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mercredi 4 octobre 2023

Corps propre

 

Quand plus rien ne vous fait rire, même les philosophes, c'est que les choses vont mal, très mal. C'est qu'on est proche de la proverbiale « fin des haricots ». Mais tant qu'on peut se boyauter à lire du Merleau-Ponty, du Jankélévitch ou de l'André Comte-Sponville, il reste de l'espoir. On n'a pas encore touché le fond.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

dimanche 3 septembre 2023

Être un hippopotame

 

Le vrai sage, ce n'est ni Socrate, ni Siddharta Gautama, ni Jankélévitch, ni même André Comte-Sponville, le vrai sage, c'est... l'hippopotame. La mortalité de l'être mortel, la temporalité du temps, l'haeccéité, l'hippopotame s'en tamponne le coquillard. Il accueille les dons de l'instant avec modestie et gratitude. Il nous montre le chemin du bonheur dans la simplicité. « Ô joie suprême ! Ô bonheur ineffable ! Une flaque de boue ! »
 
(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

samedi 4 mars 2023

Rumination

 

Non seulement la solitude existe, mais elle vous congèle le cerveau. Elle annule le présent et fait remonter le passé à la surface. On revit ses échecs antérieurs au lieu d'en confectionner de nouveaux. Comme la mort (selon Jankélévitch), la solitude est un « état malaisant ». 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 28 février 2023

Penser la mort

 

Un jour, le philosophe Jankélévitch décida de « penser la mort ». Et c'est ce qu'il fit ! Il « pensa la mort » ! Le résultat de ses investigations peut être consulté dans son ouvrage Penser la mort. Ces philosophes, « comme même » ! Il n'y a pas à dire ! 
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 27 janvier 2023

Penser la mort

 

« Il y a dans la mort je ne sais quoi d'irrévocable qui fait qu'on peine à s'y habituer. On peut dire sans exagérer que la mort est un état malaisant, tout comme la pensée de la mort est une pensée malaisante. » (Vladimir Jankélévitch, Penser la mort)

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

vendredi 13 août 2021

Haeccéité et taupicide

 

Dans son ouvrage intitulé L'Alternative, le philosophe Jankélévitch, avec sa perspicacité habituelle, note qu'« être, c'est encore être ceci ou cela, n'être que ceci ou que cela, selon certaines circonstances de temps et de lieu qui, en nous assignant une place dans l'étendue et une date dans la durée, nous empêchent d'être tout le monde, d'être partout, d'être aujourd'hui et hier à la fois ». Rien n'est plus vrai et c'est bien cela qui, pour l'homme du nihil, constitue la torture suprême, c'est bien cela qui, dans l'être, lui paraît intolérable car exorbitamment grotesque. Et quand Jankélévitch ajoute qu'« ici il faut choisir : ou être en fait, et n'être que ce que l'on est, ou être infiniment, à condition de n'être plus rien », l'homme du nihil ne peut que souscrire à cet éloge discret du taupicide.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 29 mars 2020

In extremis


Dans sa Philosophie morale, Jankélévitch prétend que « si la mort est bien ce qu'elle doit être, à savoir un indéchiffrable et profond mystère méontique, elle est tout le contraire d'une solution ». Et il ajoute que « la guérison de la migraine par le revolver est une solution qui n'en est pas une, puisqu'il nous enlève la vie en même temps que la douleur ». — « Ça alors ! » s'exclame l'homme du nihil qui, n'ayant jamais considéré cet aspect de la question, s'apprêtait justement à traiter son « asthénie existentielle » à l'aide d'un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe. 

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mercredi 20 novembre 2019

Stop (Stephen Dixon)


Une voiture s'est arrêtée. Un homme en est descendu : « Hé, toi ! » a-t-il dit. J'ai laissé tomber mon paquet et je me suis mis à courir. « Hé là, stop ! Où tu vas ? » Il savait. Et il savait que je savais. Une voiture s'arrête, un homme en descend, le moteur continue à tourner, le conducteur attend à l'intérieur, les mains sur le volant, la portière reste ouverte pour que l'homme puisse remonter en vitesse. Et ce regard !
   La voiture m'a rattrapé une centaine de mètres plus loin. Ils sont restés à ma hauteur plusieurs secondes, se moquant de mes talents de coureur, rigolant de leurs propres astuces. Puis ils se sont garés dix mètres devant moi et je me suis arrêté. Ils sont descendus tous les deux. Le moteur était resté en marche, les deux portières ouvertes. « Hé, toi ! » a dit le même homme que tout à l'heure en venant vers moi, l'autre se tenait en retrait. « On voudrait juste te causer de Jankélévitch, alors c'est pas la peine de te tirer.
— De Jankélévitch ? j'ai demandé. Comment ça, de Jankélévitch ? Vladimir ?
— Lui-même. On veut que tu nous dises ce que tu sais de l'apport de Schelling dans son anthropologie éthique. Ça te dit quelque chose, mon petit père ?
— Hé bien... J'ai entendu des bruits, mais je ne peux pas certifier qu'ils sont exacts.
— Dis toujours. Allez, fissa !
— Hé bien... J'ai entendu dire que les anthropomorphismes utilisés par Schelling pour décrire Dieu avaient permis à Jankélévitch de passer dans sa propre philosophie à une conception de l'être humain comme ipséité incarnée et absolu relatif. Mais je n'en sais pas plus, je vous jure ! »
Il m'a attrapé par le colback et s'est mis à me secouer comme un prunier. « Et comment s'articule ce passage d'une signification théologique à une signification anthropologique de l'existant ? Hein ? Saloperie ! » Il m'a mis un bourre-pif et j'ai commencé à voir trente-six chandelles. J'ai juste eu la force de balbutier : « Pourquoi vous ne demandez pas à Bergson ? » et j'ai tourné de l'œil.


