Quand il jouait au jeu des sept familles, que ce fût avec Claudel ou quelqu'un d'autre, Gide n'arrivait jamais à avoir en entier la famille Gronarino. Il lui manquait toujours soit la fille, soit le grand-père, soit la mère... Cela l'énervait au plus haut point. Il finit par nourrir une véritable haine pour ce jeu.
Quelqu'un
qui vous prend pour Gide, il faut tout de suite lui dire : « Je ne suis
pas Gide, moi ! Je ne converse pas avec Claudel, moi ! Je ne rencontre
pas d'Annunzio, moi ! Je ne veux pas qu'on me martyrise avec des
couteaux empoisonnés, moi ! » — Parce que si vous ne dites rien, c'est
sûr, le quidam va vous « proposer une turpitude ».
Le
seul acte gratuit au sens gidien est la grosse commission. La petite a
de sordides relents utilitaires, mais la grosse, on la fait en général « pour l'amour de l'art ».
Que
ne pouvons-nous dîner chez les Henri de Régnier avec Francis Jammes et
Chaumeix ! Nous discuterions de Gide et des protestants, ce serait d'un
spirituel et d'une verve intarissables. Mais Régnier, Jammes, Chaumeix,
ils sont tous « décédés », les petits sacripants.
« Quel que soit le livre que j'écris, je ne m'y donne jamais tout entier, et le sujet qui me réclame le plus instamment, sitôt après, se développe cependant à l'autre extrémité de moi-même. » (A. Gide, Journal, p. 275, en 1909) — Par exemple, voilà qui est fort ! (Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)