jeudi 6 septembre 2018

Dégringolade fatale


Fameusement renseigné sur la nature humaine par son commerce quotidien avec une mégère au mufle d'hippopotame, l'homme du nihil nie l'existence de la vertu et proclame que toutes les actions du Dasein sont commandées par l'égoïsme. Ainsi débarrassé de toute illusion sur le « monstre bipède », sur l'existence, sur l'idéalisme fichtéen, et cetera, il se livre au néant et marche rapidement à l'athéisme, puis à l'homicide de soi-même.

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Au milieu des ruines


De la plante du pied jusqu'à la tête, rien n'est en bon état chez l'homme du nihil : ce ne sont que blessures, contusions et plaies vives, qui n'ont été ni pansées, ni bandées, ni adoucies par aucun onguent.  Son viscère est dévasté, ses os sont consumés par le feu, des cafards dévorent sa pachyméninge, ils ravagent et détruisent, comme des barbares. Mais son Moi subsiste comme une cabane dans une vigne, comme une hutte dans un champ de concombres, comme une ville épargnée. — Persistance merveilleuse et déprimante du Moi.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Imitation de Sénèque


Henry de Montherlant, né le 20 avril 1895 à Paris, est un romancier, essayiste, auteur dramatique et académicien français. Il se donne la mort le 21 septembre 1972 en ingérant du cyanure et en se tirant dans la tempe un coup de revolver. La fascination que nourrissait Montherlant pour les stoïciens l'avait fait qualifier par Gragerfis de « moraliste austère et désabusé » et de « Sénèque en peau de lapin ».

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Interlude

Jeune femme lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

À la manière de Leibniz


La pensée de se détruire entre dans la pachyméninge du suicidé philosophique « par des différentielles » et non par une « simple division, multiplication » : non par des actions arithmétiques, mais par un insensible processus d'érosion du « vouloir vivre » dont la contrepartie est une suite d'accroissements très petits — à la Leibniz — de la lassitude d'être ceci ou cela.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Pierre


La minéralité, forme suprême de l'ironie.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. dégoût)

Bilan


C'est près du feu, en hiver, qu'allongé sur un lit moelleux, le ventre bien garni, en buvant du vin résiné, en mangeant de temps à autre des huîtres ou des bigorneaux, il faut se poser ces questions : Qu'as-tu fait de ta vie, homme ridicule ? Et quel âge avais-tu lors de l'invasion des Mèdes ? (Pensée renouvelée de Xénophane).

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Persévérance


Nous nous mîmes en chemin d'assez bonne heure, et lorsque nous eûmes fait une couple de lieues, nous fûmes joints par le Juif errant qui, sans se le faire répéter, se plaça entre mon cheval et la mule de Velasquez et commença en ces termes :

« Il n'est vraiment nul besoin de réussir pour persévérer, particulièrement dans l'être. »

Comme le Juif errant en était à cet endroit de son histoire, il s'arrêta tout à coup et, fixant le cabaliste d'un air arrogant, il lui dit : « Fils impur de Mamoun, un adepte plus puissant que toi m'appelle sur les sommets de l'Atlas. Adieu ! » Puis il s'éloigna, et bientôt nous le perdîmes de vue.


(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)

Interlude

Jeune femme lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Pisse-vinaigre


La Weltanschauung de l'homme du nihil présente un caractère austère bien propre à rebuter le vulgum pecus. Dans son système, point de vains ornements. Ici, tout est fort : pas de dorures, le fer, partout le fer ! On comprend dès lors pourquoi l'homme du nihil passe pour un « bonnet de nuit » aux yeux de ce « chantre du festif » qu'est l'homme moderne.

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Solitude et minéralité


Au dire de l'écrivain mondain Paul Valéry — mondain au sens vulgaire comme à celui du phénoménologue Eugen Fink —, « il y a deux sortes d'hommes — ceux qui se sentent hommes et ont besoin d'hommes — Et ceux qui se sentent — seuls, et non hommes — Car qui est vraiment seul, affirme-t-il, n'est pas homme mais pierre dure rotacée. »

Valéry oublie toutefois de mentionner que ces « pierres dures rotacées » sont aussi capables de se livrer, et plus souvent qu'à leur tour, à des divagations lagéniformes de dipsomaniaques angoissés.


(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Vengeance haddockienne avortée


Smith est l'agent général à Reykjavik de la Golden Oil qui détient le monopole de la vente de mazout en Islande. Sa compagnie appartenant à l'infâme financier Bohlwinkel, il reçoit l'ordre de ne pas ravitailler l'Aurore afin de favoriser le Peary dans la course vers l'aérolithe.

Quand Smith refuse de lui vendre du fioul, le capitaine Haddock envisage un moment de lui ouvrir le ventre, d'en arracher les entrailles, d'y mettre de l'avoine et d'y faire manger les chevaux, comme firent les naturels d'Ascalon et d'Héliopolis à saint Cyrille, diacre, et aux autres martyrs sous Julien l'Apostat.

Heureusement, il n'est pas contraint d'en arriver à cette extrémité car sa rencontre avec le capitaine Chester lui permet de se procurer du carburant par la ruse. Le vil Smith ne saura jamais à quoi il a échappé !


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)