mercredi 7 décembre 2022

Achèvement de souvenir

 

D'après René Char, « vivre, c'est s'obstiner à achever un souvenir » — mais il faut dire que le « poëte » picolait sec.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 6 décembre 2022

Vie excitante

 

Ce qu'il faut lire entre les lignes des « récits de voyage » : « Regardez comme ma vie est plus excitante que la vôtre ! » — Seul problème mais de taille : une « vie excitante », cela n'existe pas. Comme Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau, le vide est partout !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un espoir du côté des chaînes Pulvermacher ?

 

Le « négateur universel » Émile Cioran affirme qu'« aucune invention humaine ne peut nous guérir de notre mal essentiel » (voulant sans doute dire par là le fait d'exister). Pourtant, les chaînes hydroélectriques Pulvermacher, celles-là mêmes dont le pharmacien Homais s'éprend d'enthousiasme dans Madame Bovary, se font fortes dans leur réclame de guérir les rhumatismes, les névralgies, les paralysies, la surdité, « et cætera ». Qui croire ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

En attendant Vanderdendur

 

Nègre de Surinam à ses heures, le nihilique, si on lui demandait ce qu'il fait là dans l'état horrible où on le voit, répondrait : « J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant. »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Groupe Verlaine

 

Outre Verlaine lui-même, le « groupe Verlaine » incluait Arthur Rimbaud, Tristan Corbière et Germain Nouveau. Ces quatre poëtes, quoique de sensibilités diverses, étaient mus par un même idéal : l'isolation par l'extérieur (avec aides de l'État).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 5 décembre 2022

Brugnons

 

Être revenu de tout, avoir fait le tour de l'être et du non-être, et devoir cependant acheter des brugnons au supermarché... Il y a de quoi devenir fou.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Rien à déclarer

 

Ne devraient avoir le droit de s'exprimer que ceux qui sont parvenus au dernier degré de la solitude. Seulement voilà : ils n'ont rien à dire. C'est dommage, hein ? 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Malentendu

 

Quand on avait quelque chose et qu'on l'a perdu, il faut un certain temps pour comprendre qu'en fait on n'avait rien, qu'on n'a jamais rien eu, que tout cela n'était qu'un horrible malentendu.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Fausseté universelle

 

Dans ce « monde de néant », tout est faux. Le réel fait « jore », et quant aux humains, n'en parlons pas. Du chiqué, partout du chiqué. Seuls les animaux valent à peu près le coup — sauf les insectes, qui sont un peu « malaisants ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 4 décembre 2022

Béatitude de l'inhumé

 

Dans son Prologue de Madame Putiphar, Pétrus Borel remarque avec justesse que le bonheur vrai n'existe que dans la tombe. Le « décédé » fait fi des plaisirs rongeurs et des amitiés fausses. L'ambition et les espoirs déçus ont cessé de le tenailler. Le poëte résume tout cela en un vers aussi contondant qu'un marteau de vitrier : « Sur la terre on est mal, sous la terre on est bien ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Aveuglement

 

Un humoriste a dit que « Beethoven était tellement sourd que toute sa vie il a cru qu'il faisait de la peinture ». Eh bien, René Char, c'est un peu pareil. Il était tellement con que toute sa vie il a cru qu'il faisait de la poésie.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Tant qu'à choisir

 

Quand on visite un cimetière, on croise des morts et des vivants ; ces derniers, inutile de se le cacher, puent atrocement des pieds « et c'est encore avec les morts qu'on préfèrerait être ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Salop de Marchandot

 

La vie, ce n'est pas marrant. Après une quantité effarante de tribulations, on arrive enfin rue Lepic devant chez Marchandot mais le salop n'ouvre pas, il se terre, il a la trouille, et on est obligé de gueuler : « Marchandot ! Marchandot ! Debout là-dedans ! Ton cochon, Marchandot ! Marchandot ! Marchandot ! » au risque de se faire arrêter par une patrouille (et bien sûr, ça ne manque pas).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 3 décembre 2022

Eidos transcendantal

 

Il paraît que l'activité phénoménologisante procède à partir de l'étant, remonte à sa structure constitutive et, même au niveau supérieur, conçoit la relation de ce dernier à ce qui le précède en logifiant, c'est-à-dire en saisissant la relation eidétique, et en ontifiant, c'est-à-dire en saisissant comme étant le niveau ainsi appréhendé. Mais c'est peut-être un « on-dit ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Portrait de la mort en jeune chien

 

En décembre 1941, Ernst Jünger, alors affecté à l'état-major parisien de la Wehrmacht, rencontre Louis-Ferdinand Céline à l'Institut allemand, rue Saint-Dominique. Ferdine confie à son interlocuteur qu'il a constamment la mort à ses côtés — « et, disant cela, il semble montrer du doigt, à côté de son fauteuil, un petit chien qui serait couché là ». N'est-ce pas bien trouvé ? Le coup du petit chien ? Sacré Ferdine !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Face à la mer

 

