« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
dimanche 30 septembre 2018
Catalepsie conceptuelle
Mystagogue dévoyé, le philosophe tente de masquer la plus rugueuse vérité, le Rien, en se servant de l'outil le plus vil, le concept. Mais vainement : car il ne produit que de la « catalepsie conceptuelle ».
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Vent
Théophraste rapporte, au Livre III de son Histoire des plantes, que selon Anaxagore, la semence de toute chose est contenue dans le vent qui, par l'intermédiaire de l'eau des pluies, apporte les graines qui donnent naissance aux plantes, et notamment à la bourrache.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Pas mieux
« Je suis un état de fait. » Comme cela est bien dit, vraiment !
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Cubofuturisme et homicide de soi-même
Ivre de cézannisme géométrique, le cubofuturiste se donne pour programme de pulvériser, à travers son travail du mouvement et du dynamisme plastique, les « structures empaillées de l'étant subsistant ». Parfois, exténué et cédant à la facilité, il se précipite tout simplement dans un puits (cas de Vladimir Bourliouk).
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Maussaderie philosophique
On dit — mais cela est-il vrai ? — que le philosophe Anaxagore de Clazomènes ne riait ni ne souriait jamais, pas plus que son élève Euripide. Étaient-ils « excédés par tous », comme le satiriste roumain Émile Cioran ? Craignaient-ils d'être anéantis par le Noûs, cette énergie qui ordonne le monde en organisant et différenciant la matière et l'être ? Nous ne pouvons ici que poser la question.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Une créature vomitive
Suivant Dupasquier, l'exposition à un autre Moi que le sien propre peut amener des désordres dans les fonctions digestives du sujet pensant. Sans admettre qu'autrui exerce directement une action fâcheuse sur le tube digestif, il est certain que sa vue provoque le dégoût, et que partout on a reconnu la nécessité de s'y dérober.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Traitement de la fluxion conceptuelle
Les purgatifs sont toujours dangereux dans les attaques d'hégélianisme : Hoffman recommande (lorsque l'accès est imminent) une prise de poudre cornachine, propre selon lui à atténuer la douleur pulsatile qui accompagne ordinairement le « moment spéculatif » d'identification du réel avec le rationnel. Duhamel, quant à lui, a beaucoup conseillé, pour apaiser l'échauffement dialectique, l'application du bulbe de la renoncule des prés ou éclairette. On a toutefois observé qu'il produisait un ulcère qui donnait beaucoup de matière purulente, et séchait difficilement.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Recherche expérimentale
« Quand de longues méditations dans le silence de mon cabinet m'eurent fait naître l'idée d'un rapport intime entre la perte plus ou moins absolue de la parole et l'altération plus ou moins profonde des lobules antérieurs du cerveau, je résolus de mettre cette idée à l'épreuve des faits en m'enfonçant le crâne à la région frontale par une pierre lancée avec violence. » (Théasar du Jin, Recherches cliniques sur moi-même, Paris, J.-B. Baillière, 1825)
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
samedi 29 septembre 2018
Accouplements monstrueux
Plutarque, au Livre II de ses Paradoxes, assure avoir appris d'Aristote que le fils de Démostrate, Aristonyme Éphésien, avait une si grande aversion pour les femmes qu'il s'accoupla avec une ânesse, qui mit plus tard au monde une fort belle fille qu'on nomma Onoscelis, c'est-à-dire « qui a des jambes d'âne ». Il rapporte aussi l'anecdote selon laquelle, pendant la guerre des Marses, une femme nommée Alcippe accoucha d'un éléphant. Jean Palfyn, dans son Traité des monstres publié à Leyde en 1708, exprime son incrédulité en ces termes : « Comment un si gros et si grand animal pourroit-il avoir à faire avec une femme ? et comment une femme oseroit-elle se soumettre à une telle bête ? et pourroit-elle ne pas étouffer sous le poids d'une si prodigieuse masse ? » Englobant dans sa critique le fameux Del Rio qui prétendait que les monstres qui furent pris dans les forêts de Saxe en l'an 1240 et qui avaient la face à moitié humaine étaient nés d'un accouplement illicite de l'homme avec les bêtes, il ajoute : « Encore moins luy accorderois-je qu'un lion engrossa une femme de Suisse, dont elle accoucha aussi d'un lion : avec quelle confiance une femme entreprendra-t-elle de se mettre sous un lion ? Il faut dire la même chose de cette femme de Pavie qu'on dit être accouchée d'un chat. Car comment est-ce qu'un chat aura pu glisser son membre qui est si menu dans la nature d'une femme ? » — Cela paraît invraisemblable, en effet, et pourtant, « il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n'en rêve votre philosophie ». L'homme du nihil lui-même, malgré son pessimisme renforcé, ne tomba-t-il pas sous la coupe d'« une mégère difforme au faciès d'hippopotame » 1 ?
