travail dans une boîte.
— Joyeuse Saint-Valentin, dit-il à Sandy en posant sur la table de la cuisine une boîte de chocolats en forme de cœur et une bouteille de Jim Beam.
Il ôta sa casquette et la mit aussi sur la table.
— Je me suis fait virer aujourd'hui. Qu'est-ce que tu crois qu'on va devenir, maintenant ?
Sandy et son mari s'assirent à la table, burent le whisky et mangèrent les chocolats. Ils parlèrent de ce qu'il pourrait faire au lieu de poser des toits sur des maisons neuves. Mais ils ne trouvèrent rien.
— Si j'en crois le philosophe Albert Camus, nous devons nous attendre à éprouver la pénible sensation de vivre isolés dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort, dit Sandy. D'après lui, ce n'est pas le monde qui est absurde, mais la confrontation de son caractère irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus profond de l'homme. Il prétend aussi que l'étant existant a du mal à accepter que vivre se réduise à « faire les gestes que l'habitude commande », et que c'est pour avoir reconnu le dérisoire de cette habitude, et le caractère insensé de cette agitation quotidienne, que de nombreux désespérés, exempli gratia Edmond-Henri Crisinel dit « le Nerval vaudois », ont commis l'homicide de soi-même.
— Eh bien, ça promet, dit son mari.
(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)
Lycanthropie
Dans quelques cas, heureusement très rares, l'idée du Rien, tombant dans un esprit fragile, inocule en celui qui la reçoit la persuasion intime qu'il est loup. Et cette singulière hallucination, tout de suite, lui donne la propriété nouvelle de courir pendant des heures à perte d'haleine, de franchir les fossés à quatre pattes, de s'attaquer à belles dents à des enfants, d'étrangler des séries de jeunes filles, et de les dévorer avec délices...
Mais de ce que l'idée du Rien puisse conduire à de tels excès, doit-on conclure à sa nocivité en général ?
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
mardi 31 juillet 2018
Les rescapés du Télémaque (Georges Simenon)
Les mêmes causes produisent les mêmes effets et l'arrivée d'un bateau dans un port est précédée d'un certain nombre d'allées et venues invariables, le bateau fût-il, comme dans le cas présent, un chalutier de Fécamp armé à la pêche au hareng.
Cela ne vaudrait donc pas la peine d'en parler si un détail, cette fois, n'avait été différent.
Bien entendu, on connaissait l'arrivée du Centaure alors qu'il ne paraissait pas à l'horizon. Il ne faisait pas tout à fait jour. Il ne faisait plus nuit non plus. Le bateau, là-bas, dans les houles, promenait à bout de mât son fanal terni par le matin. Et, derrière les volets non ouverts du Café de l'Amiral, les lampes étaient éclairées, les chaises et les tables empilées, un seau noirâtre au beau milieu des dalles.
— Dépêche-toi, que le Centaure sera là dans moins d'une heure ! disait Jules, le patron, à Babette, la servante.
Babette, à genoux, les pieds sortant sans cesse de ses sabots, le tablier mouillé moulant ses hanches étroites, promenait sur le sol un torchon gluant d'eau sale.
— Oh, ces bonnes femmes ! grommela Jules. Décidément, Weininger a raison : la femme ne peut concevoir ce qu'est le sujet transcendantal, ni les concepts purs, encore moins les catégories de l'esprit. Elle est l'être de l'instant, elle ne connaît pas l'éternité. Elle n'est pas immorale, mais amorale. Elle ne fait la différence entre le bien et le mal qu'en fonction de sa préoccupation propre. Elle reste étrangère à toute considération générale, étant incapable d'y accéder intellectuellement. La femme est imperméable à toute métaphysique, cré bon diousse ! Et en plus, elle est « sous le joug du phallus » !
Babette, apparemment indifférente, continuait à frotter.
(Maurice Cucq, Georges Sim et le Dasein)
Atomisme puéril
Le philosophe Lucrèce, le plus illustre disciple d'Épicure, prétendait que « si n'existait ce que nous appelons le vide, la réalité entière serait solide, si au contraire il n'y avait certains corps remplissant les lieux qu'ils occupent, tout ne serait que vide ». Or effectivement, tout n'est que vide, et il n'est pas nécessaire d'« être sorti de Saint-Cyr » pour constater que ce monde est un monde de néant.
On voit donc que dans l'histoire de la philosophie, Lucrèce tient le rôle de « ravi de la crèche ». Il lève les bras au ciel en signe d'émerveillement devant tout ce qu'il ne comprend pas (le Rien) comme fait le véritable ravi devant le mystère de la nativité. Sa joie est démonstrative et communicative, il prête à rire avec ses bras en l'air, sa barbe rousse et sa tête d'étonné. Autrefois, on disait que chaque village avait son « idiot », son « fada » — qui signifie « possédé par les fées ». Lucrèce est le « fada » de la philosophie. Il n'apporte rien sauf sa joie, il ouvre son cœur, et nous montre le chemin du bonheur dans la simplicité.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Vos gueules là-dedans !
