Dans son
poëme Le Pont Mirabeau, Apollinaire s'exclame : « Vienne la nuit, sonne
l'heure ! » Si l'on comprend bien, le poëte considère que l'heure, à
l'instar de tel premier ministre japonais, « n'a qu'à sonner ».
Nul événement mondain ne nous aura autant irrité que le mariage d'André Salmon. Dans son poëme, Apollinaire répète on ne sait combien de fois qu'aujourd'hui son ami André Salmon se marie, et à la fin on en a plein le dos. La patience n'est pas notre fort, il est vrai — à cause de cette sacrée « mortalité de l'être mortel » qui nous met les nerfs en boule.
Nous
ne savons pas pourquoi, c'est peut-être que nous ne sommes pas né à
Narbonne et n'avons pas fréquenté Guillaume Apollinaire ni Max Jacob,
mais le passage du temps ne nous est pas propice. Au lieu de reverdir
comme fit le poëte des Sources du vent, nous nous enfonçons dans une
déchéance physique et morale !
Le
temps est un vrai fidgarce. Quand on voit ce qui coule sous le pont
Mirabeau... Des amours défuntes, passe encore, mais faut voir le
reste... Paul Celan, Ghérasim Luca... Faut avoir le cœur bien accroché.
Apollinaire
prétend qu'on a pavoisé Paris parce que son ami André Salmon s'y marie,
mais ça nous étonnerait beaucoup vu qu'André Salmon et son mariage,
tout le monde s'en fout. Au cul, André Salmon ! Au cul, le mariage
d'André Salmon ! On a autre chose à penser ! On va clamecer, tu
comprends ?
À
force de parler dans ses poëmes de vagues de briques, Guillaume
Apollinaire a fini par s'en prendre une sur le cassis. Il a fallu lui
bander la tête.
Les
poëmes, ça va quand on est bien disposé, mais quand on est d'humeur
caustique c'est une autre histoire. Tout vous paraît alors d'un niais...
Ainsi, Apollinaire avec son pharaon et ses vagues de briques.
Carre-les-toi dans le fiak, tes vagues de briques, hé, pot de pisse !
Dans
son Poëme lu au mariage d'André Salmon, Guillaume Appolinaire exhorte
l'étant existant à se réjouir parce que, dit-il, « l'amour veut
qu'aujourd'hui mon ami André Salmon se marie ». Seulement voilà, l'étant
existant s'en tamponne le coquillard, du mariage d'André Salmon. Il a
d'autres soucis, l'étant existant — à commencer par sa propre
mortalité. Alors au cul, André Salmon ! Au cul, le mariage d'André
Salmon ! Merde alors !
« Homicide de soi-même ! Le plus
beau des arts ! Dix grammes de taupicide (en une seule prise), et nous
voilà tout proches de la divinité. » (Guillaume Apollinaire, La Femme
assise)