vendredi 8 novembre 2024

Des veaux et des hommes

 

Aristote, dans son Livre des animaux, enseigne que si l'on prend de la cire et qu'on la broie sur les cornes d'un veau, on le mènera partout où l'on voudra sans peine. Ne nous hâtons pas de rire de ce veau, car le monstre bipède, c'est pis : on le mène avec de simples mots, des mots tels que liberté, égalité, ou encore — c'est plus rare mais cela arrive — hystricognathe.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Sur la route

 

Pour supporter l'existence, il faut ingurgiter d'énormes quantités de vin et de spiritueux. Seulement, attention, on risque de finir comme Jacques Kérouac (non pas « sur la route », mais avec un ulcère gastro-duodénal — quoique les deux ne soient pas incompatibles).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pas d'esbroufe chez L'Ecclésiaste

 

Le négateur — le négateur en général, pas seulement Émile Cioran — a tendance à se croire original, alors qu'il ne fait que répéter — peut-être sans le savoir — ce qu'a déjà dit mieux que lui l'Ecclésiaste. « Et j'ai haï la vie, car ce qui se fait sous le soleil est mauvais à mes yeux, car tout est vanité et poursuite du vent. » En une phrase, tout est dit, et sans esbroufe. L'Ecclésiaste, on ne l'imagine pas ramer sur l'étang de Soustons, ni être foudroyé par une réminiscence de vocabulaire (all is of no avail), ni surtout se faire publier chez Gallimard.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Bon vouloir du dégoûté

 

Diodore de Sicile dit que les habitants de Ceylan ont la langue fendue en deux jusqu'à la racine, ce qui leur donne beaucoup de facilité à imiter le chant des oiseaux. Il est prêt à le jurer à mortel, mais ce n'est pas la peine, on est comme Barkis, on veut bien. Au point de dégoût où on en est, on veut bien tout.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)