« Ulcéré par le continuel brouhaha de l'étant, je décidai de donner pour principe à toute chose la mer et le silence, suivant ainsi l'exemple de Valentin, le gnostique désossé. »
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Idiosyncrasie des variétés riemanniennes complètes
Le théorème de Synge, démontré par John Lighton Synge en 1936, est un résultat classique de géométrie riemannienne sur la topologie d'une variété riemannienne complète à courbure positive. Il constitue une application de la formule de la variation seconde. Il considère une variété riemannienne complète M de dimension paire et de courbure sectionnelle strictement positive et stipule que :
– si M est orientable alors elle est simplement connexe ;
– sinon, son groupe fondamental est Z / 2 Z.
Force est de reconnaître que, pour le vulgum pecus, tout ceci est des plus abscons, et l'on comprend pourquoi les amis du mathématicien le surnommaient « le vilain Synge » !
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
Reginglette
« Poils hérissés, jambes écartées, l'homme du nihil s'est planté au milieu de la pièce et a commencé à hurler ; dans ses yeux révulsés se lisait toute la terreur d'un nègre en transes. Dédaignant le verre d'eau qu'on lui offrait, il s'est précipité vers la porte et s'est mis à la renifler désespérément, comme s'il attendait quelqu'un. C'était effrayant, c'était même contre-nature, cet effet qu'avait produit sur lui le vocable reginglette. »
(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)
Une périlleuse quête
Macabre découverte mardi dans le centre-ville de Nantes. Une octogénaire a été retrouvée morte par sa femme de ménage, au fond d'un puits situé dans le jardin de sa demeure cossue. À son arrivée sur les lieux, la femme de ménage n'a pas trouvé sa patronne. La maison était fermée, sans trace de désordre. L'employée a en revanche remarqué que la grille du puits du jardin était déplacée. C'est alors qu'elle a aperçu le corps de l'octogénaire au fond de l'excavation. La vieille dame vivait seule. Le parquet de Nantes a demandé une autopsie afin d'éclaircir les circonstances du décès. Aucune piste n'est privilégiée pour l'instant.
À une époque, se jeter dans un puits était une méthode de suicide très répandue, en particulier chez les femmes. On prétendait aussi que la vérité se trouvait « au fond du puits ». Or l'octogénaire nantaise, au dire de son employée, était férue d'idéalisme fichtéen ; et il se trouve que Johann Gottlieb Fichte, dans son Essai sur la stimulation et l'accroissement du pur intérêt pour la vérité, affirme que la visée humaine de vérité est « une pulsion originaire qui hérite des caractères empiriques qu'on attribue habituellement à la curiosité, dans son manque de retenue, et son absence de pudeur ». Alors ? Est-on face à un suicide ? à une recherche de la vérité qui a mal tourné ? C'est ce que les enquêteurs devront déterminer. (Le Dauphiné, 20 décembre 2017)
(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)
Tchernoziom
Ceux qui de naissance paraissent destinés à se détruire — exempli gratia, le poëte Nerval — tirent parfois de leur pachyméninge une terre noire, bitumineuse et inflammable, qui, mise en un monceau et arrosée par l'idée du Rien, non seulement s'échauffe à un point extraordinaire, mais jette encore de la fumée, et quelquefois même de la flamme. Alors naissent des œuvres à la fois lumineuses et profondes telles qu'Aurélia ou Les Filles du feu.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Panique
« Observant le réel par le vasistas de mon cagibi, je relève de nombreux indices qui m'amènent à conclure, comme Gragerfis, que ce monde est un "monde de néant". Aussitôt, je ressens la panique de l'homme mortel qui de tout son corps cherche quoi que ce soit de solide où se pendre. »
(Raymond Doppelchor, La Suave idée du Rien)
Différence de moyens
Comme Rascar Capac dans le cauchemar de Tintin, l'homme du nihil est un « mort vivant ».
Mais quand le prince inca lance de relativement inoffensives boules de cristal sur le vulgum pecus, l'homme du nihil, lui, se sert d'aphorismes hyperacides et contondants qu'il projette sur l'omnitude pour la concasser et en faire « la forme apologétique du suicide compulsif ».
(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)
Épilepsie
En 1914, alors que toute la jeunesse allemande est sous les drapeaux, Heidegger est réformé pour raison de santé. Il a envisagé divers moyens pour échapper à ses obligations militaires — il refuse d'aller « faire le zouave » (Ich will die Zuave nicht machen), écrit-il dans une lettre à Husserl — et pensait d'abord s'en tirer grâce à un panaris providentiel, mais il a préféré « assurer le coup » en se faisant délivrer par son médecin de famille un certificat le déclarant « fragile du Dasein » et même épileptique.
