« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
dimanche 18 novembre 2018
L'ardent pays
La stridulation du pachynihil zèbre la porcelaine du soir. Ô Rilke ! Je déambule dans l'Ouvert, sourd aux imprécations des êtres et des choses. Sombre antichambre de la folie, salle d'attente du suicide, l'existence, perpétuel plagiat !
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
L'écho inquiétant du nihil
Ceux qui passent devant l'homme du nihil évitent de parler. Ils entendent des bruits lointains de tonnerre et d'ouragan. Ils s'arrêtent, en proie à la terreur. Tout le monde n'entend pas ces bruits.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
samedi 17 novembre 2018
Rien nu
Comme qui, parlant des fleurs, laisserait de côté aussi bien la botanique que l'art des jardins et celui des bouquets — et il lui resterait encore beaucoup à dire —, ainsi, négligeant la nihilologie, écartant les arts qui du Rien font usage, le suicidé philosophique parle du Rien nu, fascination et gloire, où se dissimule et en même temps se livre un mystère plus lent, plus vaste et plus grave que le destin d'une espèce passagère.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Fiente de vache (page de journal)
14 janvier. — « Chez les idôlatres du Malabar, la fiente de vache est sainte : l'on doit s'en frotter le front pour approcher des Dieux. Les femmes doivent porter à leur cou l'image du Dieu Pilear. Tous ont horreur du souffle et de la salive. Les Jésuites, qui voulaient christianiser ces peuples, ont supprimé l'usage du souffle et de la salive dans les cérémonies sacrées du baptême. Ils leur ont permis de se frotter de la fiente de vache pour approcher des saints mystères. Ils ont même osé la bénir. » (Confession d'un Jésuite ou Anecdotes historiques de la Compagnie de Jésus depuis sa naissance 1521 jusqu'à sa destruction 1773, Rome, 1773, p. 83)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Aérolithe
L'homme du nihil vient — c'est du moins ce qu'il sent quand il se confronte au « monstre bipède » — d'une autre planète. Ne porte-t-il pas sur lui la torsion de l'espace comme le stigmate de sa terrible chute ?
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Destruction des parties molles
12 novembre. — Je tombe, dans le Traité pratique de médecine légale de Johann Ludwig Casper, sur le passage suivant qui me bouleverse : « Sans eau ou vapeur d'eau il n'y aurait pas de putréfaction. Mais les liquides propres du cadavre suffisent complètement à produire cette humidité. Ils s'évaporent peu à peu, rompent avec le temps les téguments, d'abord ceux de l'abdomen, puis ceux de la poitrine, enfin ceux du crâne, de sorte que le cadavre macère dans ses propres fluides. À ce moment, des vers et des larves se montrent à la surface, d'abord aux plis du corps, paupières, oreilles, région inguinale, puis ils se multiplient par myriades, et complètent la destruction des parties molles. »
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Ébriété temporelle
Chaque seconde est une tournée générale payée par le Grand Tout. Et les années sont de puissantes bitures qui assomment la séquelle de pochards désaxés tournant et buvant autour de l'énorme panse du Gambrinus de terre cuite qui se dresse sur un comptoir, dans l'universelle brasserie, victorieux et gorgé, à cheval sur un foudre et le verre en l'air !
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
19 janvier
Théophraste rapporte que les geckos, comme les serpents, dépouillent leur vieille peau, et l'avalent aussitôt pour dérober ce qui serait un remède contre l'épilepsie. Il dit encore que ces animaux, dont la morsure est mortelle en Grèce, sont innocents en Sicile.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
vendredi 16 novembre 2018
Un martyr de l'haeccéité
« Mon idée la plus intime est de ne pouvoir être celui que je suis. Je ne puis pas me reconnaître dans une figure finie. Et Moi s'enfuit toujours de ma personne, que cependant il dessine ou imprime en la fuyant. »
(Paul Valéry, Tel quel)
Événement
« L'ennui qui suinte de la vie et imprègne le Dasein comme ferait la pisse urticante d'une chauve-souris purpurine, cet ennui écrasant, Messieurs, m'inciterait presque à considérer la mort d'un œil neuf : comme un événement. »
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
12 janvier
Un soir qu'il sortait de la table du roi Archélaos, en Macédoine, et qu'il s'en retournait dans ses pénates, Euripide fut mis en pièces par des chiens : affreuse destinée, que ne méritait pas un si grand génie !