(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

jeudi 7 novembre 2019

Une bière au bar du coin (Charles Bukowski)


C'était, je crois, il y a quinze ou vingt ans. J'étais chez moi. C'était une chaude nuit d'été et je me sentais déprimé.
Je suis descendu dans la rue. La plupart des familles avaient déjà dîné et étaient plantées devant leurs postes de télé. J'ai été jusqu'au boulevard. En face, il y avait un bistrot de quartier, une construction démodée avec un bar en bois, peint en vert et blanc. Je suis entré.
J'ai commandé une bière bouteille et j'ai allumé une cigarette. Ce n'était qu'un bistrot de quartier comme les autres. Les clients se connaissaient tous. Il n'y avait qu'une seule femme à l'intérieur, vieille, en robe noire et perruque rousse. Elle portait une douzaine de colliers et ne cessait de rallumer sa cigarette. Je commençais à regretter d'être là et j'ai décidé de partir dès que j'aurais fini ma bière.
Un homme est entré et a pris le tabouret à côté du mien. Je n'ai pas levé les yeux, j'étais indifférent, mais à sa voix, j'imaginais qu'il avait à peu près mon âge. On le connaissait. Le barman l'a appelé par son prénom et quelques habitués lui ont dit bonjour. Il est resté trois ou quatre minutes devant sa bière, puis il m'a dit :
— Salut, ça va ?
— Ça va, merci.
— Vous êtes nouveau dans le coin ?
— Non.
— Je vous ai jamais vu ici.
Je n'ai pas répondu.
— Vous êtes de Los Angeles ? il a demandé.
— Principalement.
— Vous croyez que les Dodgers vont gagner cette année ?
— Non.
— Vous aimez pas les Dodgers ?
— Non.
— Vous aimez qui ?
— Personne. J'aime pas le base-ball.
— Vous aimez quoi ?
— La boxe. La corrida. La philosophie de Jankélévitch.
— La corrida, c'est cruel.
— La philosophie de Jankélévitch aussi.
— Ah ?
— Ouais. Il dit que la mort est le seul événement biologique auquel le vivant ne s'adapte jamais.
— Merde alors ! Et quoi d'autre ?
— Il dit encore que la mort est un vide qui se creuse brusquement en pleine continuation d'être ; que l'existant, rendu soudain invisible comme par l'effet d'une prodigieuse occultation, s'abîme en un clin d'œil dans la trappe du non-être.
Il est resté un moment sans rien dire et a bu une gorgée de bière. Puis il a hurlé :
hé ! y a un mec qui dit que la mort est un vide qui se creuse brusquement en pleine continuation d'être ! il déteste le base-ball. il adore la corrida et il aime lire du jankélévitch.
Tout le monde m'a regardé. J'ai contemplé le bout de ma cigarette. Il y a eu un long silence. Puis la femme à la perruque rousse a dit :
— Si j'étais un homme, je lui ferais remonter la rue à coups de pompe dans le cul.


(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

lundi 25 mars 2019

Entartré !


Le temps est analogue à cet enduit pierreux déposé par des matières salines autour des corps ayant séjourné dans des eaux calcaires et contre les parois des chaudières à vapeur.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

lundi 28 janvier 2019

Vieille feuille


À force d'acharnement, la jankélévitchienne « temporalité du temps » finit par donner au Dasein des allures de vieille feuille. « On ne saurait mieux marquer le caractère foncièrement déficient, tourné vers l'immobilité et le retour à l'inorganique, qui me paraît l'essentiel de ce processus mortel qu'on nomme la vie », note à ce sujet Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

vendredi 26 octobre 2018

Jankélévitch avait raison !