1. Voir à ce sujet le témoignage de Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Erreur de calcul
Mais pendant que Doppelchor, armé, guettait, le Moi n'était pas du tout dans le métro. Il rentrait en bus.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Cri de joie
Les spéculations cosmogoniques auxquelles se livre le suicidé philosophique au moment de commettre son geste fatal 1 ne l'éloignent point du monde sublunaire où l'homme, grâce à son revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe, est en prise directe sur son destin. Les vertus allégoriques du suicide ne le séduisent jamais au point de lui faire oublier que l'homicide de soi-même est avant tout un cri de joie, de désir ou de douleur (un cri « habillé » dira Cocteau qui ne lui doit pas peu).
1. Avec une ardeur panique mais aussi une information peu ou prou scientifique qui, nous dit Gragerfis, recourt à l'aéromancie, à la pyromancie et à la chiromancie aussi bien qu'à l'oniromancie et aux classifications de l'astrologie naturelle.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Antidote à l'haeccéité
Selon Gragerfis, l'unique solution, pour supporter le cauchemar d'exister, est de dompter le Moi par le muscadet dès huit heures du matin.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Fatigue
Le vrai, l'évidence, les preuves... Tout cela me semble aujourd'hui d'une laborieuse futilité.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Antiquité du Moi
« Le Moi, d'extraction fort ancienne, a vécu en Europe alors que les grands ours (Ursus spelæus et arctoideus), les hyènes (Hyæna spelæa, intermedia et prisca), les grands félins (Felis spelæa), les éléphants (Elephas primigenius), le rhinocéros à narines cloisonnées (Rhinoceros tichorinus) et d'autres animaux non moins remarquables, dont la race a été anéantie, abondaient dans nos contrées. Si les gisements d'haeccéité qu'on a signalés en Amérique sont authentiques, le Moi y aurait été contemporain des mastodontes et des grands édentés dont on recueille si abondamment les débris dans cette partie du monde. » (Paul Gervais et Pierre-Joseph van Beneden, Zoologie médicale : exposé méthodique du règne animal, Baillière et fils, Paris, 1859)
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Technique moderne de concassage du Moi
« M. Bournissac nous a donné un moulin de son invention, consistant en deux meules de trois pieds de diamètre et de seize pouces d'épaisseur, portées sur deux poutres bien fixées par un axe de fer, qui les traverse de manière qu'elles puissent tourner l'une contre l'autre par leur circonférence. [...] Les grenouilles sur lesquelles se fait le mouvement sont fixées sur des pieux de bois de sorbier, disposés sur les poutres, de telle sorte qu'on peut les avancer ou les reculer à volonté, afin de pouvoir rapprocher ou écarter les meules l'une de l'autre, autant qu'on le juge à propos, selon la grosseur du Moi qu'il s'agit d'écraser. » (M. Salmon, Art de concasser le Moi et de trouver la paix de l'âme malgré le climat et l'intempérie des saisons, Huzard, Paris, 1826)
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Méloé
Arrivés au gîte, nous nous préparions à prendre notre repas quand le chef bohémien exprima le désir de continuer son récit, ce qu'il fit en ces termes :
« Le méloé est un insecte coléoptère vésicant, noir ou bleu, à élytres très courts. »
Arrivé à cet endroit de sa narration, il saisit un pistolet qu'il tenait jusque là caché sous son caftan et se fit sauter la cervelle, ce qui ne laissa pas de nous horrifier, Velasquez, Rébecca, le cabaliste et moi.
(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)
Transmutation nihilique
Jeune, on rêve de carnage. Puis, l'idée du Rien envahit peu à peu votre pachyméninge et transmue ce désir orgiastique d'extermination en une frénésie d'autodestruction.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
vendredi 28 septembre 2018
Analogie comparative
Le nerf gustatif transmet la sensation du goût tandis que le « conscient intérieur » transmet la sensation du Rien.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Revers de la médaille
Au moment même du déboulé du « Suisse », le constipé ne peut pas apprécier pleinement ce miracle, du fait qu'il se sent enfermé derrière la cloison inexpugnable des cabinets et qu'il n'a la révélation de ce miracle, invraisemblable et inexprimable à l'état normal, qu'au prix de cet enfermement, de cette clôture.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Églogue
Sur les rives de mon artère aorte, pousse l'orchis mauve du désespoir.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Simulacre d'exécution
« Dans mon rêve, le Moi était conduit sur l'échafaud accompagné de deux prêtres qui depuis deux jours le préparaient à la mort. On lui lisait la sentence qu'il écoutait avec résignation, il mettait la tête sur le billot, et au moment que l'exécuteur levait la hache, un héraut aposté par ordre de l'Empereur criait : Grâce pour la vie par commandement de Sa Majesté Impériale. L'Empereur, reconnaissant des services que le Moi lui avait rendus, avait décidé d'adoucir la sentence en un bannissement perpétuel en Sibérie ; avec destitution de toutes ses charges, dégradation d'honneurs et privation de tous ses biens. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
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