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Une magnifique leçon de vie
Pendant qu'Alexandre faisait le siège de la ville des Oxydraques, un aruspice nommé Démophon lui dit de s'éloigner des murailles, ou du moins de suspendre l'assaut, parce que sa vie était menacée d'un grand danger. Alexandre fixa Démophon, et lui dit : « Si, pendant que vous êtes enfoncé dans les fonctions de votre ministère, et que vous scrutez les entrailles des volucres, quelqu'un venait vous tenir le langage que vous me tenez, vous trouveriez, j'en suis sûr, ce discours fort incommode. » — Je l'avoue, répondit Démophon. — « Eh bien ! continua Alexandre, pensez-vous que rien puisse être plus importun à celui qui, au lieu d'attacher ses regards sur des fibres de quadrupèdes ou de volucres, médite les plus grandes choses, qu'un aruspice qui vient avec ses superstitions entraver sa marche ? » Et à ces mots, il ordonna d'appliquer les échelles aux murailles. (Quinte-Curce, De la vie et des actions d'Alexandre le Grand, liv. IX, chap. 4)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Sur les traces de Tou Fou
Et maintenant tâchons, comme Tou Fou, de tirer des malheurs de la guerre et de notre misère personnelle une poésie originale...
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
6 janvier
Théophraste se trompe en pensant qu'une herbacée comme le Malva sylvestris se transforme en une plante à haute tige comme l'Althaea rosea.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Embellissement
Le citoyen Jutique, que ses fonctions de commissaire des relations commerciales retiennent à Madère, mais qui ne cesse d'y cultiver avec beaucoup de zèle l'idée du Rien, a fait parvenir à ses confrères un mémoire où il affirme que cette idée, si belle par ses couleurs, si curieuse par ses formes, serait des plus faciles à multiplier dans nos contrées, où elle contribuerait, par l'époque de sa floraison, à embellir nos saisons rigoureuses.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
15 décembre
Démétrios de Trézène, dans son livre Contre les sophistes, décrit en ces termes la mort du philosophe Empédocle d'Agrigente : « Ayant suspendu haut le lacet à la cime d'un cornouiller, il s'étrangla et son âme dans l'Hadès descendit. » Hippobote, quant à lui, prétend que le philosophe se serait jeté dans les flammes de l'Etna, voulant affermir sa réputation de dieu.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Calmant suprême
Celui que tourmente une conscience agitée par le bourrellement incessant de l'haeccéité, la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, ne peut faire mieux que de se tourner vers l'idée du Rien, si propre, par sa pénétrante onction, à calmer ses agitations et son trouble.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
jeudi 15 novembre 2018
6 décembre
En parcourant le Guide des amateurs de tableaux, pour les écoles allemande, flamande et hollandoise de Pierre Marie Gault de Saint-Germain, je tombe sur le passage suivant : « Streeck (Juriaan Van), né en 1632 ; artiste mélancolique qui faisoit des drames lugubres, avec une tête de mort, une bulle de savon et une lampe sépulchrale : presque tous ses ouvrages sont marqués de ces tristes emblèmes, mais avec une vérité qui étonne, et aussi qui repousse. »
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
19 novembre
« Sous les rois de la première et seconde race, l'agriculture dut ses progrès aux pieux cénobites connus sous le nom de moines. » (Pierre-Nicolas Chantreau, Histoire de France abrégée et chronologique, depuis la première expédition des Gaulois jusqu'en septembre 1808, Bernard, Paris, 1808) — Eh bien ça alors !
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Comme David Copperfield
Je porte autour du cou une pancarte élucidant mon effroyable déchéance : « Le Grand Tout a fait cela ».
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Dualité du suicidé philosophique
Le ton austère qu'adopte volontiers le suicidé philosophique n'exclut ni la douceur ni l'attendrissement. Dans ses lettres où, entre deux dithyrambes à l'homicide de soi-même, il évoque la douceur des soirs à Saint-Clément quand les souffles légers portent l'odeur des foins et le parfum miellé des clématites, les sentiments sont graves, mais ce sont des sentiments, et ils captivent. Tout au plus pourrait-on dire que le suicidé philosophique est un esprit un peu trop viril, à l'inverse de Fénelon, prélat mystique, d'une aménité un peu trop féminine : ils se ressemblent cependant par leur infatigable zèle et par leur impérieux pouvoir de séduction.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Page de journal
9 janvier. — M. Wilhelm Philipp Schimper, dans son Traité de paléontologie végétale, note que « les puissantes assises siluriennes, si propres par leur nature à la conservation des empreintes des corps organiques, ne nous fournissent aucune donnée sur les végétaux marins nécessaires à la nourriture des légions innombrables de mollusques et de crustacés qui peuplaient les mers de cette ancienne époque. »
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
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