Menéndez
y Pelayo, dans son Histoire de la philosophie espagnole, interpelle le
lecteur et lui demande s'il a du « à l'ail ». Il dit que son camarade — il s'agit sans doute de Benito Pérez Galdós — veut du « à l'ail ». Il en
veut « tout de suite ». Et il ajoute : « sinon : boum ! »
L'amour
est une invention du monstre bipède, une construction intellectuelle
qui ne correspond à rien dans le monde réel. Tout le monde en parle,
mais il n'y en a pas plus que de beurre au prose. Ce n'est donc pas la
peine de se fatiguer à le chercher. Quand on a compris ça, ça va mieux. — Ou pis, c'est selon.
Pour
avoir l'impression d'être compris par une personne du sexe, il faut
ingurgiter d'énormes quantités de Tigron. Mais c'est payer un peu cher
la compréhension (ou l'impression d'icelle) — car le Tigron est
sacrément corrosif.
Dans
ses Souvenirs de la maison des morts, l'écrivain russe Dostoïevski dit
que la meilleure définition qu'on puisse donner de l'homme est « un être
qui s'habitue à tout ». Et effectivement, on s'habitue à tout, même à
avoir le traczir. Le nihilique, qui se voit comme un « vétéran de la
panique », peut en témoigner. Mais il trouve ça « dur, oh, bien dur ! »
Les
sentiments peuvent être aisément confondus avec des ustensiles de
ménage. C'est sans doute ce qu'entend montrer Kipling quand il fait dire
à l'un de ses personnages : « Si l'on ne m'avait pas affirmé que cette
chose, là, c'était de l'amour, j'aurais cru que c'était un
presse-purée. »
La
philosophie de Locke est fausse, qui affirme que c'est aux sens que nous
devons notre connaissance. On sent bien qu'il y a autre chose, en plus
des sens. Autre chose, mais quoi ? Peut-être une... tête de chien couché ?
Le
philosophe Frédéric Nietzsche, un jour qu'il était « gonflé à bloc »,
affirma qu'il ne fallait pas regarder trop longtemps dans l'abîme, sinon
l'abîme risquait de vous regarder aussi. Mais expérience faite, il n'en
est rien.
La poésie du
quelque chose est terne et ennuyeuse. Même quand elle vise au « surréalisme », ses métaphores font pschitt. Au contraire, la poésie du
Rien est semblable à un obusier. Sa clameur est explosive !
Y
a-t-il de l'être ou non ? Il faudrait en avoir le cœur net. Mais
comment faire ? Va-t-il falloir recourir aux grands moyens et...
enfermer un philosophe dans une vessie ? Pour voir s'il produit du
concept ? — Mais s'il bluffe ?
Quand
on y réfléchit, la mort, ce n'est pas grand chose. On pourrait presque
l'appeler une « vétille ouatée ». Elle rafraîchit l'air à l'entour, comme
les rayons de la pluie dans une chambre noire. — Enfin... « jore ».
Héraclite
comparait le temps à un fleuve, c'est-à-dire à quelque chose du genre
de l'Ienisseï ou du Brahmapoutre, mais il s'agit plutôt d'un flot de
matière excrémentitielle, un flot aux élastiques éclaboussures, dans
lequel il n'est pas conseillé de se baigner. Un flot de merde, quoi.
Quand
le temps s'écoule en dégorgements, on est pris d'un terrible traczir,
on sent qu'on n'est plus rien, presque rien, peut-être encore une masse
de viande, avec la mort qui plane au-dessus comme une sorte de, oui, de
gypaète.
Sans
la porte, sans la cabane, sans l'orpin, il y aurait de quoi désespérer.
L'orpin, surtout, nous touche incroyablement. Il met à l'épreuve notre
sagesse « nihilique ». On abandonnerait tout pour lui.
Mettez
un tigre dans un labyrinthe, placez-y aussi quelques miroirs et une
couple d'épées pour faire bonne mesure, on vous demandera si vous vous
prenez pour Borges et vous aurez de la chance si on n'ajoute pas « tête
de con ».
Dans
son ouvrage De lapidibus, Théophraste décrit le cinabre, mais sur la
niobite et la proustite, queutchi. Peau de balle. Peau de révérence
parler zob. On a vu mieux, comme minéralogiste ! Et c'est la même chose
pour tout : on paye, et qu'est-ce qu'on a ? De la merde.
Proférer
le vocable romsteak, que ce soit au restaurant ou dans le silence de
son intérieur frit, est toujours une tâche ingrate — à moins d'en
faire un atelier de sublimation.
S'il
faut absolument vieillir, on aimerait du moins que ça se fasse
prestement et sans témoins. Mais la plupart du temps, c'est tout
l'inverse : ça traîne et tout le monde vous regarde. On dirait que ça
les fait bicher, les salops. Mais attendez, attendez seulement un peu...
Dieu
(s'il existe), en dotant la femme d'une « mijole » et de « biberons
Robert », lui a confié un pouvoir exorbitant dont elle s'est empressée
d'abuser. Faut-il que l'homme soit stupide, aussi ! Quand on pense à ce
qu'est réellement une « mijole », à ce que sont des « biberons Robert » !... — Reste le cas du fondement (de l'historialité du Dasein), mais là,
c'est une tout autre histoire...
On
ne croit ni à Dieu ni à diable. On ne croit pas non plus à l'existence
des choses de Georges Perec — la fameuse « réalité empirique » des
philosophes. On se dit « nihilique ». Les années passent. Un jour, au
Jardin des Plantes, on contemple un agouti. Stupeur ! Crainte !
Tremblement ! On est contraint de réviser sa position et de reconnaître
en ce rongeur terrestre à la robe brun chiné la main de la divine
Providence !
Il
faut s'habituer à la tristesse. Vivre avec — tout en faisant « jore »
qu'on est heureux. Pour ça, la première condition est de ne pas
ressasser les jours anciens, surtout quand sonne l'heure. Sinon, on
risque de se mettre à chialer comme une madeleine.
Quand
on est de Bezons et qu'on possède une âme (ou équivalent), il est
fréquent que cette âme soit, comme la poésie d'Alfonsina Storni,
« voilée d'une douce et terrible noirceur » et « envahie par deux images
obsédantes : la mer et la mort ». Mais la mer, à Bezons, ce n'est pas
la porte à côté. Alors...
Les
gens heureux n'ont aucune pudeur. Ils mériteraient le supplice du pal.
Comment peut-on être heureux quand on sait ce qu'on sait et qu'on voit
ce qu'on voit ? Ils n'ont pas lu la lettre de Biélinski, ces salops ? Le
pal ! De suite ! Je vais t'apprendre à être heureux, moi, tuouaouar !