L'irréversibilité du temps se dit de tout organe membraneux, desséché, translucide.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

samedi 6 octobre 2018

Autoblocage


Dans la constipation, le sujet déféquant est, comme le dirait le philosophe Jankélévitch, tout à la fois l'organe et l'obstacle.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

samedi 8 septembre 2018

Le Travailleur


Le « Monsieur Baxter » d'Objectif Lune n'est pas un humaniste, c'est le moins que l'on puisse dire. Ce monstre froid au cerveau farci de statistiques, qui dirige le Centre de Recherches Atomiques de Sbrodj, incarne la pensée technicienne à l'état pur, qui « met aux prises une volonté agressive et une nature pensée comme matière inerte, simple objet de pénétration et d'information » 1. En comparaison, comme le docteur Rotule, quoique bourru, nous paraît bénin et sensible !

Vers la fin de sa vie, Baxter, du fait d'une carence en fibres, se trouvera momentanément incapable de « faire » et connaîtra enfin le sentiment intérieur de la présence du Rien. Il regrettera amèrement d'avoir consacré ses jours à des fusées, centrales atomiques et autres billevesées, mais il sera trop tard : comme l'a montré le philosophe Jankélévitch, le temps a en effet un caractère odieusement irréversible.


1. Edmond Chassagnol, Théorie du trop-plein, p. 209.

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

dimanche 15 juillet 2018

Une maison partagée pour mieux vivre ensemble


« Tout part d'un constat. "Il manque des places pour accueillir des personnes en situation de handicap dans le pays de Lorient", souligne Olivier Collumeau, président de l'association Eplay (Ensemble pour leur avenir, youp-la-boum). En 2013, des parents dont les enfants végètent au centre de rééducation de Kerpape cherchent une alternative aux centres d'accueil surchargés. Pourquoi pas une maison partagée ?

Depuis 2011, l'association Simon de Cyrène développe ces habitats spécialisés où vivent des personnes valides et handicapées. "Chaque habitant dispose de son studio et partage les espaces communs : salon, salle à manger..."

Le projet prévoit d'accueillir douze personnes handicapées et douze valides. Parmi ces dernières, des assistants salariés, des jeunes en service civique et des bénévoles. Un responsable est nommé pour veiller au bon déroulement de la colocation et s'assurer qu'aucun des résidents n'est tenté de se "faire sauter le couvercle" pour échapper aux affres de l'haeccéité. Contrairement aux centres d'accueil médicaux, les maisons partagées ont des employés qui sont sur place en permanence. Leur travail est loin d'être une sinécure, mais selon Olivier Collumeau, "la lecture de Vladimir Jankélévitch leur procure un dérivatif à l'angoisse d'exister et leur permet de supporter sans coup férir la temporalité du temps". » (Ouest France, 23 février 2017)


(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)

vendredi 29 juin 2018

L'assassin (Georges Simenon)


Le mélange était si intime entre la vie de tous les jours, les faits et gestes conventionnels et l'aventure la plus inouïe que le docteur Kupérus, Hans Kupérus, de Sneek (Frise néerlandaise) en ressentait une excitation quasi voluptueuse qui lui rappelait les effets de la caféine, par exemple.

Il était à Amsterdam, comme tous les premiers mardis du mois. C'était en janvier ; il avait revêtu sa pelisse à col de loutre et, comme il neigeait, il portait des caoutchoucs sur ses chaussures.


Ces détails sont sans importance, mais c'est pour dire que les choses étaient les mêmes que les autres premiers mardis du mois. Jusqu'à ce menu fait encore : en sortant de la belle gare en briques rouges, il était allé boire un verre de genièvre en face, ce qu'il ne disait jamais à personne car il n'est pas convenable, à dix heures du matin, d'entrer seul dans un café vergunning 1 et d'y consommer de l'alcool.


Il avait neigé toute la nuit, il neigeait encore, mais l'atmosphère était très gaie. Les flocons descendaient doucement, fort rares, sans risquer de se rencontrer en l'air, et de temps en temps, le soleil paraissait dans un ciel déjà bleu pâle. Par terre, la neige tenait. Des hommes la balayaient pour en faire des tas. Sur les canaux, près des rives, se formaient des pellicules de glace, et des aiguilles de givre auréolaient la coque des bateaux.


L'aventure commença avec le deuxième verre de Bols, dans lequel Kupérus fit mettre un peu de bitter, pour enlever le goût, qu'il n'aimait pas. Puis il paya, s'essuya la bouche, releva son col et sortit, les mains dans les poches, sa serviette sous le bras.


Normalement, il aurait dû se rendre chez sa belle-sœur, dans le quartier élégant du Jardin Botanique, en prenant le tram. Il aurait déjeuné, puis, à deux heures, il serait allé à pied à trois cents mètres de là, dans un bâtiment neuf, en briques vernissées, où se réunissent, le premier mardi du mois, les médecins de l'Association de Biologie.


