« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
jeudi 13 décembre 2018
Malaise
Qui n'éprouve soudain le heurt de deux mondes incompatibles ? Que la femme paraisse, et voici le sentiment d'inquiétante étrangeté — parfois d'un rouge de braise, souvent d'un violet d'iode ou de fuchsine — aussitôt amorcé. La philosophie du pachynihil s'affirme alors comme l'un des rares truchements permettant à l'homme de retrouver le calme.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Porc-épic
On prétend — mais cela est-il vrai ? — que le porc-épic est un mammifère rongeur au corps armé de piquants. Selon Gragerfis, les porcs-épics vivent dans le sud de l'Europe, en Asie et en Afrique. Ils sont inoffensifs, nocturnes, et se nourrissent de racines et de fruits. Schopenhauer eût apprécié ce trait.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Page de journal
22 septembre. — L'idée du Rien arpente en somnambule les corridors de ma pachyméninge, à longues foulées mécaniques, avec une obstination dans la férocité dont même la philosophie allemande n'offre que de rares exemples.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Volatilisation du réel
La « réalité empirique » est chose extrêmement précaire : à la plus légère fissure, à la première percée de la carapace qui l'enclot, elle fuse et se volatilise. Seule une pression extraordinaire la maintenait liquide. La moindre issue lui suffit pour disparaître sur-le-champ, évaporée en un éclair.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Pauvreté du syntagme
Inaptitude du vocable à rendre la nodosité de la légumineuse — et l'intérieur frit de l'homme du nihil.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Page de journal
24 septembre. — Pour Protagoras comme pour Gragerfis, il n'y a pas d'existence absolue, et tous les objets que nos sens nous représentent comme existants naissent dans le moment même, par rapport à chacun de nous, tels que nous les apercevons.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
mercredi 12 décembre 2018
Dilacération
Tel un météore qui, consumé en plein ciel par sa propre chute, fait un accroc tragique aux ténèbres, le suicidé philosophique, en accomplissant son geste fatal, déchire la trame cramoisie de l'espace mondain et du temps devançant.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Règle numéro 12
À la suite d'Ænésidème, fuir le périptère carié de l'intellection.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Palingénésie cucurbitacée
26 septembre. — Selon Gragerfis, la doctrine des Manichéens voulait que « les âmes de ceux qui cultivaient la terre, se mariaient, négociaient, etc. et qui du reste vivaient en gens de bien, n'étant pas néanmoins assez pures pour sortir du corps, passent dans des courges, etc. afin que ces fruits étant mangés par les élus qui ne se mariaient point, elles ne soient plus liées avec la chair, et qu'elles achèvent leur purification avec les élus. »
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Condition nécessaire
Au XVII e siècle, Tch'en Ki-jou énumère dans son traité des Vertueux divertissements les conditions favorables à l'appréciation de la peinture. De façon assez mystérieuse, il note parmi elles : « Avoir commis l'homicide de soi-même, de telle sorte qu'on est, comme qui dirait, décédé ».
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Alphabet glagolitique
10 août. — On sait que l'alphabet glagolitique passe pour le plus ancien alphabet slave. Mais il y a pis : selon M. Kopitar, l'écriture glagolitique aurait pris son origine parmi les Boulgares, dominateurs des Slaves, non seulement de la Mœsie, mais encore de la majeure partie de la Pannonie, première contrée slavonne à avoir adopté le christianisme.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
mardi 11 décembre 2018
Attente
Comme l'hippopotame embusqué dans les lotus et les roseaux marécageux, le suicidé philosophique reste tapi, attendant l'heure où enfin résonnera dans un nuage de poudre noire le cri de l'allégresse et de la vérité.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Assez de salamalecs !
L'homicide de soi-même, pour enfin mettre un terme aux manœuvres dolosives de la temporalité.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Fessée expiatoire
23 septembre. — Dans l'ouvrage que M. Victor de Rochas a consacré à la Nouvelle-Calédonie et ses habitants, on trouve ce captivant passage : « Une des plus singulières pratiques superstitieuses est la suivante : Qu'un chef soit malade ou que toute autre calamité publique frappe la tribu, on avise une des plus belles filles du pays, on la couche sur le ventre et on la fesse le plus sérieusement du monde. Cette bizarre exécution part probablement d'une opinion aussi ancienne que les hommes et admise dans presque toutes les religions, c'est qu'on peut apaiser le courroux du ciel par une expiation dont la victime n'est pas la personne qui a encouru la haine de la divinité. »
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Tout passe
Une fois réduit à la condition de cadavre, le suicidé philosophique apparaît à la fois ébauche et ruine : incomplet et dévasté. Dans le volume à peine identifiable à quoi il se restreint, s'inscrit et se résume le destin entier de la tentative artistique : l'échec au départ presque inévitable et, en cas de réussite, la putréfaction finale, plus inévitable encore.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Roue
Selon Gragerfis, le supplice de la roue consistait à rompre les membres du patient puis à le laisser mourir sur une roue.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Pancrace
18 septembre. — Dans le livre II de son Histoire véritable, Lucien décrit en ces termes les jeux des Thanatusies : « Carus, descendant d'Hercule, remporta le prix de la lutte sur Ulysse, qui lui disputait la couronne. Le prix du pugilat fut partagé entre Arius l'Égyptien, dont le tombeau est à Corinthe, et Épéus, qui combattirent avec un égal succès. Il n'y a point de prix pour le pancrace : quant à la course, je ne m'en rappelle plus le vainqueur. » — Pas de prix pour le pancrace !!!
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
lundi 10 décembre 2018
Brouet conceptuel
Parfois un philosophe, soupesé, paraît anormalement léger. On sait alors qu'il est creux. Si on le secoue près de l'oreille, il arrive, mais très rarement, qu'il fasse entendre un bruit de liquide battant les parois. À coup sûr, une eau l'habite, où se trouvent en suspension concepts et syllogismes. Le désir naît d'apercevoir ce brouet conceptuel. Mais il faudrait percer l'écorce rugueuse de l'ami de la sagesse, par exemple à l'aide d'une chignole. Comme on n'en a pas et qu'on est un peu lâche, on préfère se recoucher — et gémir.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Brodequins
19 août. — Dans le supplice des brodequins, les jambes étaient rapprochées à l'aide de cordes, après avoir été assujetties chacune entre deux planchettes de chêne ; ensuite, le bourreau introduisait à coups de maillet, entre les ais du milieu, des coins de fer ou de bois dont le nombre dépassait huit dans certains cas. Les jambes devenaient informes et les os brisés laissaient échapper la moëlle.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Réel fantôme
On ne peut nier que la « réalité empirique », vue de face, donne une impression rassurante de solidité. Mais le moindre changement d'angle suffit pour que renaisse sa versatile inconsistance. On peut alors distinguer à l'intérieur de sa transparence le spectre blafard du pachynihil, qui la hante et en révèle la précarité. Si l'on se place suffisamment de biais, le « réel » disparaît même complètement, dissipé comme brouillard qui fond.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
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