vendredi 15 juillet 2022

Doute ultime

 

Et si le taupicide, aussi bénin en apparence qu'un faitout de pilchards, était l'antichambre d'un monde plus terrible encore ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Fonctions méconnues du vocable

 

Le vocable possède un point commun avec la trompe de l'éléphant et la queue du pangolin : il est préhensile. Sa fonction première n'est pas la préhension, mais il peut bel et bien servir à prendre, à saisir des objets, ainsi que le montrent maints exemples de la vie quotidienne. Son utilité ne s'arrête pas là : on peut aussi l'arc-bouter contre l'encoignure du Tout pour étançonner ce dernier.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

La vie aussi, c'est pour les caves

 

De quelque façon qu'on s'arrange pour enjoliver les choses, vivre revient toujours à mener l'existence d'un cafard suintant recroquevillé dans la boue d'un marais.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 13 juillet 2022

Dépouillement

 

Considérer est trop, mais à la réflexion, sidérer aussi ; dérer suffit. Ça ne veut rien dire, mais comme rien ne veut rien dire de toute façon...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pouvoir aspirant du vocable

 

Un chenapan ayant introduit un caramel mou dans le réservoir de sa Panhard, Françoise Sagan dut faire appel au rugueux vocable pour, de ce réservoir, extirper d'un coup le sucre et l'essence (elle avait d'abord essayé avec « l'impassible émotion du chaos » mais ça n'avait pas marché).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Réelle fioriture

 

Les « lettres d'adieu » en témoignent : la proximité de la mort transfigure le « conscient intérieur » et estompe sa dimension contingente de réelle fioriture.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Déconnade

 

« N'étant rien et se reconnaissant tel, le nihilique vit organiquement lié au grand mystère du Cosmos.
— Hein ?
— Rien. Je déconnais. »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Rapt extatique

 

Certains bouddhistes (ceux de l'école dite nihiliste) passent leur vie à dissoudre la substance de l'univers. Ils cherchent sans répit la grande illusion qui se déploie derrière la « réalité empirique ». Mais une fois parvenus face au vide suprême, face à l'abîme du non-être... ils ont les chocottes ! C'est du moins ce que prétend Mircea Eliade. Il parle de « rapt extatique » plutôt que de chocottes, mais n'est-ce pas plus ou moins la même chose ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 12 juillet 2022

Mort vivant

 

Dans certaines civilisations orientales, la condition de « mort vivant » est reconnue. On peut l'acquérir en organisant une cérémonie funéraire anticipée. Après ça, on vous laisse tranquille. Quoique continuant à vaquer à vos occupations, vous êtes officiellement considéré comme « décédé ». N'est-ce pas formidable ? Plutôt que d'être un « mort vivant » plus ou moins clandestin, comme l'est toujours le nihilique en nos contrées ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Part sédimentaire

 

La part sédimentaire de l'homme se révèle dans son attirance pour tout ce qui ressemble à une tête de chien couché.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 11 juillet 2022

Putréfaction de l'âme noble

 

Après plus de cinquante années d'existence, on en arrive à la conclusion que tout, absolument tout dans la vie est infect. Heureusement il y a l'oubli, où l'âme noble peut languissamment se putréfier.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Plus subtil niveau

 

Dans ses Aveux et anathèmes, le « négateur universel » Émile Cioran trahissait un secret de Polichinelle en avouant s'être trémoussé (dans cet univers aberrant). Après tout, pourquoi pas, serait-on tenté de dire. Mais il y a un hic : on peut se trémousser, on peut même gesticuler, mais à condition que ce soit au plus subtil niveau.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 10 juillet 2022

Un « père tape dur »

 

Non, le Rien n'est pas un paternel censeur. Quand il vous colle — quand son idée s'empare de vous —, c'est pour de bon. Il est exact, par contre, qu'il est « pur et maximalement éthéré » — mais c'est une médiocre consolation pour le « collé ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pissat bovin

 

Le temps coule entre nos mains comme de l'urine de vache. Pensée renouvelée de Virgile.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 9 juillet 2022

Luxueuse besace

 