Au lieu de ça, il alla se se placer au milieu du boulevard qui longe la gare, il baissa son pantalon et son caleçon, montrant son « fondement de l'historialité du Dasein » aux passants, et se mit à hurler : « Entre la finitude d'un pouvoir limité par la mort et l'infinité du devoir moral, la contradiction paradoxale s'aiguise jusqu'au paroxysme de l'absurde et de l'intenable ! » Le docteur Kupérus était frappé d'une crise aiguë de « jankélévitchisme ».


1. Il existe en Hollande des cafés vergunning qui ont le droit de vendre de l'alcool, et les cafés verlof qui ne servent que des boissons non alcoolisées.

(Maurice Cucq, Georges Sim et le Dasein)

mardi 12 juin 2018

Plumes (Raymond Carver)


Un copain de travail, Bud, nous a invités à dîner, Fran et moi. Je ne connaissais pas sa femme et il ne connaissait pas la mienne. Comme ça, on était à égalité. Je savais qu'il y avait un bébé, chez Bud. Il devait avoir dans les huit mois à l'époque de l'invitation. Ce qu'ils avaient passé vite, ces huit mois ! Et ce que le temps a passé vite, depuis, nom de Dieu ! Mais comme l'a dit Jankélévitch, si le temps s'oppose irréductiblement à la rétrogradation, il ouvre une carrière infinie à la liberté. L'homme peut s'ouvrir à l'idée du futur et confirmer ce que le temps affirme : il s'agit d'apprendre le consentement à l'irréversible temporalité avec ses irréparables et ses irrévocables, contre toute nostalgie décevante et démissionnaire. Jankélévitch démontre en fin de compte que l'irréversible n'admet qu'un seul remède : le consentement joyeux de l'homme à l'avenir.
Mais ça nous paraissait un peu prétentieux, à Fran et à moi, alors à la place, on a décidé d'apporter un pain maison.


(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

lundi 14 mai 2018

Morale de l'intention bienfaisante


« Une dame qui s'était toujours fait remarquer par son caractère fier, intraitable et méchant, commença à montrer une dilection extraordinaire pour la philosophie de Vladimir Jankélévitch, ce qui la fit placer dans une maison de santé ; quatre mois plus tard elle était dans tous les transports de la fureur la plus extravagante, elle brisait, déchirait tout ce qui était à sa portée, voulait tuer les personnes qui l'approchaient. 

Après quelques mois encore, elle devint plus calme, quoique ses penchants fussent toujours les mêmes, et on la conduisit chez sa mère, dans l'espoir que les soins et la vue de sa famille modifieraient ses cruels instincts : les premiers jours se passent avec tranquillité, mais bientôt elle devient un sujet de terreur pour les voisins, pour ses parents ; elle répète sans cesse "qu'entre la finitude d'un pouvoir limité par la mort et l'infinité du devoir moral, la contradiction paradoxale s'aiguise jusqu'au paroxysme de l'absurde et de l'intenable", qu'en conséquence elle doit tuer sa mère et ceux qui la soignent ; il faut que le genre humain meure, que la terre soit inondée de sang, et cetera, et cetera. » (Scipion Pinel, Traité de pathologie cérébrale, Paris, Just Rouvier, 1844)

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Pas tout à fait Bernadette (Charles Bukowski)


J'enveloppai ma bite ensanglantée dans une serviette et téléphonai au médecin. Je dus poser le combiné et faire le numéro d'une main tout en tenant la serviette de l'autre. Une tache rouge s'étalait sur le tissu. J'eus la secrétaire du médecin au bout du fil.
— Ah! Monsieur Chinaski, qu'est-ce qui vous arrive cette fois-ci ? Vous avez de nouveau perdu vos boules Quiès dans vos oreilles ?
— Non, c'est un peu plus sérieux. Il me faut un rendez-vous rapidement.
— Demain après-midi, 4 heures, ça vous irait ?
— Miss Simms, il s'agit d'une urgence.
— Monsieur Chinaski, l'urgence est la preuve de l'humanité de l'homme. Il a conscience de l'imminence de quelque chose, mais au lieu de réagir au coup par coup, il tente de prévoir, d'établir des chaînes causales, de maîtriser des conséquences. L'immédiat est une anomalie : le temps véritablement humain est prévisible, maîtrisable et long. L'urgence est donc une modalité de la pensée du temps ou plus précisément le problème que la réalité immédiate oppose à la représentation humaine du temps.
— Mais je suis en train de me vider de mon sang par la bite !
— Très bien. Venez, et on essaiera de vous prendre. Mais je vous prie de rester poli.
— Merci, Miss Simms.
Je confectionnai un bandage de fortune en déchirant une chemise propre que j'enroulai autour de mon pénis. Puis je pris ma voiture pour me rendre chez le médecin, en espérant qu'il serait moins porté sur la philosophie de Jankélévitch que sa connasse de secrétaire.


(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)