« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mardi 8 mai 2018
Créer des interactions et du lien social entre les habitants
« Prêter un livre à son voisin. Une action anodine mais très peu de monde se lance, par timidité ou par peur de passer pour bizarre — surtout s'il s'agit d'un ouvrage de philosophie "nihilique" comme l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor. Utiliser une application peut faciliter la démarche.
L'application Citylity, lancée actuellement à Clermont, propose de mettre en contact les voisins. "Il s'agit d'aider les personnes qui habitent dans un même immeuble à trouver, sinon un sens à leur existence, du moins une perceuse, une baby-sitter, un puits busé dans lequel se jeter, etc.", explique André May le créateur de l'application.
Mais ce n'est pas la seule utilité de cette application. "Elle permet de communiquer facilement avec ce que l'ontologue allemand Martin Heidegger appelle son être-vers-la-mort (Sein zum Tode), et de restituer ainsi au Dasein la possibilité d'exister authentiquement." » (La Montagne, 23 mars 2016)
(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)
Terminus
En ingérant du taupicide, le suicidé philosophique annule son propre polynôme caractéristique, comme fait tout endomorphisme d'un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif quelconque, selon le théorème de Cayley-Hamilton.
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
Dangers du bergsonisme
Ce patient avait été admis aux urgences en fin d'après-midi pour comportement dépressif : il ne cessait de répéter que, selon Bergson, un néant opéré par l'intellect ne peut être que « plein ».
À 3 h 30 du matin, il est sorti du service à l'insu des soignants. Il s'est jeté dans le vide depuis la galerie du deuxième étage qui surplombe le hall d'entrée, ce qui lui a valu une fracture du bassin, une vertèbre cervicale cassée et une plaie au foie. L'homme est décédé d'un arrêt cardiaque à 6 h 30.
La direction de l'hôpital affirme qu'elle « tirera toutes les conséquences de cette lugubre affaire mêlant désespoir existentiel et métaphysique positive, pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise ». (France Info Franche-Comté, 16 février 2017)
(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)
Voyage convivial vers l'au-delà
« Le prix de l'essence augmente — et il nous faut agir pour limiter le réchauffement climatique. Chaque jour, plusieurs dizaines de voitures se rendent de La Bourboule à Clermont-Ferrand, Ussel, etc. Le plus souvent avec seulement une ou deux personnes à bord. Et si l'on covoiturait pour partager les frais, polluer moins et voyager de manière conviviale ? » — « En effet, si l'on covoiturait ? Ou mieux encore, si l'on se pendait ? », répond l'homme du nihil.
(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)
La disparition
Dans Expérience et jugement, le phénoménologue Edmond Husserl décrit la négation comme surgissant de la déception d'une attente, autrement dit de la suppression d'une « intentionnalité anticipatrice ». Et il cite l'exemple d'une boule rouge et lisse qui s'avère soudainement être verte et bosselée de l'autre côté, démentant ainsi la représentation anticipatrice que l'on en avait. Mais cette déception peut aussi bien concerner un objet tout entier ! L'exemple qui vient aussitôt à l'esprit est celui où, convaincu de retrouver une chose à telle place, le sujet pensant doit constater qu'elle n'y est pas, qu'il n'y a rien. C'est cette expérience douloureuse que fit la poétesse américaine Sylvia Plath.
La scène se passe à Primrose Hill (Londres), le 11 février 1963, au petit matin. Malade et dépressive, « aveuglée par le miroitement de la mort dans les replis fouillés et décapés d'un monde humain sans consistance » (Gragerfis), Sylvia cherche en vain un presse-purée qu'elle est certaine d'avoir laissé dans l'évier. Dégoûtée de cet univers inconsistant, elle place un torchon dans le four de la cuisinière pour ne pas souiller sa blonde chevelure, ouvre le gaz, et attend la mort qui arrive bientôt « à grands pas, pétulante ».
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Aveux et anathèmes
« Allo ?... Comment ?... Des côtelettes ?!!... Je... Qui ?... Non, Madame, ce n'est pas la Boucherie Sanzot, mille sabords !... » — Pour pénétrer quelqu'un, pour le connaître vraiment, il suffit de voir comment il réagit à cet aveu du capitaine Haddock. S'il ne comprend pas tout de suite, inutile de continuer.
(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)
Manuscrit de Voynich
Le manuscrit de Voynich qui me rendra à jamais invisible à moi-même et à l'omnitude possède une crosse, un barillet, un canon, une queue de détente. Il ressemble aussi peu à un manuscrit que ne se ressemblent la constellation du Chien et le chien, animal aboyant.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Rencontre avec le suicidé philosophique
Un soir, au café, Heidegger fait la connaissance d'un personnage hanté par la pensée de se détruire. L'écrivain Johannes Zimmerschmühl, qui assistait à la scène, en rendra compte en ces termes des années plus tard 1 : « Installé sur la peluche jaune d'une banquette du Rheingold, le café de la Münsterplatz à Fribourg-en-Brisgau, le suicidé philosophique essuyait avec un morceau de pain les dernières traces de sauce brune dans une assiette où s'empilaient les os d'un pigeon démembré. Il porta le pain à sa bouche, but d'un coup son verre de bière, poussa un soupir et se pencha au-dessus de la table. "Je me demande pourquoi je suis ici", dit-il. Heidegger ne sut quoi lui répondre. »
1. Dans ses Pensées rancies et cramoisies.
(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)
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