C'est en lisant une biographie de Dostoïevski qu'il a eu l'idée de ce stratagème. Il a découvert peu de temps auparavant les romans du « penseur souterrain », qui l'ont fortement impressionné. « L'œuvre de ce Russe est d'un pathétique saisissant », note-t-il dans son journal.
(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)
Empirisme logique
« L..., âgé de 55 ans, saltimbanque et marchand de cigare, entre à Bicêtre le 15 mai 1860.
Cet homme se livre depuis longtemps à des excès de vin et d'eau-de-vie, et chaque fois qu'il a bu plus que de coutume, il offre un tremblement des mains très caractérisé. Condamné à un mois de prison, il se trouve à peine en liberté qu'il s'abandonne à de nouveaux excès : bientôt, agitation maniaque, hallucinations de la vue, panophobie ; il voit des voleurs qui courent après lui, des assassins qui le menacent, et commet des extravagances.
Puis au bout de quatre jours, son délire se transforme ; il soutient que la réalité n'est rien qui se conçoive seulement "phénoménalement" ou comme le corrélat d'une intuition. Elle n'a, d'après lui, aucun caractère spécifique d'immanence à la conscience, mais constitue une forme d'en soi qui englobe autant les vécus psychiques que les choses et les relations entre choses. Il dit que "l'ordre des contenus de conscience dans l'espace et dans le temps est en même temps le moyen par lequel nous apprenons à déterminer l'ordre transcendant des choses qui se trouvent au-delà de la conscience" ; et que "cette mise en ordre est le pas essentiel qui conduit à la connaissance de ces choses".
Vers la fin de 1860, le délire philosophique diminue progressivement : le malade passe à la ferme Sainte-Anne où il travaille en plein air ; il est doux, facile à conduire, raisonnant assez bien ; conservant toute la netteté de sa parole, mais un peu indifférent et apathique. Dans le courant de janvier 1861, les hallucinations disparaissent, il n'existe plus aucune trace d'idées relatives à la théorie de la connaissance. Le malade sourit lorsqu'on les lui rappelle et les attribue au trouble de son esprit ; il affirme qu'il est guérit, promet d'être plus sobre à l'avenir, et réclame instamment sa sortie, qui lui est accordée le 28 février. » (Jules Baillarger, Des symptômes de la paralysie générale et des rapports de cette maladie avec la folie, Paris, Delahaye, 1869)
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)
Généalogie du nietzschéisme
Entendre jour et nuit résonner à son oreille les paroles terribles : « Écoutez, ossements desséchés, écoutez la parole de l'Éternel ! » 1... N'y a-t-il pas là de quoi devenir complètement « maboul » et concevoir des théories telles que celles de l'« Éternel retour » et du « Surhomme » ?
1. Ézéchiel, 37 : 4.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Bassesse insigne de l'humain
Il n'est pas de canaillerie à laquelle ne se prête le monstre bipède. C'est sans scrupule qu'il répandra, dans l'emplacement des foires, du foie de loup en boulettes pour effrayer les chevaux, les bêtes à cornes, et profiter des culbutes pour voler les chalands.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
lundi 30 juillet 2018
Mai
Le monde semble si beau, quand le printemps est venu l'habiller de fête, qu'il a mis aux marronniers leurs candélabres fleuris, éveillé dans les branches le gazouillis des pinsons et des fauvettes, dans les allées les rires frais et les jeux de l'enfance, allumé la joie dans les regards qui brillent ! On jouit du présent, on arrange à sa guise un avenir heureux, on oublie le passé !
Dans une telle atmosphère, iI faut être un neurasthénique renforcé pour songer à l'annihilation de son Moi. Le poète suisse Francis Giauque en était un et, peu impressionné par les gazouillis, les candélabres fleuris et tutti quanti, se donna la mort dans la nuit du 12 au 13 mai 1965 en s'immergeant dans le lac de Neuchâtel. Sa vie avait, on ne sait pourquoi, basculé dans un sentiment de douleur, de solitude et d'asphyxie intérieure et était restée, malgré plusieurs séjours dans des asiles d'aliénés, obstinément désaxée. Gragerfis, qui goûtait fort son recueil Parler seul, le range dans la catégorie des « poëtes maudits de Suisse romande ».
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Élément primitif
En algèbre, le théorème de l'élément primitif est un des théorèmes de base de la théorie des corps. Il stipule que toute extension finie séparable est simple, c'est-à-dire engendrée par un seul élément, appelé élément primitif.