Ces gens qui, comme le peintre Eugène Boudin, demandent à mourir « face à la mer » et se font transporter à Deauville pour y pousser leur dernier soupir, on aimerait les souffleter. À quoi bon faire tant de chichis ? Et qui croient-ils abuser, avec leur « mer » ? Mer ou pas mer, quand il faut y aller, il faut y aller. — Je t'en foutrai de mourir face à la mer, moi, tuouaouar !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Jargon

 

Pour savoir si le philosophe Jan Patočka dit vrai quand il soutient que « le rapport entre les actes intentionnels et leurs objets ne peut être ramené à des relations eidétiques purement objectives », il faudrait d'abord savoir ce qu'est une « relation eidétique ». Et ça, c'est plus facile à dire qu'à faire.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 2 décembre 2022

Colloque de Cerisy

 

René Char : Le réel quelquefois désaltère l'espérance. C'est pourquoi, contre toute attente, l'espérance survit.
Le nihilique : T'es un vrai céoène, toi, hein ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Vie simple

 

« Être un ermite chinois et se retirer sur une montagne froide... Trouver son bonheur dans la voie de la vie quotidienne... Caguer parmi les nuages et, une fois son affaire faite, se torcher le fondement avec des rochers et du lierre brumeux... Ah ! Quel délice ! » (Les trente-trois délices de Louis Ribémont, Trad. de Simon Leys)

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une créature chthonienne

 

Il y a chez la femme quelque chose de chthonien. Elle a beau déployer d'immenses efforts pour paraître céleste, on reconnaît à mille détails qu'elle appartient au monde souterrain. Son corps, de couleur bleutée à gris-noir, est composé d'un protoplasme flasque et caoutchouteux. Elle creuse des tunnels dont les parois sont couvertes d'une sorte de lave vitrifiée. Mais surtout, ce qui trahit son caractère chthonien, c'est son appétence pour les infernaux « magazines féminins ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Cénotaphe scatozigreste

 

Si l'œuvre d'un écrivain constitue son cénotaphe, alors c'est la plupart du temps un cénotaphe scatozigreste.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 1 décembre 2022

Alternative à l'autolyse

 

Quand ça ne va pas fort — quand ça ne « boume » pas —, il n'y a pas que le suicide. On peut aussi aller au musée de l'Homme regarder des crânes et des masques. — À condition d'être dans le coin, c'est-à-dire.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Existentialisme

 

Le véritable existentialiste ne se trémousse pas dans les caves de Saint-Germain-des-Prés. Il n'écoute pas de jazz ni ne se pâme aux mélopées de la fille Gréco. Non, mes amis. Le véritable existentialiste, au contraire, se livre à des macérations continuelles. Il a une « écharde dans la chair ». Il ne peut oublier sa Némésis, une bourrelle du nom de Régine Olsen, qui est devenue pour lui le symbole de l'existence même (et suave).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Rétribution

 

Il y en a qui parlent de l'absurde et on leur donne le prix Nobel. Pour corroborer leur thèse ? D'autres qui parlent du Rien et on leur donne peau de révérence parler zob. Pour la même raison ? 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Lèpre intérieure

 

Pareil au cagot, le nihilique est atteint d'une « lèpre intérieure ». Dans son cas, cette « lèpre intérieure », c'est l'idée du Rien — la pensée que « rien n'est ». On devrait d'ailleurs dire la sensation du Rien, car comme idée, elle ne vaut pas cher.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 30 novembre 2022

En lisant, en écrivant

 

Écrire n'a d'intérêt que si on le fait pour dire du mal de l'existence. Alors, c'est thérapeutique. Sinon ça ne sert à rien, c'est juste bon à ennuyer le populo. Lire, c'est pareil. On lit pour trouver confirmation que l'existence n'est qu'une grosse tourte de m... L'âme humaine, on la connaît assez, merci.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Supériorité du minéral

 

Il est peut-être vrai, comme le prétend le Grandiloque, que « celui qui n'a jamais envié le végétal est passé à côté du drame humain ». Mais se faire grignoter par des doryphores ou autres bestioles, merci bien ! Non, non, plutôt le minéral.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Abélard à Loches

 

Vers 1095, Pierre Abélard abandonne le foyer familial et l'oppidum du Pallet pour se consacrer aux lettres, « échangeant les armes de la guerre contre celles de la logique ». Il rencontre à Loches le chanoine Roscelin, philosophe du nominalisme. Othon de Frisingen, ancien élève d'Abélard dans les années 1130, le confirmera dans sa chronique : « Il eut d'abord pour précepteur un certain Roscelin qui, le premier dans notre siècle, introduisit dans la logique le système nominaliste. » Abélard rencontra-t-il à Loches la célèbre Madame Bellepaire, connue pour « avoir de la conversation » ? Othon de Frisingen ne le précise pas.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Trop grave la vie

 

Qu'il est difficile de vivre quand on souffre d'angoisse kierkegaardienne... Cette oppression... Et cette sensation de vertige à la simple pensée qu'on va devoir se livrer à une « action »... Pire que tout, une « action » impliquant un contact avec le « monstre bipède »... Non, parole, ce n'est pas marrant.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)