L'être est une luxueuse besace, mais qui ne contient que d'affreux bibelots sans valeur : maroquinerie, verrerie, porcelaine, coupons d'un drap mordoré... On s'en lasse plus vite que des murmures dansants, cosmiques et immarcescibles du pachynihil — cette « chair première ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Fiole sensible

 

De l'homme, et plus spécialement du nihilique, le réel se paie la fiole sensible (l'âme, comme cela s'appelle).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 8 juillet 2022

Ostioles

 

En mycologie, ostiole est le nom donné à l'ouverture du péridium d'un gastéromycète par où s'échappent les basidiospores. Fait peu connu, l'esprit humain est lui aussi pourvu d'ostioles — des ostioles blanches, s'il faut tout dire — mais n'en sort que le jus insolent du cynisme. Pourquoi ? Pour la simple raison que, à la différence du champignon, l'homme doit faire face au tragique de la vie.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Héroïsme moderne

 

La lutte elle-même vers les pics enneigés du Rien suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Émile Cioran heureux.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 7 juillet 2022

Prisme

 

Pour pénétrer quelqu'un, pour le connaître vraiment, il faut lui demander ce qu'il entend par prisme. Entend-il le Grand Rien, la source déflagrante de la vie, le nerf philosophal du dénouement final, la conscience en un mot ? Sinon, inutile de continuer.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Métalepse

 

On a longtemps cru que le mot femme servait à désigner l'être qui, dans l'espèce humaine, appartient au sexe féminin. Mais les savants d'aujourd'hui estiment plutôt que ce vocable est une simple métalepse du vacuum.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 6 juillet 2022

Subjectile cutané

 

La femme est recouverte d'un subjectile cutané qui empêche de voir sa machinerie interne. Sinon, il y aurait de quoi dire (mais il y a déjà de quoi dire). Si l'on pouvait revêtir ce subjectile de cendres thérapeutiques (à défaut d'être salvatrices), peut-être les choses iraient-elles mieux ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Le bonheur, c'est pour les caves

 

Les gens « heureux » mériteraient d'être fessés. On n'a pas idée d'être si con.
 
(louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 5 juillet 2022

Biologie

 

Le cytoplasme, les mitochondries, la membrane plasmique, les villosités, l'appareil de Golgi... Peut-être vaut-il mieux ignorer ce qui déambule sous l'os. On risquerait, comme le Grandiloque, d'y perdre le sommeil et de devenir à son tour un « négateur universel ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Caractère orbicole du kantisme

 

Contrairement à l'idée du Rien qui a besoin, pour se développer, d'un climat mental adéquat, les prolégomènes de la raison pure sont capables de s'acclimater dans les cervelles les plus obtuses. C'est pourquoi ils prospèrent en tout point du globe (ils sont orbicoles).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 4 juillet 2022

Briques tristes

 

L'esprit en proie à la nostalgie du non-être ressemble à un glacier qui croule : il entraîne avec lui une cohorte de moraines ridées et de briques tristes, des mots tels que zingibéracé, bouillabaisse ou cyclomoteur.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Orge presciente

 

Tracteur-navette redoutable, le vocable strapontin laboure notre tchernoziom mental et y fait germer une orge presciente de notre déchéance.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 2 juillet 2022

Commissions

 

Ecchymoses de l'âme ; fractures à vide du mucron ; paralysie râpeuse du conscient intérieur... — Penser à prendre aussi du pain de mie.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Reptation

 

Chaque jour, on se regarde décliner un peu plus. On fait des fautes d'omission (on saute des mots) ou des fautes tout bonnement, qui révèlent un dérangement profond dans ce système de transmission qu'est le cerveau. Cette déchéance graduelle est encore plus pénible que... mettons de voir la gueule du « philosophe » Michel Serres dans le poste de télévision. S'il faut mourir, autant y aller carrément — le taupicide ! —, et non par cette « lente reptation de mégacéros de facto ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pensée-moignon

 

C'est par abus de langage que les philosophes sont appelés des penseurs. Car on a beau chercher, il n'y a dans tous leurs « systèmes » pas plus de pensée que de beurre au prose. Il n'y a que de la « pensée-moignon ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)