Le
véritable « cabossé de la vie » passe inaperçu, y compris à lui-même.
Dans sa naïveté, il ne sait pas qu'il est un « cabossé de la vie ». Le
faux, au contraire, porte un petit chapeau et chante d'une voix éraillée
en s'accompagnant au piano. Toutes ses mélopées disent en fait la même
chose : « Regardez comme je suis cabossé ! Je suis un cabossé de la vie ! » Et ça paye. Le faux cabossé roule carrosse pendant que le vrai va à
pied ou à mobylette. Il y a de quoi être dégoûté.
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)