Selon Thalès, cet élément primitif était l'eau, en quoi il résolvait toute chose. Le poëte Mallarmé était plutôt d'avis que tout dans le monde se ramène au vocable. L'homme du nihil, lui, fonde sa théorie des corps, et notamment des corps humains, sur le dégoût, sentiment qui, s'il faut l'en croire, est « premier » et précède toute analyse raisonnée du phénomène appelé « monstre bipède ». Mais est-ce là un « élément », et peut-on fonder quoi que ce soit là-dessus, si ce n'est une existence solitaire et pleine d'acrimonie?
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
Intelligence métaphysique du monde
À la question de savoir quelle est la voie d'accès à l'intelligence métaphysique du monde, le suicidé philosophique répond « le taupicide ». Certes, en tant que représentation, le taupicide est un simple phénomène, mais il est aussi un formidable développateur du Rien. Comme tel, il permet à l'étant existant de fusionner avec le Grand Indéfini d'Anaximandre ou — cela revient plus ou moins au même — avec l'Un plotinien, et ce faisant, le Dasein comprend enfin — métaphysiquement ! — le monde.
(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)
Envoûté ?
Mais quelle idée a traversé l'esprit du curé de Morlaix, dans le Finistère ? Alors qu'il assurait l'office religieux dans l'église Saint-Melaine le jeudi 13 dans la soirée, l'homme de 35 ans, d'origine africaine, est brusquement sorti de l'édifice avant d'accomplir un geste fou.
Il a en effet couru jusqu'au viaduc ferroviaire qui passe en plein cœur de la ville. Là, il enjambe sans hésitation la rambarde de sécurité avant de se jeter brusquement dans le vide. Sa chute libre de quinze mètres ne l'a malgré tout pas tué. Conscient au moment de l'arrivée des secours, il souffre de multiples fractures et a été transporté à l'hôpital par les pompiers, où il a subi une intervention chirurgicale ce vendredi 14 dans la matinée. Ses jours ne sont maintenant plus en danger.
La communauté paroissiale est perplexe face à un tel geste. Selon l'évêché de Quimper, ce prêtre n'était pas connu pour des problèmes psychologiques particuliers.
Toutefois, d'après un témoin qui a tenu à rester anonyme, le religieux pensait avoir été envoûté lors d'un récent séjour au Gabon. « Il luttait jour et nuit contre des démons et persécuteurs de toutes sortes. Il se disait exposé aux maléfices de puissances occultes ; à l'aide de batteries cachées, on lui envoyait des secousses, des décharges électriques ; on aimantait ses cheveux, ses yeux, ses dents et sa langue ; on lui faisait respirer des poudres invisibles et des "atmosphères Lafarge" ; on le plaçait pendant son sommeil sous une grande machine pneumatique ; on le faisait vivre au milieu d'odeurs malsaines ; on contaminait son linge de corps, et cetera, et cetera. » (France Soir, 14 octobre 2016)
(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)
D'une chose à l'autre
On lit Scot Érigène, on passe de l'apophatisme à la poésie de Li Po, on s'accoutume peu à peu à ne voir en la sensation qu'une « hallucination vraie » et, pour peu que l'on possède un revolver ou du poison, on cède bientôt à l'invite d'un néant sacculiforme.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Un Népalais « ficelle »
Le jeu de ficelle est un jeu qui se joue avec une ficelle en boucle et dont le but est de créer toutes sortes de figures : des animaux, des maisons, etc.
Dans Tintin au Tibet, le chef de l'aérodrome de Katmandou, auquel Tintin et Haddock sont venus demander des informations avant de partir à la recherche de Tchang, joue au jeu de ficelle mais avec un élastique ! Comme on pouvait s'y attendre, l'élastique casse et lui cingle douloureusement le nez — qu'il a très proéminent —, ce qui déclenche l'hilarité du capitaine Haddock.
Avec le gitan Matéo des Bijoux de la Castafiore, ce personnage est l'un des plus odieux des Aventures de Tintin. Il incarne à la fois la bêtise satisfaite d'elle-même et l'enivrement administratif.
Courroucé par l'attitude de ce prétentieux imbécile, le capitaine Haddock envisage un moment de le faire conduire en place publique dans un tombereau, nus pieds, nue tête et en chemise, pour y être rompu vif et jeté subito presto dans un bûcher ardent. Mais il y renonce sur les instances de Tintin, pressé d'aller secourir son ami Tchang : « Nous n'avons pas de temps à perdre, Capitaine ! »
(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)
Un séjour inhumain
Chez Spinoza, l'existence humaine s'apparente à un « magma », ou encore à un « margouillis ». Ce « magma » — ou ce « margouillis » — d'apparence uniformément désolée inspire à l'étant existant des sentiments mélancoliques et même de l'horreur. — Rien d'étonnant, donc, si la première pensée de qui ouvre l'Éthique ou le Traité de la réforme de l'entendement est celle de se détruire.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
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